2 TRACFIN et la lutte contre le blanchiment d’argent _____________________ PRES
2 TRACFIN et la lutte contre le blanchiment d’argent _____________________ PRESENTATION ____________________ Le G7, lors du sommet de l’Arche du 14 au 16 juillet 1989, avait recommandé, sur la base d’une proposition française, la création de cellules de renseignement financier (CRF) chargées de contribuer à la lutte contre le blanchiment d’argent. La mondialisation des échanges et des paiements, qui facilite ces fraudes, a ensuite conduit à un élargissement des exigences en matière de lutte contre le blanchiment, sous l’impulsion du Groupe d’action financière (GAFI121). La France a choisi de se doter d’une cellule administrative de renseignement financier appelée TRACFIN (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins). Un certain nombre de professions sont assujetties à une obligation de lui signaler les sommes ou les opérations qui peuvent sembler d’origine illicite. Dans le système français, la vigilance exigée des professions assujetties à cette obligation de déclaration est sélective, car elles doivent transmettre non pas l’exhaustivité des mouvements financiers qu’elles observent, mais ceux d’entre eux qui présentent des éléments atypiques, quel qu’en soit le montant. TRACFIN reçoit ces déclarations, les analyse, les enrichit puis les transmet principalement à l’autorité judiciaire. Ni policière, ni judiciaire, TRACFIN, structure administrative de 72 agents (fin 2010) joue un rôle central dans le système partenarial de lutte anti-blanchiment. Le service reçoit chaque année un nombre croissant de déclarations de soupçon – 20 000 en 2010 – concernant plusieurs milliards d’euros de transactions financières. Initialement rattaché à l’administration des douanes, TRACFIN est devenu service à compétence nationale par un décret du 6 décembre 2006, et est aujourd’hui placé sous la double tutelle des ministres de l’économie et du budget. 121 Le Groupe d’action financière (GAFI) est un organisme intergouvernemental, au sein de l’OCDE, visant à développer et promouvoir des politiques nationales et internationales afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cour des comptes Rapport public annuel 2012 – février 2012 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr 198 COUR DES COMPTES Le code monétaire et financier, modifié par l’ordonnance du 30 janvier 2009, transposant la 3ème directive européenne122 , prévoit le cadre dans lequel les différentes professions assujetties, les établissements de crédit et les organismes d’assurance notamment, doivent prévenir, détecter et signaler les opérations suspectes. Dans un contexte où la communauté internationale (FMI et G20 notamment) associe stabilité économique et financière à la mise en place de dispositifs solides de lutte contre le blanchiment des capitaux, la Cour dresse un bilan de l’action de TRACFIN. Elle apporte ainsi un éclairage complémentaire à ses travaux menés par ailleurs sur la supervision et la régulation économique et financière123. Le renforcement des missions confiées à TRACFIN et l’élargissement du champ déclaratif doivent conduire le service à renforcer ses analyses du phénomène, à approfondir ses relations avec les professions assujetties et à adapter sa structure et son organisation aux enjeux fondamentaux dont il a la charge. Définition du blanchiment Le blanchiment consiste à dissimuler la provenance d’argent acquis de manière illégale, appelé communément « argent sale », pour le réinvestir dans des activités légales. Le blanchiment est un phénomène par nature difficile à connaître et à quantifier. Le blanchiment est défini sur le plan juridique à la fois par le code pénal – le blanchiment est puni de 5 à 10 ans d’emprisonnement et de 375 000 à 750 000 € d’amende – et par les conventions internationales auxquelles la France est partie124. 122 Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. 123 Référés au ministre chargé de l’économie de 2008 et de 2009 respectivement sur la commission bancaire, l’Autorité des marchés financiers et l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles ; rapports publics annuels 2009 et 2011 sur « Les Autorités de régulation financière » ; rapport public thématique sur « Les concours publics aux établissements de crédit », de juin 2009 et mai 2010 ; rapport à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur « La mise en place de l’Autorité de contrôle prudentiel », octobre 2011. 124 Notamment : Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 dite Convention de Vienne et Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée de décembre 2000 dite Convention de Palerme. Cour des comptes Rapport public annuel 2012 – février 2012 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr TRACFIN ET LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT 199 I - La lutte contre le blanchiment : des préalables inégalement réunis L’évaluation menée en 2010 par le GAFI a fait ressortir la large conformité de TRACFIN à ses recommandations. Cependant les préalables à une pleine efficacité de la lutte contre le blanchiment ne sont pas tous réunis. Une évaluation précise des montants en jeu et une analyse des secteurs particulièrement vulnérables au blanchiment de l’argent sont en effet indispensables pour mettre en place une stratégie de lutte efficace et mobiliser l’ensemble des acteurs concernés, au premier chef desquels les professionnels assujettis125 et leurs autorités de contrôle126. A - Une large conformité aux recommandations du GAFI Les politiques anti-blanchiment souffrent, au niveau européen, de la multiplicité des acteurs, de l’éclatement de leurs missions, moyens et pouvoirs. De ce fait, c’est le GAFI qui assume une place prépondérante tant dans la production de normes que dans l’analyse de la menace. Il effectue des évaluations par les pairs des systèmes anti-blanchiment mis en place dans chaque pays membre. Satisfaisant dans une large mesure aux recommandations du GAFI, le système français de lutte contre le blanchiment fait partie des trois seuls pays à ne devoir rendre compte des améliorations à apporter à son système que tous les 2 ans. 38 des 49 recommandations édictées par le GAFI sont remplies, dont 14 des 16 recommandations fondamentales. Pour sa part, la cellule de renseignement financier TRACFIN, qui est l’objet d’une recommandation du GAFI, a reçu une note « largement conforme ». Cette évaluation positive est nuancée par d’autres constats : de façon générale, la France souffre d’un manque de coordination et de moyens, concrétisé par une faible participation du secteur non financier, 125 Les professionnels assujettis, c'est-à-dire obligés d’adresser des déclarations de soupçon à TRACFIN, sont ceux figurant dans le tableau n° 1 (infra), auxquels il faut ajouter les intermédiaires en assurance, les sociétés de domiciliation, les opérateurs de jeux en ligne et les agents sportifs. 126 Les autorités de contrôle (voir tableau n° 1 infra) sont chargées de veiller à la bonne application du dispositif chez les professionnels concernés. Seuls les agents sportifs et les marchands de biens précieux n’ont pas d’autorité de contrôle. Cour des comptes Rapport public annuel 2012 – février 2012 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr 200 COUR DES COMPTES un manque de moyens alloués aux autorités de poursuite pénale et par l’absence de statistiques en matière judiciaire ; concernant TRACFIN : insuffisance d’agents affectés aux enquêtes, une absence de statistiques fiables permettant de mesurer l’efficacité du service et un faible nombre de transmissions à l’autorité judiciaire. L’enquête menée par la Cour confirme à la fois les points positifs et les faiblesses relevées par la GAFI. Elle met aussi en évidence les progrès qui restent à accomplir pour renforcer, au-delà de la conformité aux normes, l’efficience du système. B - Un investissement insuffisant dans la quantification du blanchiment Le chiffrage du potentiel de blanchiment des capitaux dans le monde est très difficile, mais toutes les études montrent qu’il est de très grande ampleur. Le Fonds monétaire international l’a estimé en 1996 dans une fourchette comprise entre 2 et 5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, soit un montant compris entre 590 et 1 500 Md$. Une étude plus récente réalisée sur 21 pays membres de l’OCDE127 chiffre l’économie souterraine à 14 % en moyenne du PIB, la France se situant à 11,7 % du PIB, soit 220 Md€ environ. L’enjeu en termes de moins-values de recettes publiques est considérable, comme l’illustre également le chapitre du présent rapport sur la fraude à la TVA sur les quotas de CO2. TRACFIN ne dispose d’aucune estimation sur l’ampleur, la consistance et les circuits des flux financiers concourant au blanchiment, pas plus que sur les stocks patrimoniaux qui en sont issus. Le service a fait valoir que ce type d’études ne relevait ni de ses compétences, ni de sa seule action. La seule donnée quantitative publiée, avec prudence, par TRACFIN est le montant total des fonds concernés par les transmissions en justice (524 M€ en 2010). Il en résulte qu’aucun service de l’Etat ne travaille sur le sujet. Même si de nombreux autres interlocuteurs spécialisés estiment ce travail difficile, voire impossible si l’on vise l’exhaustivité, il demeure que la compréhension du uploads/Finance/ tracfin-lutte-contre-blanchiment-argent.pdf
Documents similaires








-
30
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 27, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.1240MB