3 De la SONACOTRA à Adoma : des dérives corrigées tardivement _________________
3 De la SONACOTRA à Adoma : des dérives corrigées tardivement _____________________ PRESENTATION ____________________ Depuis plus d’un demi-siècle, des travailleurs migrants venus en France occuper un emploi ont été logés dans des foyers composés de petites chambres (souvent moins de 9 m²) destinées à des célibataires et disposant d’espaces et de services communs. De nombreux opérateurs, le plus souvent associatifs, gèrent ces foyers qui se comptent par centaines sur le territoire national. L’opérateur le plus important est une société anonyme d’économie mixte, dénommée SONACOTRAL, puis SONACOTRA, et désormais Adoma, dont l’État détient la majorité du capital. Créée en 1957 pour proposer des logements adaptés aux travailleurs algériens, sa mission a été élargie aux migrants de tous pays à partir des années 1960. Au début des années 1970, elle a été sollicitée pour construire des cités de transit en vue de résorber les bidonvilles. Adoma gère aujourd’hui plus de 500 résidences collectives, représentant plus de 60 % des places de ce type d’hébergement, qui ont conservé le statut de foyers pour travailleurs migrants ou sont devenues des résidences sociales ouvertes à un public plus large. Au total, plus de 70 000 personnes occupent ces logements. La société est implantée sur tout le territoire national, principalement dans les régions de vieille industrie. En 2011, le chiffre d’affaires est de 321 M€, et, à mi-2012, les effectifs avaient été ramenés à 2 250 emplois. La Cour avait évoqué en termes positifs l’action de la SONACOTRA dans son rapport public particulier de 2004 sur « L’accueil et l’intégration des populations immigrées ». Cependant, elle soulignait déjà les difficultés de la société, incitée par les pouvoirs publics à passer du statut de « logeur des immigrés », en diminution dans l’industrie, à celui de « logeur des plus démunis ». Cour des comptes Rapport public annuel 2013 – février 2013 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr 434 COUR DES COMPTES L’enquête conduite par la Cour en 2011 et 2012 montre que, si des réussites ont été constatées depuis 2003, il reste encore des chantiers considérables à entreprendre pour transformer le bâti des foyers. La diversification, parfois hasardeuse, opérée dans le cadre des orientations données par la tutelle a non seulement dispersé les énergies et les investissements, mais aussi donné lieu à des dérives de gestion. Une restructuration de la société Adoma a été engagée en 2011. I - Une stratégie fluctuante aux dépens de la rénovation des foyers A - Des objectifs dispersés L’examen de la politique conduite par la société au cours du dernier quart de siècle met en lumière les hésitations récurrentes du conseil d’administration sur les priorités de son action et sur les perspectives de sa diversification. Depuis plus de trente ans, le cœur de métier de l’entreprise a été concurrencé par des actions nouvelles qui se sont succédé à un rythme soutenu, au gré des urgences conjoncturelles portées par les tutelles. 1 - 1987-1998 : une première tentative éphémère de diversification En 1987, constatant que le nombre d’immigrants temporaires tend à se raréfier depuis l’arrêt de l’immigration de travail en 1974, la société prend la décision de principe d’élargir sa clientèle à des étudiants et à des retraités. En janvier 1991, le conseil d’administration officialise ce choix en créant de nouveaux produits : des "villas" pour les jeunes et des "maisonnées" pour les personnes vieillissantes. Plusieurs opérations en réalité avaient été lancées, et même réalisées, avant que le conseil n’en délibère, notamment deux résidences pour personnes âgées et deux résidences pour étudiants. Cette politique de diversification est abandonnée dès mars 1992, après le vote des nouvelles orientations stratégiques. La société recentre alors ses activités sur son cœur de métier. Cour des comptes Rapport public annuel 2013 – février 2013 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr DE LA SONACOTRA A ADOMA 435 2 - 1999-2004 : une diversification volontariste Sept ans après ce recentrage, le contrat d’objectifs signé avec l’État, en 1999, formalise un nouveau virage stratégique qui élargit cette fois la cible des populations à accueillir aux plus démunis en général. La disparition progressive des foyers de travailleurs migrants est programmée ; leur reconversion en résidences sociales282 est décidée. Dès 1993, elle avait modifié ses statuts pour s’adresser aux « personnes ou familles, étrangères ou françaises, disposant de ressources modestes283 parmi lesquelles des jeunes en formation professionnelle ou en apprentissage et des étudiants disposant de faibles ressources, etc. »284. En pratique, les plus importantes réalisations de la société durant cette période bénéficient néanmoins aux publics liés à l’immigration : demandeurs d’asile et migrants originaires d’Afrique subsaharienne. La SONACOTRA gérait ainsi, en 2004, 15 % des 12 000 places en centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). A la demande expresse des pouvoirs publics, elle doit alors reprendre la propriété et la gestion de plusieurs foyers de migrants d’origine subsaharienne, sur-occupés et en très mauvais état, qui ont été délaissés par d’autres opérateurs. Elle est en outre sollicitée par l’État pour s’engager dans des opérations ponctuelles de relogement d’étrangers isolés, mais surtout de familles étrangères occupant des logements de façon illégale, notamment en région Ile-de- France. 3 - 2005-2009 : un élargissement continuel du champ des interventions Tout en réaffirmant la nécessité de poursuivre la rénovation des foyers, de les adapter à un public vieillissant et d’en finir avec la sur- occupation de certains sites, le contrat d’objectifs 2005-2010285 ouvre d’autres priorités. « La création de deux établissements pour personnes âgées dépendantes » est demandée dans les deux ans suivant la signature du contrat. Dans le même temps, 10 000 jeunes de moins de 25 ans doivent être accueillis dans les résidences. Pour l’ensemble des foyers, il est prévu 282 Les résidences sociales se composent de logements temporaires meublés (principalement des studios et T2) destinés aux familles peu nombreuses ayant des revenus limités ou des difficultés à se loger dans le parc immobilier traditionnel. 283 En lieu et place de : « travailleurs français ou étrangers venant en France. » 284 En 2006, l’objet social a été élargi aux gens du voyages et aux demandeurs d’asile. 285 Signé le 23 mars 2005. Cour des comptes Rapport public annuel 2013 – février 2013 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr 436 COUR DES COMPTES d’étudier l’adaptation des équipements et du mobilier destinés aux personnes à mobilité réduite et aux plus âgés. La société doit, en outre, répondre à l’évolution des besoins par des programmes locatifs « dont la typologie des logements répondra aux besoins sociaux », y compris des familles nombreuses. Pour les demandeurs d’asile, la société doit conserver « de façon permanente, hors centres d’accueil existants, un contingent mobilisable de 1 000 à 2 000 places de cette nature », situées dans des foyers dont la réhabilitation n’est pas prévue pendant la durée du contrat. Enfin, des actions doivent être menées en faveur des gens du voyage. Alors que le contrat d’objectifs conclu pour cinq ans est à peine signé, deux conventions viennent définir de nouvelles priorités. L’une, signée en décembre 2006, prévoit un apport des actionnaires de 98 M€, dont 50 M€286 d’apport en capital de l’État, afin de créer avant décembre 2009 : − 500 à 1 000 logements à système de construction rapide, voués à disparaître après cinq ans, pour l’hébergement temporaire des ménages quittant un logement insalubre, dangereux ou précaire ou, en l’absence d’autre solution, des travailleurs migrants dont le foyer est rénové ; − 2 000 à 2 500 places en résidence sociale, maison relais287, résidence hôtelière à vocation sociale, centre d’hébergement d’urgence288, marginalement en logement locatif social et exceptionnellement en centre d’accueil des demandeurs d’asile289, par rachat et rénovation d’hôtels meublés dégradés et dangereux ou de bâtiments anciens vétustes. La deuxième convention conclue en décembre 2009, dans le cadre du plan de relance de l’économie, prévoit qu’Adoma, grâce à un apport de l’État de 37 M€, doit réaliser et gérer de nouveaux dispositifs d’hébergement en urgence de populations en difficultés : construction de 286 Assemblée générale extraordinaire du 16 octobre 2006. 287 Les maisons relais, conçues en petites unités de 15 à 25 logements, offrent des solutions durables à des personnes en situation de grande exclusion et dont les perspectives d’insertion ou de retour à l’autonomie sont faibles. 288 Les centres d’hébergement d’urgence sont chargés d’offrir un accueil ponctuel et de courte durée aux personnes à la rue, selon un principe de reconduction journalière de la prise en charge. 289 Les centres d’accueil des demandeurs d’asile sont des centres d’hébergement et de réinsertion sociale qui accueillent les demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande d’asile. Cour des comptes Rapport public annuel 2013 – février 2013 13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr DE LA SONACOTRA A ADOMA 437 maisons-relais (750 places), de centres de stabilisation290 (300 places), opérations de uploads/Finance/adoma-rapport-de-la-cour-des-comptes.pdf
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- Publié le Apv 27, 2022
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