En 1974 dans un petit village de Jobra au Bangladesh, un professeur d’économie
En 1974 dans un petit village de Jobra au Bangladesh, un professeur d’économie de l’université Chittagong, Dr. Muhammad Yunus, rencontrât une jeune femme de vingt-et-un ans qui fabrique des selles en bambou (Dossey 2007). Même si elle travaillait sept jours sur sept, elle arrive avec beaucoup de difficultés à nourrir ses trois enfants. Chaque selle vendue lui apporte l’équivalent de 0,02 USD. En effet, elle doit emprunter neuf cents pour acheter la matière première. Elle devait aussi vendre sa marchandise au prêteur à un prix largement au-dessous de celui du marché. En faisant ses calculs, Yunus a trouvé que la paysanne payait un taux d’intérêt de 10 % par jour, soit plus que 3 000 % par année. Yunus sait que cette situation était celle d’un très grand nombre de pauvres à travers le monde. Des gens qui travaillent dur pour créer de la valeur. Cependant, la plus grande partie de cette valeur va aux usuriers et aux intermédiaires. Par manque de biens de valeur à présenter comme garanties lors de demande d’un prêt, ces pauvres ne peuvent pas obtenir les ressources financières qui leurs manquent auprès des banques commerciales ou des institutions de crédits. Qu’est-ce qui explique le fait qu’une partie de la population ne peut avoir accès au marché du crédit ? Quelles sont les solutions trouvées pour palier à cette situation qui pénalise les pauvres en particulier et le développement national en général ? Quelle est la place de la microfinance parmi ces solutions. Cependant, notre objectif principal est de comprendre la raison d’être de la microfinance et sa place parmi les autres moyens développés pour fournir les services financiers aux populations exclues (ménages agricoles ou ruraux) par les institutions financières traditionnelles. I. LES FONDEMENTS THEORIQUE DE LA MICROFINANCE Nous commençons cette section par la présentation des deux approches dégagées des courants de pensés qui sont les plus dominants dans le champ de la microfinance. 1. Les courants de pensés dominants dans le champ de la microfinance Dans la littérature sur la microfinance, la mesure de la performance des IMF a opposé deux courants de pensée. Le premier courant relève de ce qui est connu comme l’approche welfariste ou l’approche du bien-être social (welfarist approach, en anglais). Le deuxième courant est SUPPORT DE COURS qualifié de l’approche institutionnaliste (institutionist approach, en anglais). Le débat qui anime ces deux courants de pensée a pour origine les visions différentes sur ce que devraient être les rôles et les priorités des IMF pour permettre aux populations à faible revenu d’avoir accès aux services financiers dans les meilleures conditions. Notons qu’en pratique on trouve de nombreuses IMF qui apparaissent adopter les deux approches et que les deux visions ne sont pas vraiment incompatibles ; toutes les deux partagent le même objectif qui consiste à réduire la pauvreté. Malgré cette entente sur l’objectif final recherché de la microfinance, les deux camps s’opposent sur la façon de l’atteindre. Est-ce en mettant l’accent principalement sur l’autosuffisance financière et la viabilité institutionnelle de l’IMF, en acceptant le risque d’exclure les plus pauvres des pauvres (l’approche institutionnaliste) ? Ou, au contraire, en mettant l’accent sur le financement de ces derniers, avec le risque de se retrouver avec des IMF vulnérables qui dépendent des financements externes sous forme de subventions (L’approche welfariste) la question de la pauvreté serait résolue ? a- L’approche welfariste (bien-être social) L’approche welfariste est une approche qui se focalise sur la réduction de la pauvreté à travers la fourniture de services financiers aux pauvres, notamment les très pauvres (appelé aussi les plus pauvres des pauvres), pour les aider à surmonter la pauvreté et à gagner leur autonomie et ainsi améliorer leur bien-être. L'objectif poursuivi est l’octroi de crédit, généralement, à des taux inférieurs à ceux appliqués sur le marché. Ces crédits sont souvent accompagnés de d’autres services non-financiers comme la formation professionnelle et l'enseignement, la planification familiale, la nutrition, la santé, etc. Woller et al. (1999) soulignent que les welfaristes mettent plus l’accent sur le degré de la portée de l’activité des IMF. Ils sont assez clairs sur leur désire d’améliorer le plus vite possible le bien-être des clients. Ils sont moins intéressés par la banque en soi que par l'utilisation des services financiers comme un moyen de soulager directement les pires effets de la pauvreté profonde entre les participants et la communauté, même si la fourniture de certains de ces services nécessite le recours à des subventions. L’objectif des welfaristes est de permettre l’auto-emploi des plus pauvres parmi les pauvres qui sont économiquement actifs. L’accent est mis particulièrement sur les femmes. En effet, il est admis que des augmentations, même modestes, dans les revenus et dans l'épargne des femmes donnent à celles-ci les moyens d’améliorer leurs conditions de vie ainsi que ceux de leurs enfants. Le centre d’attention est focalisé sur la famille. Les auteurs soulignent que, comme les institutionnalistes, les welfaristes assurent avoir un plus grand impact sur la réduction de la pauvreté, même s'ils ne sont pas réellement en mesure de le documenter. Les exemples les plus éminents des institutions welfaristes sont la Grameen Bank au Bangladesh et ses répliques dans d’autres régions du monde. b- L’approche institutionnaliste L’approche institutionnaliste se focalise essentiellement sur la création d'institutions financières viables qui permettront aux clients qui ne sont pas desservis ou qui sont mal desservies par le système financier formel d’avoir accès à un ensemble de services financiers adaptés. L'objectif poursuivi par les tenants de cette approche est de permettre aux IMF d’atteindre leur autosuffisance financière, ce qui leur permettra d’avoir une plus grande étendue de la portée de leur activité. Le degré de la portée n’est pas l’objectif recherché. Autrement, les IMF doivent chercher à atteindre le plus grand nombre de pauvres et non pas le ciblage des populations les plus pauvres. C’est cette étendue des opérations qui permettra aux IMF de réaliser certaines économies d’échelles et par suite d’aspirer à atteindre la viabilité financière. Le point central de cette approche est l'institution. Les institutionnalistes affirment que l'objectif principal de la microfinance est de mettre en place un système d’intermédiation financière durable dédié spécialement aux pauvres. Dans une telle approche l'avenir de la microfinance sera dominé par de nombreuses grandes institutions à but lucratif qui fournissent des services financiers de haute qualité à un grand nombre de clients pauvres. En insistant sur l’autosuffisance financière, les institutionnalistes déconseillent le recours à n’importe quelle forme de subventions. 2. Les facteurs de l’émergence d’un nouveau mode de financement Depuis les expériences pionnières jusqu’à sa forte médiatisation de nos jours, le champ de la microfinance a fortement évolué. En effet, c’est l’exclusion financière des pauvres, l’émergence de la finance informelle et l’évolution du concept du développement durable qui ont généré un besoin intense à un nouveau mode de financement adapté aux nouvelles conditions de vie. a. L’exclusion financière L’exclusion financière et bancaire1 est un phénomène qui entrave l’intégration sociale et économique des personnes exclus. En effet, ce phénomène a émergé partout dans le monde et spécifiquement dans les pays en développement. Il convient toutefois de préciser qu’il a toujours une confusion entre l’exclusion financière et l’exclusion bancaire1 malgré que l’exclusion financière soit un concept qui associe à la fois l’exclusion bancaire, l’incompréhension des phénomènes financières et la situation de déséquilibre économique. Une personne est socialement exclue si elle ne participe pas aux activités clés de la société dans laquelle elle vit. Un lien de causalité a été établi entre l’exclusion sociale et l’exclusion financière. Face à la propagation du phénomène d’exclusion sociale, certains établissements ont essayé d’adapter leurs pratiques aux spécificités de ces exclus pour répondre à leurs besoins. Ils ont inventé des prêts de petites sommes avec un remboursement à court terme et où la procédure d’accès est simple. La microfinance apparaît alors comme une solution adéquate pour le financement de microprojet, la génération de l’auto-emploi et l’insertion économique et sociale des exclus financiers. b. La finance informelle Les travaux de MC-Kinnon (1973) et Shaw (1973) concernant le système financier dans les pays en développement ont mis l’accent sur l’existence des secteurs financiers parallèles, désignés souvent par le terme finance informelle (L. Ziadi, 2005). Ces secteurs de finance informelle ont reposé sur des relations entre les personnes, et ont consisté plutôt à épargner. La finance informelle peut être alors définit comme étant l’ensemble des transactions financière qui ont lieu au-delà des règlements bancaires et des autres secteurs financiers. Selon les théoriciens de la libéralisation financière, la présence du secteur informel s’explique par l’existence d’une politique de répression financière et de l’inefficacité du secteur financier formel. Ainsi, le secteur informel se développe et joue le rôle de régulateur en se substituant aux défaillances des institutions du secteur officiel. Cependant, plusieurs études économiques et sociologiques ont montré l’importance de ce secteur en termes financier et social. En effet, le secteur financier informel présente différentes vertus qui peuvent être concises dans « la financiarisation des rapports sociaux » (Gentil D. et al, 2002). Les fournisseurs informels sont prêts à accepter des garanties dans différentes formes qui sont uploads/Finance/cours-microfinance-etudiant-pdf.pdf
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- Publié le Dec 20, 2021
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