L ’histoire économique de notre pays se réduit à cette laconique épistémè : une

L ’histoire économique de notre pays se réduit à cette laconique épistémè : une grande misère au milieu des grandes richesses ! Depuis le 30 juin 1960, cette histoire, qui est celle d’un extractivisme minier socialement nocif, ce que Keynes appelait « l’euthanasie des rentiers1 », demeure inapte à assurer l’accroissement de la richesse nationale et l’amélioration des conditions de vie de la population congolaise. Comment sortir du cercle vicieux de l’austérité budgétaire, de l’endettement extérieur, de l’hémorragie incessante de la détresse macroéconomique et du sous-développement ? L’économiste et philosophe canadienne Jane Jacobs répond : « le développement est un processus simple, il faut le faire soi-même. Pour toute économie, ou bien on le fait soi-même ou bien il n’y aura pas de développement du tout. »2 Ceci étant dit, relever le défi du décollage économique, c’est donc au préalable : changer de logiciel idéologique ; sortir des présupposés fallacieux sur la monnaie ; déconstruire les impostures théoriques sur la croissance économique ; dépasser les fausses évidences des diktats austéritaires présentés comme saintes et sacrées lois budgétaires ; et changer de modèle économique par l’invention d’une nouvelle façon de penser l’économie… Quoi qu’il en soit, on ne peut pas faire et refaire toujours et encore toujours la même chose, en espérant à chaque fois un résultat différent. C’est la meilleure définition de la folie, selon Albert Einstein. Inventer un « Nouvel Ordre Economique Congolais » requiert un fondement postulatoire binaire. D’une part, ancrer la raison d’être de l’économie dans son « utilité sociale », sur base du précepte que ce qui ne contribue pas à la construction du « bien-vivre ensemble national » est tout sauf une action économique. D’autre part, se rappeler qu’on ne développe pas mais on se développe. C’est-à-dire : la croissance économique est proportionnelle à la croissance des compétences cognitives et comportementales endogènes. A l’aune de cet entendement axiomatique, le « Nouvel Ordre Economique Congolais » trace le sillon du décollage économique à l’intersection de ces trois axes qui forgent une variation positive de la production de biens et de services dans une économie, à savoir : une croissance économique extensive, proportionnelle à l’augmentation des quantités de facteurs de production ; une croissance intensive de l’économie, liée à l’augmentation de la productivité du travail et du capital ; et enfin, une croissance de la performativité des variables institutionnelles et comportementales, qui repose sur la qualité intellectuelle et l’intégrité morale des gouvernants, ainsi que la méticulosité organisationnelle des institutions publiques. Reste une question fondamentale : comment, dans un contexte de sécheresse monétaire, engrener un fonctionnement à plein régime des facteurs de production, dans la perspective d’optimaliser l’utilisation de toutes les ressources inutilisées ? Inventons un Nouvel Ordre Economique Congolais 4ème Tribune pour un après - Covid salutaire 1 1John M. Keynes (1936), Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Paris, Payot, 1969, p. 368. 2 Voir texte de conférence de Jane Jacobs lors de l’assemblée des IPSO (Intellectuels pour la Souveraineté), tenue le 31 janvier 2007 à Montréal, au Canada. Tout l’enjeu du concept de « Reflation du Décollage Economique » se résume en un principe. C’est un volontarisme budgétaire d’Etat fondé sur la recherche systématique d’une efficacité sans faille de la dépense publique. Et deux axiomes en explicitent la raison d’être. D’une part, donner de l’oxygène financier à l’entrepreneuriat national pour créer de la richesse et des emplois. Et d’autre part, stimuler la croissance par des mesures budgétaires expansionnistes. Deux outils vont constituer les moyeux de la rue de cette « Reflation du Décollage Economique ». Primo, le « Multiplicateur Budgétaire Industrialisant » (MBI). Secundo, les « Crédits Sains de Production Manufacturière et Industrielle» (CSPMI). Ces deux leviers combinés de politique conjoncturelle du décollage économique vont poursuivre les objectifs de stimulation de la croissance économique par l’accroissement de la demande globale (consommation et investissement). Il s’agit donc d’une politique budgétaire expansionniste, axée sur une hausse volontariste des dépenses publiques, un moratoire fiscal et un creusement souverain du déficit budgétaire. Ce qui va engendrer une hausse des moyens financiers disponibles pour l’investissement, sous la forme des « Crédits Sains de Production Manufacturière et Industrielle». Le défi consiste à décliquer le processus de croissance économique, au travers d’une politique conjoncturelle procyclique, allant dans le sens de la conjoncture mais pour l’amplifier, par la stimulation de la demande et l’optimalisation de la production des entreprises et des industries. Dans une logique de complémentarité active, le « Multiplicateur Budgétaire Industrialisant » (MBI) engagera une politique monétaire expansionniste, qui va se traduire par une progression de la masse monétaire et de l’offre de crédits. Le mécanisme économique qui justifie cette stratégie est le suivant : une baisse des taux d’intérêt génèrera des sources de financement moins coûteuses pour les agents économiques. En même temps que les entrepreneurs et les industriels vont recourir à plus de crédits, en vue d’augmenter leur production et distribuer autant de revenus, le niveau de la consommation va accroître, ce qui ouvrira des débouchés pour les producteurs de biens de consommation. Ces investissements, après le moratoire fiscal, vont générer des impôts qui réduiront ou supprimeront le déficit public initial. D’où le schéma ci-après… 4ème Tribune pour un après - Covid salutaire 2 La Reflation du Décollage Economique (RDE) et le « Multiplicateur Budgétaire Industrialisant » (MBI) 1 N.B. Compte tenu du fait que les déficits importants et durables sont préjudiciables au décollage et à la croissance, le niveau optimal des déficits budgétaires sera déterminé par l’objet des dépenses et l’usage stratégique des fonds. D’où le concept de « « Reflation du Décollage Economique », qui consiste à éviter le « ni trop » et le « ni trop peu » d’irrigation monétaire du corps économique. C’est-à-dire : s’interdire à la fois un excès de création monétaire et une carence de monnaie dans l’économie. Il ne sera donc nullement question d’ « hélicoptère monétaire », distribuant directement de l’argent aux consommateurs et aux entreprises, mais d’un choix macro-économique méticuleux des investissements, à travers une politique financière permettant le jeu des stabilisateurs automatiques. De façon plus générale, l’enjeu est la construction, de manière ordonnée, d’un cadre de régulation qui garantisse l’efficacité du système, en ayant conscience que l’investissement public, par exemple dans les équipements d’infrastructure, l’éducation, la formation professionnelle, la santé, etc., améliore les conditions économiques de l’ensemble des entreprises et, in fine, engendre un effet multiplicateur dans tous les secteurs d’activité. En tout état de cause, on ne gère pas les finances d’un Etat comme on gère la tirelire d’une boutique, par la comptabilité de caisse. Gouverner l’économie d’un pays, c’est répondre aux besoins monétaires des agents économiques pour investir, produire et consommer. En résumé, le concept de « Reflation du Décollage Economique » repose sur le postulat selon lequel la monnaie étant l’expression de la totalité marchande au sein d’une économie, celle-ci entre en crise lorsqu’elle cesse d’exister à la fois comme expression de la valeur de tous les biens et services, intermédiaire exclusif des échanges et réserve des valeurs. 4ème Tribune pour un après - Covid salutaire 3 La crise du franc congolais n’est pas monétaire La monnaie est donc un fait social total, en tant que baromètre de la quantité et de la qualité du travail productif national. Et du point de vue sociologique, la monnaie est un « capital culturel », au sens où elle est une ressource symbolique qui, d’une part, reflète le degré d’efficience de l’organisation sociétale en vue du bien-vivre collectif, et d’autre part, mesure le niveau du patriotisme économique par le solde de la balance commerciale. Lorsque celui-ci est positif, on parle de balance commerciale excédentaire, ce qui signifie que le patriotisme économique a permis au pays d’exporter plus de biens finis qu’il n’en importe. A l’inverse, une balance déficitaire correspond à un solde négatif qui signifie déficit de patriotisme économique. La crise du Franc Congolais n’est donc pas monétaire. Pendant combien de temps encore il faudra injecter, à fonds perdu, des devises de la réserve dans le marché monétaire, pour soi- disant ramener le Franc Congolais à une illusoire parité avec le dollar américain ? Jusqu’à quand la quantité de monnaie dans le système économique restera déterminée non pas par les besoins de l’économie de production industrielle mais par la nécessité de ralentir la dégringolade du Franc Congolais ? Cette pratique non seulement décrit une politique monétaire économiquement insouciante, mais aussi et surtout, fournit la plus grande photographie de l’étendue des abus monétaires perpétrés incessamment par la Banque Centrale. Le problème du Franc Congolais est par conséquent strictement économique. C’est le déclin incessant de la production nationale qui génère la faiblesse sempiternelle du Franc Congolais. Le temps est venu de prendre conscience qu’en cherchant à sauver à tout prix le Franc Congolais, on perpétue la crucifixion de l’économie nationale, car l’argent consacré à la spéculation est retiré de la circulation économique productive. Pour sauver le Franc Congolais, il faut quitter la spéculation monétaire, et donner la monnaie aux investissements utiles. Et plus jamais aux spéculateurs. Considérant uploads/Finance/didier-mumengi-inventons-un-nouvel-ordre-economique-congolais.pdf

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  • Publié le Mar 06, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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