C'est quoi un sol ? par JeanPaul Legros Directeur de Recherche INRA (h), prési
C'est quoi un sol ? par JeanPaul Legros Directeur de Recherche INRA (h), président de l’A.F.E.S (20092010) I. Organisation du sol à toutes échelles Ce texte, mis en ligne en avril 201 2, s’adresse prioritairement à des personnes sans connaissances antérieures en Science du Sol. Son objet est de présenter très succinctement les sols et principalement leur organisation, leur interaction avec les composants de l’environnement, leur diversité, enfin les fonctions qu’ils assurent sur la planète Terre. Pour en savoir plus sur le sujet, on consultera prioritairement la plaquette AFES "Les sols pour l'avenir de la Planète Terre". Elle est mentionnée en bibliographie... et gratuite. Dans cette section I, nous allons montrer que le terre, matériau brunâtre sur la quelle on marche et qui salit les chaussures, n’est que la partie superficielle du sol. Celui-ci s’étend vers le bas jusqu’à la roche non altérée. Il est superbement organisé à toutes les échelles. Dans une tranchée, appelée "profil de sol", on observe que le sol présente plusieurs couches superposées. Comme elles sont plus ou moins horizontales, au moins en zone plane, on les appelle "horizons" et on les nomme de haut en bas avec les premières lettres de l’alphabet. "A" correspond à la couche humifère, " B " à la couche médiane souvent enrichie en différents composés (fer, argile, carbonate de calciumS) ; " C " fait transition avec la roche sous-jacente. Ces horizons matérialisent principalement les différentes étapes de transformation de la roche au contact des agents d’altération agissant à partir de la surface : pluies et phénomènes chimiques, agents biologiques. A B C Photo Alain Ruellan, site WEB AFES B A Sauf mention contraire, les photos sont de l'auteur Maroc Burundi A l’échelle centimétrique ou décimétrique, les nombreux constituants du sol sont agglomérés en « agrégats » de formes et dimensions variées. Lorsqu’ils sont gros, anguleux et déterminent des plans de discontinuité à dominante verticale, on parle de "structure prismatique ". Il est évident que ce type d’arrangement des constituants laisse peu d’espaces vides subsister. Or les vides sont indispensables pour les racines qui y trouvent l’eau qu’elles pompent et l’air dont elles ont besoin pour respirer. Donc les structures prismatiques, ou cubiques, ne sont pas favorables du point de vue agricole. Au contraire, des agrégats petits, anguleux et moins bien entassés, déterminent par exemple une "structure polyédrique". Dans ce cas les vides peuvent représenter 50% du volume total. Ceci est favorable à la végétation : l’air pénètre; les racines peuvent facilement passer pour coloniser la phase solide ; l’eau est retenue en quantité suffisante. Pour apprendre à décrire les sols, on consultera le "Guide pour la description des sols". Voir aussi "Regards sur le sol". Les deux sont mentionnés en bibliographie. Les agents responsables de la structuration du sol sont de deux types: (i) agent climatiques, en particulier alternance de phases d’humectation par la pluie et de dessiccation entre les épisodes pluvieux ; (ii) agents biologiques car une part importante du sol est remaniée par les organismes vivants qui l’habitent. En particulier, les vers de terres rejettent les " turricules " que chacun a pu voir à la surface des gazons et prairies. Fond de vallon, Alpes Limagne Après avoir durci un échantillon de sol et taillé en son sein une très fine lame de matière de trois centièmes de mm d’épaisseur, observons là sous microscope à faible grossissement. Les espaces vides apparaissent ici en noir (V). Le blanc correspond à du sable calcaire (Ca). Le gris représente une fine pellicule de calcaire attaquée par la dissolution en périphérie du grain de sable (S). Le brun correspond à des matériaux très fins (fer, argiles) dont on peut montrer qu’ils préexistent à l’état de traces dans le calcaire (A). On a donc là le résumé de l’histoire du sol : le calcaire de la roche se divise en grains de petite taille ; les particules ainsi fabriquées se solubilisent progressivement à partir de leur surface et elles s’arrondissent ; ce faisant, elles libèrent les très faibles quantités de matériaux non solubles qu’elles contenaient au départ. Sur matériel calcaire (cas précédent) la roche libérait son argile. Sur matériel acide (ci-dessous) l’altération fabrique cette argile à partir des minéraux de départ. Sur granite les minéraux parents des différentes argiles obtenues sont principalement des micas (M) et des feldspaths (F). Les argiles formées sont des particules très fines et aplaties, qui ne dépassent pas quelques millièmes de mm dans leur plus grande dimension. Elles sont susceptibles de se déplacer avec Photo Michel Bornand in : Bornand M. et Legros JP, 2009. Notice de la carte pédologique à 1 /1 00.000ème de St- Etienne, 281 p., Ed. INRA Orléans- INFOSOL. F M O D l'eau, en particulier dans les fissures ou conduits ouverts par les racines ou la dessiccation (O). Ces argiles tapissent alors les parois des conduits, en particulier la partie inférieure où elles s’accumulent en strates successives dans les creux et autres irrégularités (D). Ca S A V On peut observer ces dépôts argileux sous microscope optique à fort grossissement. Dans chaque épisode de dépôt, la base de la couche d’argile est foncée tandis que la partie haute est plus claire. Cela s’explique peut- être par des différences de densité optique favorisant plus ou moins le passage de la lumière. Au début du dépôt, l’eau abonde si bien que les particules d’argile, sous forme de plaquettes, peuvent sédimenter et se ranger à plat comme des feuilles mortes tombant dans l’air. A la fin de l’épisode de dépôt, l’eau vient à manquer. Les plaquettes s’empilent sans ordre, ménageant entre elles des trous ; la densité optique diminue. Etudions maintenant cette argile à l’échelle atomique. Sans entrer ici dans les détails, on découvre que ce minéral phylliteux (en feuillet) est magnifiquement organisé sur la base de deux types principaux d’arrangements : des octaèdres dans lesquels 6 atomes d’oxygène (O) ou bien alors trois atomes d’oxygène d’un côté et trois oxhydryle (OH) de l’autre viennent se placer en quinconce pour enserrer un atome d’aluminium (nous avons ajouté des flèches pour montrer que les atomes se referment sur l’aluminium) et des tétraèdres de silice dans lesquels 4 oxygènes forment une sorte de petite pyramide enserrant un silicium. Tout cela résulte des caractères des atomes. Leur charge électrique et leur capacité plus ou moins grande à échanger des électrons font qu’ils ne se rangent pas n’importe comment. Finalement, une argile est à l’échelle atomique plus complexe, pour ne pas dire plus belle, que du diamant. Revenons à une échelle légèrement moins détaillée et observons maintenant au microscope électronique à balayage les espaces entre les particules, ceux que nous avons antérieurement qualifiés de « vides ». Quelquefois, sur roche calcaire, ils contiennent des aiguilles d’un minéral appelé « lublinite » et des rhomboèdres de calcite (formes voisines de petits cubes). Ces formes de cristallisation spectaculaires sont liées au dessèchement et matérialisent aussi le fait que les atomes, ici le calcium, ne se disposent pas n’importe comment dans l’espace. Bref, la terre sur laquelle nous marchons n’est pas une purée informe ! Photo : André Guyon Au plan biologique aussi le sol est d’une particulière richesse et d’une grande diversité. On a l’habitude de dire que les organismes vivants sous une prairie, constituent une masse biologique (vers, bactéries, champignons, etc.) telle que les vaches que l’on voit en surface représentent peu de chose en poids par rapport à tout ce qui grouille dessous. Il est vrai que l’on dépasse parait-il un milliard de micro-organismes par gramme de terre ! Pour en savoir plus, on consultera l'ouvrage "Le sol vivant". Il est mentionné en bibliographie. II. Le sol au coeur de l'environnement Passons à la Section II du module. Elle a pour objet de replacer le sol dans l’environnement dont il est à la fois le reflet et une composante majeure. Le russe Vassili Vassiliévich Dokuchaev (1 846- 1 903) est considéré comme le père de la discipline. Géologue de l’université des Saint- Pétersbourg, il fut chargé par le gouvernement russe d’étudier les sols de la Russie d’Europe, et principalement les fameux « Chernozem », afin de comprendre les raisons des famines qui affectaient l’empire, vers la fin du 1 9e siècle. Il saisit, le premier, que le sol était le résultat de l’interaction de 5 facteurs : le climat, les organismes vivants, la topographie, la roche, le temps. Ses travaux connurent un immense succès car, à l’époque, on croyait la nature du sol déterminée presque exclusivement par la roche dont il était censé dériver directement. Climat. Rétrospectivement, il est facile de vérifier, sur une moderne carte du Monde (site WEB de la FAO), que les principaux types de sols ont une répartition liée aux grandes zones climatiques de la planète : sols des déserts, sols de la zone intertropicale, sols des hautes latitudes. Mais, au 1 9e siècle, il a fallu beaucoup de discernement et beaucoup de travaux de terrain pour réaliser que température, pluviométrie et végétation associée, jouaient un rôle essentiel dans la géographie des sols. Dokuchaev l’a uploads/Geographie/ 0-c-x27-est-quoi-un-sol-13-pg.pdf
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- Publié le Oct 02, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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