L’Afrique face à la mondialisation: le point de vue syndical Education ouvrière

L’Afrique face à la mondialisation: le point de vue syndical Education ouvrière 2001/2 Numéro 123 Editorial V Les femmes africaines en première ligne, par Mamounata Cissé 1 L’intégration régionale en Afrique: mode d’emploi, par Mohammed Mwamadzingo 7 Le défide l’économie informelle, par Emile Delvaux 14 Une nouvelle conception de l’ajustement, par Lawrence Egulu 20 Mondialisation, démocratisation et conditionnalités à géométrie variable, par François Misser 26 SIDA: prévention et trithérapies, pas de contre-indication pour le Sud, par Jacky Delorme 32 Bâtir une Afrique riche en informatique, par Marc Bélanger 36 L’impact de la mondialisation en Afrique et la réponse des syndicats: le cas de l’Afrique du Sud, par Shermain Mannah 41 Presse africaine et mondialisation: une mue inachevée, par Jean-Paul Marthoz 49 Fuite des cerveaux: la tête n’est plus sur les épaules, par André Linard 54 III Sommaire L e marché mondial est largement resté inaccessible pour l’Afrique. Mais les effets pervers de la mondialisation semblent s’être déjà concentrés sur ce continent qui, avec 780 millions d’habitants, représente un dixième de la population de la planète. La pauvreté, l’inégalité, l’exclusion, la dis- crimination, la guerre et les maladies sont venues s’ajouter aux caprices du climat et de la météorologie. Les problèmes de l’Afrique ne sont pas tous dus au déchaînement des éléments, ils sont souvent l’œuvre de l’homme. La bonne gouvernance, la démocratie, le respect des droits humains et syndicaux, le dialogue social et une forte expression indépendante du monde du travail ont été pen- dant trop longtemps des denrées rares dans la région. Mais la commu- nauté internationale ne peut pas non plus décliner sa responsabilité. Les programmes d’ajustement structurel élaborés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international étaient censés aider les pays africains à redresser leur économie pour promouvoir la croissance et encourager l’in- vestissement. Ils se sont non seulement avérés inefficaces face à la pau- vreté, mais ils l’ont approfondie. Les budgets nationaux alloués à l’éducation et à la santé ont été im- placablement réduits, privant une majorité de gens d’accès aux services publics essentiels. Des millions de personnes ont été reléguées dans la précarité de l’économie informelle, privées de protection sociale et obli- gées de vivre, ou plutôt de survivre, de revenus aussi maigres qu’aléa- toires. Des ingrédients sociaux vitaux ont fait cruellement défaut dans les tentatives de stabiliser des économies en perdition. Pis, les législations du travail, qui assuraient un minimum de protection aux travailleurs et tra- vailleuses et à leurs familles, ont été revues à la baisse. Les zones franches d’exportation ont proliféré, souvent au détriment des normes internatio- nales du travail et des droits sociaux durement conquis. Le système de partis uniques et d’autres régimes non démocratiques ont laissé en héritage une dette étrangère colossale qui, outre qu’elle hy- pothèque l’avenir de générations d’Africains et Africaines, n’a jamais pro- fité aux populations locales au nom desquelles elle avait été contractée. La pandémie du VIH/SIDA a également frappé l’Afrique de plein fouet. Et, si la pauvreté doit être considérée comme un des facteurs de propagation de la maladie, la prévention, les soins et les traitements aux victimes dépendent, eux, essentiellement de mesures politiques, écono- miques et sociales qui devraient figurer en tête des priorités de la com- munauté internationale. Tout cela constitue une triste réalité. L’Afrique a trop longtemps été un continent oublié et un champ de bataille où se disputent des enjeux qui dépassent de loin ses frontières. Les ressources naturelles ont été pillées et l’aide internationale s’est réduite comme une peau de chagrin. Le dé- veloppement s’est arrêté. V Editorial Pourtant une autre Afrique voit le jour, tournée vers le futur et sou- cieuse d’un avenir meilleur. Les organisations syndicales font partie de cet avenir et constituent des acteurs clés pour le construire. Beaucoup d’encre a coulé sur les malheurs de l’Afrique. Education ouvrière a choisi de jeter un autre regard. L’Afrique est riche en ressources, humaines et naturelles, elle dispose de marchés potentiels, elle a pris le chemin de la démocratie. Comment utiliser au mieux ce capital pour relever les défis de la mondialisation? Comment obtenir de la mondialisation qu’elle pro- fite aux citoyens, et quelle contribution les organisations syndicales peu- vent-elles apporter au processus? Nombre de ces questions trouveront ré- ponse dans ce numéro, même s’il ne prétend pas être exhaustif. L’Afrique est au travail. Un hommage spécial est rendu dans cette édition aux femmes afri- caines qui, avec l’aide des syndicats et autres secteurs de la société civile, sont en première ligne du combat pour une Afrique prospère fondée sur la croissance, le développement durable, la démocratie et le respect des droits humains et syndicaux. Malgré de nombreux obstacles, écono- miques, culturels, institutionnels et parfois même physiques, les Afri- caines s’organisent et luttent. Les perspectives du continent dépendront dans une large mesure de la contribution des femmes et de la place qui leur sera accordée dans la construction de l’avenir. Les femmes doivent tirer des bénéfices du développement, mais elles doivent surtout être re- connues comme des acteurs clés dans le processus. L’expérience a aussi démontré que l’économie informelle n’est plus hors d’atteinte pour le mouvement syndical. Les efforts des syndicats et autres groupes, avec l’appui de l’Organisation internationale du Travail et de son Bureau des activités pour les travailleurs (ACTRAV), ont com- mencé à engranger des résultats. Les travailleurs et travailleuses de l’éco- nomie informelle sont de plus en plus susceptibles de faire entendre leur voix et d’obtenir des améliorations à leur sort. Des processus d’intégration régionale sont en cours et pourraient constituer des points d’entrée dans le marché mondial, permettant d’ob- tenir enfin des dividendes sociaux de la mondialisation. Tout en renfor- çant leur présence au niveau national, les syndicats ont un rôle spécial à jouer pour exiger que cette intégration économique se traduise par une amélioration des conditions de vie et de travail. La fracture numérique peut également être comblée, certes pas du jour au lendemain, mais en tant qu’objectif à moyen terme, en visant à développer des technologies conçues par des Africains pour des Africains et compatibles avec le ré- seau mondial. La démocratisation fait entrevoir un environnement poli- tique plus favorable, et la démocratie s’est déjà ancrée solidement dans nombre de pays. Comme le mouvement syndical, les médias ont recou- vré une liberté leur permettant de devenir des acteurs indépendants et de contribuer au progrès et aux débats. Le succès de cette nouvelle Afrique dépendra, cependant, du soutien que voudra bien lui accorder la communauté internationale. Les timides initiatives de réduction ou d’effacement de la dette des pays les plus pauvres devraient être réexaminées de façon bien plus généreuse, confor- mément aux suggestions avancées par le mouvement syndical interna- tional. L’assistance à la lutte contre le VIH/SIDA, y compris l’accès au traitement et le soutien aux efforts de prévention sur le plan local, est in- dispensable et urgente. L’aide au développement doit retrouver le che- VI min de l’Afrique en insistant sur les aspects de bonne gouvernance, de démocratie et de respect des droits humains et syndicaux. L’investisse- ment dans l’infrastructure et l’agriculture doit être considéré comme prio- ritaire. Et les institutions financières internationales devraient honorer leur propre engagement à consulter les acteurs locaux, en particulier les syndicats, dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des programmes d’ajustement. Les gouvernements africains, les employeurs et les syndicats ont un rôle majeur à jouer pour promouvoir en Afrique un climat susceptible de mener à la croissance, la justice sociale et la démocratie. Le dialogue so- cial doit devenir le principal pilier de la nouvelle Afrique. Il devra per- mettre de bâtir un large consensus autour de politiques axées sur la meilleure des ressources africaines: les Africains eux-mêmes. La santé, l’éducation et le développement social sont des questions qui doivent être traitées maintenant. Elles constituent, par ailleurs, le meilleur investisse- ment pour une Afrique prospère. Manuel Simón Velasco Directeur Bureau des activités pour les travailleurs (BIT) VII Des remerciements spéciaux sont adressés aux représentants d’ACTRAV sur le ter- rain, Ibrahim Mayaki (Abidjan), John Fallah (Addis Abeba), Francisco Monteiro (Dakar), Mohammed Mwamadzingo (Harare), et à Abdoulaye Diallo et Ditiro Saleshando (chargés des bureaux africains au sein d’ACTRAV à Genève) pour leur aide précieuse dans l’identification des sujets à traiter dans ce numéro et des au- teurs et pour leur contribution à sa conception. T raditionnellement, les femmes afri- caines n’ont pas de place dans la vie de la cité, sinon celle d’être des citoyennes de seconde zone. Les lois et les coutumes les empêchent, plus que les hommes, d’avoir accès aux facteurs de production (terre et crédit), à l’éducation, à la formation, à l’in- formation, et aux soins médicaux pour exercer leur rôle dans l’économie et dans la société en général. Trop souvent, elles ne connaissent même pas leurs droits légaux ou n’arrivent pas à les revendiquer. Au quotidien, elles ploient sous le fardeau d’un partage tout à fait inégal des respon- sabilités ménagères et familiales. A l’inté- rieur des foyers domestiques, mais aussi dans les écoles, sur les lieux de travail, dans la rue uploads/Geographie/ 123-f.pdf

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