Recherches Propositions pour une histoire des migrations internationales sénéga
Recherches Propositions pour une histoire des migrations internationales sénégambienne Charles Becker Cette note brève accompagne un essai bibliographique substantiel, qui est à considérer comme une ébauche et n’est pas exhaustif 1. Elle a été rédigée pour tenter de mettre en évidence un fait majeur qui caractérise les relations des pays de la sous-région : l’existence ancienne et la permanence des mouvements de population dans l’aire ouest-africaine. Dans un ensemble de textes évoquant les rapports du Sénégal avec les pays voisins, il est nécessaire de prendre en considération les phénomènes migratoires, d’en situer l’ancienneté, de noter les modifications selon leurs directions et leur intensité. Nous avons fait appel à des démographes, pour obtenir une description des mouvements et des flux entre le Sénégal et les divers pays proches, au cours des cinquante dernières années. Une telle contribution était en effet susceptible d’apporter des éléments d’appréciation utiles sur l’évolution des rapports entre les États concernés, car beaucoup de migrations sont significatives de changements dans les relations entre les pays ainsi que de problèmes intérieurs spécifiques à la zone de départ. L’étude souhaitée devait surtout : — évoquer les types d’immigration et d’émigration, selon les origines, les destinations ; — situer ces migrations dans le contexte plus large d’un développement de départs vers des destinations plus lointaines, après l’Indépendance ; — évaluer le rôle d’accueil de migrants joué par le Sénégal après 1960 ; — proposer surtout une quantification des flux migratoires à partir de données statistiques sur la migration qui représente en principe une variable majeure pour les démographes. Cette description statistique et périodisée des flux n’a pas été obtenue. Devant la difficulté de disposer d’une mise au point démographique, on s’est interrogé à propos de la place réservée à la collecte des données sur les migrations dans les enquêtes et recensements démographiques menés après l’Indépendance. La note suivante part donc du constat des limites de l’information et des données démographiques ou statistiques relatives aux migrations internationales — à l’émigration comme à l’immigration — concernant l’aire sénégambienne, l’espace africain et les migrations internationales en général. Pour des raisons diverses qu’il conviendrait de détailler, il est très difficile de savoir le nombre de Sénégalais habitant dans les pays voisins, de Sénégalais émigrés dans d’autres pays africains, en Europe ou en Amérique. Il est également /p. 259/ malaisé de connaître avec une relative précision statistique l’ampleur des arrivées de migrants au Sénégal, dans ses villes et ses campagnes. 1 Nous remercions Sylvie Bredeloup, Momar-Coumba Diop, Mohamed Mbodj, Christian Santoir, qui ont relu le manuscrit et signalé certaines lacunes de cet essai bibliographique. Sylvie Bredeloup nous a communiqué plusieurs références et a signalé qu’un travail bibliographique plus complet, consacré aux migrations contemporaines, est en cours dans le cadre du programme de recherches mené par l’ORSTOM et l’IFAN sur les migrations internationales. Les éléments du présent travail seront à confronter avec ceux qui ont été rassemblés par l’équipe dirigée par Sylvie Bredeloup et Nelly Robin, pour aboutir éventuellement à une publication commune d’une bibliographie plus complète, couvrant tous les aspects des migrations internationales sénégambiennes. 4 Charles Becker Par ailleurs, jusqu’à une période assez récente, la recherche historique s’est peu intéressé aux dynamiques de populations, internes et externes (Prothero, 1968 ; Becker & Mbodj, 1994). Il s’agit d’un domaine qui avait été peu exploré par les historiens de la région, alors que ces mouvements sont pourtant un thème classique et fondamental de la démographie historique ; ici les phénomènes migratoires n’ont suscité qu’un intérêt limité. Seuls les géographes ont peut-être davantage considéré ces transformations démographiques et leurs conséquences sociales. En fait, la collecte des informations spécifiques sur ces problèmes est restée très déficiente, surtout après les indépendances. Une réflexion serait utile pour expliquer les raisons qui ont déterminé les démographes, et aussi les autorités qui demandent et utilisent les données produites par ceux-ci, à écarter ou à négliger la collecte de renseignements sur ces mouvements transfrontaliers. Seuls les ministères de l’Intérieur ont été, à partir d’un certain moment, demandeurs de renseignements, ont tenté d’élaborer des fichiers ainsi que des statistiques d’immigration et d’émigration. Ils ont également instauré des législations particulières pour essayer de contrôler les mouvements d’immigration. Par contre ils ont sans doute moins tenté de collecter et de fournir des données sur les migrations vers l’étranger. Cependant des organismes internationaux (NationsUnies, OCDE) et des Instituts implantés dans les pays du Nord (par exemple l’Office des Migrations Internationales ou l’Institut National d’Études Démographiques en France) ont tenté de produire des données sur ces mouvements. Malgré leur intérêt, ces sources restent insatisfaisantes et souvent contradictoires avec les données des pays de départ. De ce fait « toute approche statistique est délicate et complexe » (Robin, 1992 : 6). Il est donc aujourd’hui extrêmement difficile d’avancer des chiffres fiables sur le volume, les étapes et la composition des flux migratoires en direction des pays frontaliers, des pays d’Afrique, d’Europe, d’Amérique. De même le nombre et les provenances des immigrants installés au Sénégal ne sont pas connus avec précision. Cependant pour pallier certaines lacunes et les absences de documentation statistique satisfaisante, nous avons effectué un inventaire bibliographique sur les migrations internationales sénégalaises. Celui-ci veut fournir, à partir des références signalées, quelques repères pertinents pour situer les relations actuelles des pays de l’Ouest Africain dans un cadre historique plus général, et pour souligner le rôle majeur et structurant des migrations. Pour caractériser les mouvements de population qui ont affecté l’aire sénégambienne, il est possible d’utiliser les typologies classiques des migrations, résumées par Jean-Loup Amselle (1976), qui opposent par exemple : migration ancienne ou archaïque migration moderne mouvement de peuple migration de main d’œuvre migration agricole, de colonisation migration de travail migration rurale migration urbaine migration spontanée migration organisée, dirigée, planifiée /p. 260/ Les divers mouvements de population connus en Sénégambie entrent dans l’une ou l’autre de ces catégories, mais souvent dans plusieurs et les oppositions sont parfois moins nettes dans la réalité. D’autre part, certaines migrations qui semblaient à l’origine correspondre à l’un ou l’autre de ces types, se sont progressivement transformées. Ainsi lorsqu’on évoque aujourd’hui les migrations toucouleur ou wolof, il est nécessaire de parler de processus et de réseaux migratoires très complexes, aux destinations et aux motivations multiples, aux stratégies variables selon les époques et les groupes sociaux. Bien qu’il soit nécessaire de considérer globalement l’ensemble des phénomènes migratoires affectant les sociétés et les groupes sociaux, en ne dissociant pas artificiellement les migrations intérieures et les migrations internationales, nous proposons des éléments relatifs aux relations internationales et aux espaces migratoires du Sénégal. Comme le montre la bibliographie, de nombreuses études soulignent les liens des migrations internationales avec des dynamiques et des mobilités internes, souvent fort anciennes, qu’il convient de connaître avec précision. Nous suggérons des pistes en vue de l’élaboration d’une histoire des migrations internationales. Nous donnons ainsi une liste d’un ensemble de thèmes, en signalant les phénomènes migratoires qui Propositions pour une histoire des migrations internationales sénégambienne 5 ont affecté le Sénégal au cours de son histoire. La typologie générale évoquée dans le tableau précédent permet de décrire commodément certains moments et aspects des migrations, et de caractériser les mouvements humains du passé. Cependant une analyse qui prend en compte la durée, et ne se limite pas à la situation d’un moment précis, montre que les destinations et les motivations représentent les éléments fondamentaux lorsqu’on veut évoquer avec pertinence l’émigration ou l’immigration au-delà des frontières. La bibliographie manifeste que des données assez abondantes et diverses concernent le thème des migrations et sont disponibles à partir des traditions historiques et de documents écrits divers (archives, ouvrages). La connaissance immédiate et la mémoire des sociétés montrent qu’il s’agit en fait d’un thème riche, où il est question des liens anciens et récents entre pays de la sous-région, puis des liens avec le reste du continent, et avec d’autres parties du monde. Les aspects sociologiques, économiques, géographiques et historiques sont sans doute assez privilégiés au détriment des aspects strictement démographiques. Ce thème permet assurément de souligner des continuités historiques car certains mouvements sont anciens et comportent des échanges humains, économiques et culturels, qui ont duré. Parfois ils se sont réorientés, en tenant compte de pratiques passées ou en privilégiant de nouvelles directions. Toujours ils témoignent de dynamiques et de stratégies sociales, et manifestent avec force l’historicité des sociétés africaines. Les sources Les sources sont diverses. Elles sont assez mal connues et parfois difficiles d’accès. Parmi les documents écrits, on distingue les publications officielles (annuaires statistiques. recensements des territoires, recensements des villes, ouvrages qui évoquent des enquêtes socio-démographiques ou sociologiques, /p. 261/ réglementation et contrôle des migrations) et les documents d’archives (rapports politiques. rapports des services, séries de statistiques de population). Les sources orales sont très abondantes, mais restent très peu utilisées malgré leur intérêt : le souci des chercheurs pour opérer leur collecte a été beaucoup trop limité par le passé et il faut espérer que les études à venir les présenteront et les utiliseront davantage. Les données statistiques ne sont pas absentes et on constate un intérêt variable pour l’évolution uploads/Geographie/ 12beckersenegalvoisin.pdf
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- Publié le Jan 17, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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