AAM, 26 (2019) 03.1-14 LE DIALECTE ARABE DE RḤĀMNA (MAROC) Issam MARJANI* Unive

AAM, 26 (2019) 03.1-14 LE DIALECTE ARABE DE RḤĀMNA (MAROC) Issam MARJANI* Università di Pisa BIBLID [1133-8571] 26 (2019) 03.1-14 Resumé: Cet article analyse le dialecte arabe de la région rurale du Rḥāmna (Maroc). Les principaux aspects linguistiques de cette variété maʕqilienne seront illustrés pour la première fois après des aperçus historiques de cette région. Mots-clés : Dialecte arabe du Rḥāmna, Variété maʕqilienne, Dialectes marocains, Arabe marocain, Maroc. Abstract: «The Arabic Dialect of Rḥāmna (Morocco)». This paper deals with the Arabic Dialect of Rḥāmna (Morocco). It is the first survey of the main linguistic features of this Maʕqilian variety. Some historical, sociolinguistic, and linguistic aspects of the Rḥāmna Dialect are taken into consideration. Key-words: Arabic Dialect of Rḥāmna, Maʕqilian Variety, Moroccan Dialects, Moroccan Arabic, Morocco. خالصة: « هلجة الرحامنةةة الريح (ة ارل) ةح.» يهةف اذة لال)لةملا ى ا تلةةفأال ل ا صة ارههجة انةةلةة الرحامنةة ال) ح (ة الرحل يةة ا ىا قبمئلا ينانيللالريح ( ،ا ذركا يحضالجلول نة الره وية الرحئ( ة اهلةم،انةاال إةمبعا ىا يةمال)يهونةموالر و ة(ور وي ا لررمبط(ة ال)حتبةة ا . اب)ةةل الكلمات املفاتيح:ا. هلج الرحامنة الريح ( ،اهلج انيله( ،الرههجموال) ح ( ،الريح ( ال) ح ( .ال) ح 0. Introduction Je me propose d’illustrer dans cette étude certains des principaux traits linguistiques du dialecte arabe de la région rurale du Rḥāmna (Maroc) qui n’ont * E-mail: issam.marjani@cli.unipi.it. 2 ISSAM MARJANI AAM, 26 (2019) 03.1-14 pas attiré l’attention des chercheurs(1). La région du Rḥāmna est située dans le Centre-Nord du Maroc et confine avec les régions suivantes : au sud avec Marrakech, au nord-ouest avec Doukkala, Yousoufia et ʕAbda, au nord avec Settat, et avec Qalʕat s-Srāgna à l’est. Selon le recensement du 2004, la population Rḥāmna était de 315.077 unités. La ville de Benguerir est le seul centre urbain de la région, avec une population de 89.000. Sa position est stratégique ; en effet, elle relie les grandes villes du Nord comme Casablanca, Rabat et Settat avec Marrakech et le Sud du pays. L’origine maʕqilienne des tribus des Rḥāmna ne fait pas de doute(2). Comme Doutté écrit : « Les Reḥāmna n’ont pas toujours occupé le territoire sur lequel ils se trouvent actuellement. Au XVIe siècle, ils n’y étaient pas encore établis et le pays qu’ils occupent aujourd’hui faisait partie du vaste domaine des Heskoura, peuplade berbère, d’origine maṣmoudienne, dont le territoire s’étendait jusque sur les contreforts du Haut-Atlas, où elle existe du reste encore aujourd’hui. Les Reḥāmna, à cette époque, étaient une simple fraction des Doui Ḥaçan qui nomadisaient dans le Sous et jusque dans le Drā et le Sahara. Ce n’est que plus tard qu’ils s’installèrent, probablement par ordre d’un sultan, dans les régions où ils se trouvent maintenant »(3). De la région désertique du Maroc, ces tribus maʕqiliennes se sont déplacées jusqu’à la région actuelle. Dans le Sūs les Rḥāmna et d’autres tribus maʕqiliennes avaient le contrôle de certaines parties du territoire. Ils pratiquaient le nomadisme (tirḥāl) et le commerce était leur activité économique principale(4). 1. Aspects sociolinguistiques Du point de vue sociolinguistique on remarque d’un côté l’emploi de manière limitée de Code switching arabe dialectal / français et de l’arabe (1) Cette description est basée sur un corpus de 50 enregistrements et 15 interviews. Les données présentées dans cet article font partie d’un corpus plus vaste de prochaine publication sous forme de monographie sur la variété dialectale de la région de Rḥāmna, dont je ne donne ici que quelque aspect linguistique, précédé par quelque information d’ordre historique. (2) Al-ʕAṭrī 2013 : 14-15. (3) Doutté 1905 : 310-311. (4) Al-ʕAṭrī 2013 : 30. LE DIALECTE ARABE DE RḤĀMNA (MAROC) 3 AAM, 26 (2019) 03.1-14 médian, constaté uniquement dans le centre urbain de Benguerir. De l’autre côté, les données recueillies montrent quelques différences en ce qui concerne quelque élément lexical dans les villages ruraux par rapport au centre urbain. Exemple : urbain fǝrrān marqa nʕǝs lga / lqa l-kuzīna ṣāhḍ būsa ḥayyǝd rurale xǝbbāz ddwāz rgǝd žbar l-kuššīna šūm ḥǝbba rūġ « four » « mot de plat typique » « dormir » « trouver » « la cuisine » « chaleur torride » « bisou » « bouge! » 2. Traits linguistiques 2.1. Phonologie 2.1.1. Consonantisme(5) 2.1.1.1. L’occlusive uvulaire sourde /q/ La réalisation sonore de l’occlusive uvulaire sourde /q/ de l’arabe classique est la règle. Exemple : dgaʕʕǝd « lève-toi! », gāl « dire », ḥgartīna « tu nous a sous-estimés », ʕǝrgān « sué », fūg « dessus », mrāfǝg « accompagné », ṭrīg « route » (mais aussi : ṭrīq), gǝlb « cœur » (mais aussi. qalb), ʕagrǝb « scorpion », gʷbīla « avant », gbaḍ « arrêter, bloquer ». A part les classicismes, on observe que plusieurs mots maintiennent la réalisation sourde. Exemple : qwādǝs « canaux », l-qīma « la valeur », wᵊ-ṭalqū- h « et ils l’ont laissé », znāqi « rues », qāḍi « juge », ḥaqqāš « parce que », waqīla « peut-être », ḥaqqi « mon droit », qāḍǝr « capable », ʕqal ʕliyya « rappele toi de moi ! », qwālǝb « astuces », dqayq « minutes ». 2.1.1.2. La fricative vélaire sonore /ġ/ (5) L’inventaire consonantique est le suivant : /b/, /ḅ/, /m/, /ṃ/, /w/, /f/, /t/, /ṭ/, /d/, /ḍ/, /s/, /ṣ/, /š/, /ž/, /z/, /y/, /l/, /ḷ/, /n/, /ṇ/, /r/, /ṛ/, /k/, /g/, /q/, /x/, /ġ/, /ḥ/, /ʕ/, /h/. 4 ISSAM MARJANI AAM, 26 (2019) 03.1-14 Le passage de /ġ/ à /ʕ/ (= fricative vélaire pharyngale) est très fréquent dans les formes abréviées des mots ġīr « sauf » et ġādi quand ce dernier est employé comme particule du futur (i.e. ġīr > ġa- / ġi- > ʕa / ʕi ; ġādī > ġa- > ʕa-). Exemple : ʕa-ywǝždu « ils prépareront », šti ʕi-l-ʕagrǝb « tu n’as rien vu que le scorpion ? ». 2.1.1.3. L’occlusive dentale sourde /t/ La réalisation de la consonne /t/ présente une articulation avec un degré d’affrication /ţ/ (i.e. [ts]) dans de nombreux de cas. Exemple : miţāl « exemple », nţi « toi (f.) », ţǝsʕīn « quatre-vingts », hīţ « parce que », usţād « professeur ». 2.1.1.4. Emphatisation Il y a une tendance à emphatiser plusieurs éléments consonantiques. Exemple : ṛǝḅʕa « quatre », ṇoṣṣ « moitie », ṃuḍīḷ « modèle », ṣantiṃiṭṛ « centimètre », fṣāḷa « couture », mīṣṭaṛa « règle », ḅṛāwāt « lettres », ḍaṛūṛi « nécessaire », l-qṛāya « les études », ka-nqṛa ṣ-ṣḅāḥ « j’étudie le matin », l- xʷṛāyn « les autres ». 2.1.1.5. Labialisation Ce phénomène phonologique concerne plusieurs variétés dialectales du Maroc comme celles de Skūra et Zʕīr(6). C’est un trait typiquement ʕrobi. Exemple : gʷbīla « avant », mmʷākǝn « macchines », bbʷa « mon père », mmʷi « ma mère », ṣʷġarāt « petites », kʷbār « grandes », fᵊ-mmʷīha sxūna « dans l’eau chaud », ffʷāsa « les habitants de Fes », mmʷužda « préparée ». 2.1.1.6. Assimilation L’assimilation est un trait phonétique très fréquent dans cette variété. On trouve une situation similaire aux autres dialectes du Maroc(7), mais aussi dans les variétés de Doukkala-ʕAbda et Qalʕat s-Srāġna qui confinent avec la variété rǝḥmāni. Exemple : /l/ + /n/ > [n-n]: /gǝlna/ > gǝnna « non avons dit » (6) Voir Elyaacoubi 1998 : 152-153 et aussi Aguadé 1998 : 143. (7) Voir par exemple le dialecte de Sūs décrit par Moscoso 1999 : 28. LE DIALECTE ARABE DE RḤĀMNA (MAROC) 5 AAM, 26 (2019) 03.1-14 /l/ + /t/ > [t-t]: gǝlt > gǝtt « j’ai dit » /n/ + /l/ > [l-l]: sūra mǝn l-qurʔān > sūra mǝl l-qurʔān « une sourate du Coran » /n/ + /t/ > [t-t]: nta > tta « toi » /n/ + /r/ > [r-r]: nrǝkkǝb > rrǝkkǝb « je compose » /ḥ/ + /h/ > [ḥ-ḥ]: fḍaḥ-ha > fḍaḥ-ḥa « il l’a démasquée » /t/ + /d/ > [d-d]: xamsǝt drāhǝm > xamsǝd drāhǝm « cinq dirham » /t/ + /ḍ/ > [ḍ-ḍ]: tᵊḍaḥku > ḍḍaḥku « vous riez » /t/ + /ṭ/ > [ṭ-ṭ]: ma-bġayt ṭᵊʕṭinīš > ma-bġayṭ ṭᵊʕṭinīš « tu refuses de me donner! » /l/ + /d/ > [d-d]: wǝld lᵊ-ḥrām > wǝdd lᵊ-ḥrām « fils d’un chien » /š/ + /s/ > [s-s]: āš smu > ās smu « comment s’appelle-t-il? » On constate quelque cas d’assimilation partiale. Exemple : /t/ + /ž/ > [d-ž]: ma-tžīš > ma-džīš « ne viens pas! » 2.1.2. Vocalisme En ce qui concerne le vocalisme, la variété du Rḥāmna présente la même situation de l’arabe marocain(8) : trois voyelles longues /ā/, /ī/, /ū/ et deux voyelles brèves /ǝ/, /ŭ/. On voit que ces voyelles ont plusieurs allophones. Il s’agit du même système caractérisant la plupart des dialectes au Maroc. 2.1.3. Diphtongues Les réalisations où les diphtongues sont muées en voyelles longues /ī/ et /ū/ sont nombreuses. Le corpus montre aussi de nombreux cas où ils ont été conservés. Exemple : sīf « épée », gīr « seulement », nūba « fois », bīt « maison », ʕayn « œil », bayḍ uploads/Geographie/ 6784-texto-del-articulo-28490-1-10-20201114.pdf

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