De l'acide sulfurique. Girardin M. : Leçons de chimie élémentaire appliquée aux

De l'acide sulfurique. Girardin M. : Leçons de chimie élémentaire appliquée aux arts industriels De tous les acides connus, il n'en est pas qui présente autant d'intérêt, soit pour le savant, soit pour l'industriel, que l'acide sulfurique. Son énergie, bien plus puissante que celle de tous les autres composés du même genre, et surtout son bas prix, l'ont rendu l'agent le plus utile et le plus fréquemment employé de la plupart des arts, qui, sans lui, manqueraient certainement des produits qui leur sont le plus indispensables. La fabrication des autres acides, de la soude artificielle, de l'alun, du chlore, du phosphore, des eaux minérales gazeuses, des bougies stéariques; l'affinage de l'argent, le décapage du fer et d'autres métaux; la saccharification de la fécule, la dissolution de l'indigo, l'épuration des huiles à brûler, la préparation de la garancine, le débourrage des peaux qu'on doit soumettre à l'opération du tannage, le blanchiment des toiles, et, pour miens dire, presque toutes les opérations des manufactures et des laboratoires réclament son secours. Son histoire se lie donc d'une manière intime a celle de la science et de l'industrie, et l'on peut considérer sa découverte comme le fait qui a le plus contribué à l'avancement des connais= sauces humaines et à l'accroissement des arts. «Si l'on possédait, dit M. Dumas, un tableau exact des quantités d'acide sulfurique consommées annuellement dans divers pays ou à diverses époques, il n'est pas douteux que ce tableau présenterait en même temps la mesure précise du développement de l'industrie générale pour ces époques ou pour ces pays (l). » Cet acide était inconnu des anciens, et c'est sans doute à cette circonstance qu'il faut attribuer le peu de progrès qu'ils firent dans la carrière des arts industriels. Il est assez difficile de fixer l'époque précise à laquelle cet agent si puissant a été découvert. Il en est fait mention pour la première fois, mais en termes obscurs et ambigus, dans les ouvrages d'Abou-bekr Al Rhasès,; , mort en 940. Au treizième siècle, Albert le Grand le désigna sous les noms de soufre des philosophes et d'esprit de vitriol romain. Au milieu du quinzième siècle, Basile Valentin, célèbre alchimiste , d'Erfurt et moine de l'ordre des Bénédictins, exposa parfaitement sa préparation. Mais c'est Gérard Dorneeus qui décrivit, le premier, ses caractères distinctifs en 4570. Le procédé suivi dans l'origine pour obtenir cet acide consistait à calciner dans une cornue du sulfate de fer, alors nommé couperose et vitriol vert. Comme l'acide très-concentré qui se rassem- blait dans -le récipient avait la consistance d'une huile, et que d'ailleurs on ignorait complètement sa nature, on lui donna le nom impropre d'huile de vitriol, et les noms de rosée et d'esprit de vitriol, quand il était étendu d'eau. La plupart des chimistes, à partir du seizième siècle, ont étudié cet acide, dont les propriétés si remarquables ne tardèrent pas à recevoir d'utiles applications dans les arts. Jusqu'à l'époque des travaux de Lavoisier sur la combustion, on commit l'erreur, sur l'autorité de Stahl, de le croire tout formé dans le soufre, qu'on regardait alors comme un composé d'huile de vitriol et de la partie la plus pure du principe inflammable, désignée sous le nom de phlogistique. Le chimiste français démontra, d'une manière irrécusable, que l'acide vitriolique ou sulfurique est composé de soufre et d'oxygène, dans des proportions différentes de celles qui produisent l'acide sulfureux. Ses successeurs n'ont fait que compléter l'histoire de cet acide et rectifier les légères erreurs commises par Lavoisier dans son analyse, erreurs qu'on doit uniquement attribuer à l'imperfection des méthodes analytiques employées de son temps. Combiné aux oxydes métalliques et formant des sels qu'on désigne sous le nom de sulfates, l'acide sulfurique est très-commun dans la nature. II n'en est pas de même lorsqu'il est à l'état de liberté; car, outre que les circonstances de sa formation sont très-peu nombreuses, il a une trop grande affinité pour les bases pour qu'on en trouve jamais de grandes quantités à l'état pur. On l'indique seulement dans quelques grottes, distillant de leurs voûtes, ou dans les eaux de quelques sources ou rivières. Presque toutes les sources qui coulent dans le voisinage des volcans de l'Amérique du Sud, contiennent de l'acide sulfurique libre; tels sont entre autres, d'après MM. de Humboldt et Boussingault, le Rio Vinagre ou Pasambio, originaire du volcan de Puracé dans les Andes, la source de Ruiz qui sort du Paramo de Ruiz, volcan de la Nouvelle-Grenade dans la Cordillière centrale, les belles cascades de Genoi, près du cratère de Pasto, dans la même région (L'eau du Rio- 1 Vinagre contient 1gr., 11 d'acide sulfurique par litre; celle du Ruiz, dont la température est de + 690 4 centigrades, en renferme 5r., 181, c'est à dire près de 5 fois autant). Leschenault, naturaliste français, a rapporté de l'acide sulfurique qu'il avait puisé dans un lac qui occupe le sommet du mont Idienne, à Java. M. Landerer a constaté, en 1851, la présence du même acide dans l'eau de mer qui baigne les îles volcaniques de l'Archipel grec, notamment Mylos et Santorin (Les navires de guerre doublés de cuivre se rendent dans la baie de Santorin afin d'y dépouiller leur carène de l'oxyde ou vert-de-gris par la présence de ces sources volcaniques qui sont acides. En effet, après quelques jours de mouillage et si la mer est agitée par le vent, le cuivre devient poli comme s'il était neuf. Il est clair que l'oxyde, le sous- chlorure et le carbonate de cuivre adhérant au doublage, se dissolvent et se transforment en sulfate de cuivre. Indépendamment de leur utilité aux bâtiments, les eaux acides de Santorin sont très-conseillées pour la guérison de différentes maladies de la peau et procurent des cures inespérées). Enfin dans le comté de Genessée (États-Unis), il y a des sources très-chargées de cet acide, au point qu'elles coagulent le lait. II existe dans le commerce deux sortes d'acide sulfurique 1° L'acide sulfurique proprement dit, nommé huile de vitriol ou acide anglais; 2° L'acide fumant de Saxe ou de Nordhausen. Examinons-les successivement. I - ACIDE SULFURIQUE ORDINAIRE OU HUILE DE VITRIOL. Il se présente sous la forme d'un liquide incolore, inodore, d'une consistance oléagineuse. Sa saveur est des plus acides; aussi est-ce un caustique violent qui brûle et ronge tous les tissus en les colorant en noir. A de très-petites doses, il détermine assez promptement la mort des animaux, qui succombent en proie aux douleurs les plus aiguës (Dans les empoisonnements par l'acide sulfurique, qui sont très-commun parmi les ouvriers, il faut tout de suite administrer aux malades une grande quantité d'eau, ou de lait, ou d'huile d'olives, ou de l'eau de savon, et mieux encore, de la magnésie caustique, délayée dans de l'eau, ou dans de l'huile, afin d'étendre et de neutraliser l'acide, en même temps qu'on provoque des vomissements pour en opérer le rejet).. Une goutte suffit pour rougir une grande quantité de teinture de tournesol. Dans son plus grand état de concentration, il marque 66 degrés à l'aréomètre de Baumé, ce qui correspond à une densité de 1,845 à la température de + 15 degrés. Dans cet état, il retient toujours de l'eau en combinaison ; sur 100 parties en poids, il est formé de : { soufre. ... 32;78 Acide sulfurique sec ou anhydre .. 81,68 = { { Oxygène .. 48,90 Eau de combinaison......... . 48,32 100,00 C'est donc un composé à proportions constantes d'eau et d'acide sec, qu'on nomme en chimie acide sulfurique hydraté ou mono hydraté. Ce composé est très-stable, puisqu'il bout à + 325° et distille sans éprouver aucune altération. Ce n'est qu'à une température rouge qu'il est décomposé et transformé en : 2 volumes de gaz acide sulfureux; 1 volume d'oxygène; 2 volumes de vapeur d'eau. Exposé à un froid de -34 degrés, il cristallise en prismes réguliers à 6 pans. Mais lorsqu'il marque 62 degrés à l'aréomètre, et alors renferme 29 p. 400 d'eau, il se congèle à + 4 degrés et laisse déposer de beaux cristaux volumineux et transparents. Je vous ai déjà dit plusieurs fois que l'acide sulfurique a une très grand affinité pour l'eau, et c'est pour cette raison, qu' on en imbibe les fragments de pierre-ponce à travers lesquels on fait passer les gaz que l'on veut dessécher complètement. Placé dans une atmosphère saturée d'humidité, il absorbe 15 fois son propre poids d'eau, si l'on a soin de mêler souvent les diverses couches du liquide et de prolonger suffisamment l'expérience. Conséquemment, pour le conserver dans son état de concentration, il faut le renfermer dans des vases bouchés à l'émeri. Cette précaution est encore indispensable pour éviter qu'il ne se colore; car il devient bientôt brun au contact de l'air. Cet effet 2 dépend de ce que les poussières organiques, qui flottent sans cesse dans l'atmosphère, tombent dans cet acide et sont promptement décomposées et charbonnées par lui. La cause de cette destruction dépend de la grande affinité de l'acide pour l'eau. Il détermine la réunion, sous forme d'eau, de l'hydrogène et de l'oxygène de ces substances, et uploads/Geographie/ acide.pdf

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