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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 L’envahissement du Capitole, fin logique d’une présidence de violences et de haine PAR MATHIEU MAGNAUDEIX ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 7 JANVIER 2021 Depuis des années, Trump annonce la « guerre civile » et a fait de la violence son arme politique. En envahissant le Capitole, ses partisans les plus fanatiques ont mené son projet à bien. Après quatre ans de lâcheté totale, le parti républicain condamne. Des partisans de Trump dans le Capitole mercredi 6 janvier. © Saul Loeb/AFP Il a dit sur tous les tons que l’élection présidentielle a été « volée », « truquée ». Que des bulletins de vote ont été « détruits ». Que les machines à voter ont été trafiquées. Que des centaines, peut-être des millions, de voix se baladent non comptées dans la nature. Sans le début d’une preuve, comme l’ont fait remarquer nombre de juges saisis par ses avocats. « Nous avons gagné la Géorgie. Nous avons gagné l’élection », a continué à dire Donald Trump dans un déni maladif des faits : face à Joe Biden, Trump a perdu, clairement, de sept millions de voix, l’élection a été certifiée, le décompte des grands électeurs lui est défavorable. Depuis sa défaite face à Joe Biden dans les urnes du 3 novembre, Donald Trump a continué d’évoluer dans son monde parallèle : celui du mensonge et de l’incitation permanente à la haine et à la violence. En cela, il est totalement, absolument responsable de l’envahissement du Capitole par certains de ses soutiens qui a étonné le monde et choqué les États- Unis, un épisode historique soldé par la mort de quatre personnes dans des circonstances encore troubles. Des partisans de Trump dans le Capitole mercredi 6 janvier. © Saul Loeb/AFP À l’instar de la démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, de nombreux élus demandent sa destitution express ou l’activation de l’article 25 de la Constitution, qui permet de démettre un président incapable d’exercer sa fonction. Leur message, pressant : Donald Trump a encore quatorze jours à la Maison Blanche avant l’investiture de Joe Biden, et c’est quatorze jours de trop. L’envahissement du Capitole est spectaculaire, inédit depuis deux siècles. Il ressemble au scénario trop facile d’un film hollywoodien. Il provoque la stupeur dans le monde entier. Il n’a pourtant rien d’étonnant. Il est un aboutissement logique. Comme tout autocrate digne de ce nom, Donald Trump a toujours prévenu de ses intentions. En septembre, le président américain avait refusé de dire qu’il assurerait une transition pacifique avec son successeur. Ce mercredi matin, à nouveau, il avait encouragé ses soutiens les plus acharnés à marcher sur le Capitole, redisant qu’il ne « reconnaîtra[it] jamais » sa défaite, poussant son vice- président Mike Pence à contester au Congrès le résultat de l’élection, bien qu’il n’en ait ni le pouvoir ni l’intention. Il leur avait même lancé : « Vous ne reprendrez pas notre pays en étant faibles », un appel évident à l’emploi de la force. Depuis des années, Donald Trump prédit la « guerre civile » pour galvaniser sa base contre les immigrés, les socialistes, les minorités. Hier, ses supporters l’ont Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 pris au mot, déclarant la guerre au Congrès, alors que le Parlement états-unien était en train de confirmer les résultats de l’élection de novembre. Trump, clown fascistoïde, a gagné la présidence en électrisant la base républicaine. Le parti républicain, au départ choqué par l’olibrius, a fini par se maquer avec lui totalement par intérêt politique et instinct de survie. Ses dirigeants, même ceux qui jadis disaient pis que pendre de lui, l’ont défendu en toute occasion, se sont vautrés avec lui dans toutes ses manipulations et ses sales coups. En quatre ans à la Maison Blanche, Trump a fini par constituer une armée de fidèles à la mort. Ceux- là croient vraiment que Trump est l’élu. Celui qui va les débarrasser de Satan, de la fange libérale et « socialiste », de ces Noirs qui réclament des droits, des démocrates qui organisent des orgies dans des pizzerias, des Républicains corrumpus, de l’État Léviathan qui prétend diriger leur vie. Trump est leur salut, le bras armé de Dieu, celui qui va sauver l’Amérique blanche : voilà en quoi il croit, ce Davy Crockett torse poil aux tatouages nazis qu’on a vu brièvement triompher dans le Sénat américain sur le bureau du vice-président, alors que les parlementaires horrifiés étaient placés en lieu sûr. Au nom de Trump, certains de ses admirateurs ont posé des engins explosifs contre des figures démocrates ou le milliardaire George Soros. En son nom, une bande d’abrutis fanatiques a projeté d’enlever la gouverneure démocrate du Michigan (Trump ne les a pas condamnés, ciblant la gouverneure). Sous sa présidence, une jeune femme a été tuée à Charlottesville par un néonazi et le FBI a déclaré le suprémacisme blanc comme la première menace terroriste. Les crimes de haine et les fusillades meurtrières (Las Vegas, Parkland, El Paso… ), elles aussi pour beaucoup à motivation raciste, se sont succédé comme jamais dans l’histoire récente des États-Unis. Depuis 2015 et ce jour où Donald Trump a descendu l’escalier de la Trump Tower pour annoncer sa campagne, le faux milliardaire new-yorkais, grande gueule toxique de télé-réalité qui se vante d’attraper les femmes « par la chatte », lui-même visé par une vingtaine d’accusations d’agressions sexuelles, a attisé quotidiennement la violence et la haine. Avec le mensonge – 30 000 recensés par le Washington Post –, ce fut le moteur politique de sa présidence, son fuel permanent. Dans ses meetings mussoliniens, sur Twitter, lors d’interviews sur les médias ultra conservateurs Fox News, One America, Newsmax, Trump a banalisé dans l’espace public une stratégie de la tension extrême, mêlant conspirations, remarques ou sous-entendus racistes, propos sexistes, déclarations agressives et menaces pures, contre des individus, des institutions (le FBI, la CIA, le Département de la justice, etc.), ou des médias, qualifiés des centaines de fois d’« ennemis du peuple ». Il y a cinq ans, Trump a lancé sa campagne en s’en prenant aux « Mexicains violeurs ». Il a dit qu’il était si populaire qu’il pourrait abattre quelqu’un sur la Cinquième Avenue sans que cela lui nuise. A justifié la torture et les violences policières. A souvent incité ses partisans à la violence physique contre les perturbateurs de ses meetings. Les a poussés à hurler « Enfermez-le ! » contre des adversaires politiques. Il a qualifié les néonazis qui défilaient au flambeau à Charlottesville (Virginie), une scénographie inspirée du Ku Klux Klan, de « gens très bien », et le joueur de foot Colin Kaepernick qui dénonçait le racisme de « fils de pute ». Il a qualifié une femme noire de « chien » et critiqué le « faible QI » d’une autre. Il a dénoncé les musulmans comme un « problème » et une « maladie », fermant les portes des États-Unis à certains d’entre eux, coupant l’accès des Syriens au statut de réfugié. Il a qualifié les pays africains de « pays de merde », suggéré que les Haïtiens ont tous le Sida, a appelé à « tirer » sur des migrants, enfermé des gamins dans des cages, séparé des milliers de familles demandeuses d’asile à la frontière accusées d’« invasion ». Il a accusé les victimes de la pire tuerie antisémite de l’histoire américaine de ne s’être pas assez protégées et multiplié les sous-entendus antisémites. A dit à des élues démocrates hispaniques ou musulmanes de « Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 rentrer dans les pays infestés de crimes d’où elles viennent ». Il a appelé à « tirer » sur les militants de Black Lives Matter (« quand les pillages commencent, les tirs commencent ») et a menacé d’envoyer la Garde nationale contre l’avis des municipalités pour les mater. Il a refusé de condamner le meurtre de deux personnes par un de ses soutiens affichés à Kenosha (Wisconsin). A enjoint le groupe masculiniste d’extrême droite Proud Boys à « être à ses côtés », et a rendu hommage aux adeptes du culte conspirationniste d’extrême droite QAnon. La liste est loin d’être exhaustive. Sa présidence tout entière ne fut que violence et brutalisation. En le soutenant jusqu’au bout dans leur écrasante majorité, les Républicains ont acquiescé au pire. Alors que le Capitole était envahi mercredi, ceux-là même, les Mitch McConnell et les Lindsay Graham et avec eux les barons du parti Républicain, avaient beau jeu d’en appeler au calme et à la raison. Trump est à la fois leur bourreau, leur suzerain et leur monstre de Frankenstein hors de contrôle, admiré par une base républicaine de plus en plus fanatique. Ils n’ont jamais su dire stop, sinon à la toute fin, poussés par les circonstances et l’extraordinaire de l’envahissement du Capitole. Leur responsabilité est immense. L’histoire jugera Trump durement mais lui reconnaîtra au moins une forme de cohérence dans la violence et l’outrance. Elle risque d'être plus sévère encore avec ses « facilitateurs » républicains, uploads/Geographie/ article-932877-pdf.pdf

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