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- Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 1 - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 2 - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 3 Éloge du théâtre - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 4 DÉJÀ PARUS DANS LA COLLECTION CAFÉ VOLTAIRE Jacques Julliard, Le Malheur français (2005). Régis Debray, Sur le pont d’Avignon (2005). Andreï Makine, Cette France qu’on oublie d’aimer (2006). Michel Crépu, Solitude de la grenouille (2006). Élie Barnavi, Les religions meurtrières (2006). Tzvetan Todorov, La littérature en péril (2007). Michel Schneider, La confusion des sexes (2007). Pascal Mérigeau, Cinéma : Autopsie d’un meurtre (2007). Régis Debray, L’obscénité démocratique (2007). Lionel Jospin, L’impasse (2007). Jean Clair, Malaise dans les musées (2007). Jacques Julliard, La Reine du monde (2008). Mara Goyet, Tombeau pour le collège (2008). Étienne Klein, Galilée et les Indiens (2008). Sylviane Agacinski, Corps en miettes (2009). François Taillandier, La langue française au défi (2009). Janine Mossuz-Lavau, Guerre des sexes : stop ! (2009). Alain Badiou (avec Nicolas Truong), Éloge de l’amour (2009). Marin de Viry, Tous touristes (2010). Régis Debray, À un ami israélien, avec une réponse d’Élie Barnavi (2010) Alexandre Lacroix, Le Téléviathan (2010). Mara Goyet, Formules enrichies (2010). Jean Clair, L’Hiver de la culture (2011). Charles Bricman, Comment peut-on être belge ? (2011). Corrado Augias, L’Italie expliquée aux Français (2011). Jean-Noël Jeanneney, L’État blessé (2012). Mara Goyet, Collège brutal (2012). Régis Debray, Le bel âge (2013). Shlomo Sand, Comment j’ai cessé d’être juif (2013). - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 5 Alain Badiou avec Nicolas Truong Éloge du théâtre Flammarion - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 6 Cet ouvrage est né d’un dialogue public entre Alain Badiou et Nicolas Truong, qui a eu lieu le 15 juillet 2012, dans le cadre du « Théâtre des idées », cycle de rencontres intel- lectuelles et philosophiques du Festival d’Avignon. © Flammarion, 2013. ISBN : 978-2-0813-0318-8 - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 7 I DÉFENSE D’UN ART MENACÉ D’où vous vient cet amour de la scène, du jeu et de la représentation ? Le premier spectacle de théâtre qui m’ait vraiment saisi, je l’ai rencontré à Toulouse, quand j’avais quatorze ans. La Compagnie du Grenier, fondée par Maurice Sarrazin, donnait Les Fourberies de Scapin. Dans le rôle titre, Daniel Sorano. Un Scapin musclé, agile, d’une extraordinaire sûreté. Un Scapin triomphant, dont la vélocité, la voix sonore et les stupé- fiantes mimiques donnaient envie de le connaître, de lui demander quelque service étonnant. Et, certes, je le lui ai demandé, ce service, quand, en juillet 1952, j’ai joué le rôle de Scapin au lycée Bellevue ! Je me souviens qu’au moment terrible où je devais entrer en 7 - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 8 scène et lancer la première réplique j’avais clai- rement en mémoire le bondissement et l’éclat de Sorano, et que je tentais d’y conformer ma longue carcasse. Lors d’une reprise, un peu plus tard, du même spectacle, le critique de La Dépêche du Midi me décocha un éloge empoi- sonné en déclarant que je me souvenais « avec intelligence » de Daniel Sorano. C’est le moins qu’on pouvait dire… Mais, dès lors, intelli- gence ou pas, je m’étais injecté le virus du théâtre. Une autre étape de la maladie a été la décou- verte de Vilar, du TNP, à Chaillot, quand le provincial que j’étais est « monté à Paris » pour poursuivre ses études. Je crois que ce qui m’a frappé alors était la sobriété de la mise en espace, sa réduction à un ensemble de signes, en même temps que la densité très particulière du jeu de Vilar lui-même. Il était comme à distance de la représentation qu’il donnait, il esquissait plus qu’il ne réalisait. J’ai compris grâce à lui que le théâtre est plus un art des possibilités qu’un art des réalisations. Je me souviens notamment, dans le Don Juan de Molière, d’une scène muette qu’il avait ajoutée. Après son premier entretien avec la statue du Commandeur, le libertin athée et provocateur qu’est Don Juan est évidemment préoccupé, bien qu’il ne veuille aucunement en convenir : 8 - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 9 qu’est-ce que c’est que cette statue qui parle ? Alors Vilar revenait seul sur scène, lentement, et en silence considérait la statue retournée à son immobilité naturelle. Il y avait là un moment poignant, alors même qu’il était d’une totale abstraction : le personnage indiquait son incertitude, son examen tendu des diverses hypothèses qu’on pouvait faire à propos d’une situation anormale. Oui, cet art des hypo- thèses, des possibilités, ce tremblement de la pensée devant l’inexplicable, c’était le théâtre dans sa plus haute destination. Je me suis alors lancé – et je continue ! – dans d’immenses lectures, j’ai parcouru une considérable partie du répertoire mondial. J’ai élargi l’effet produit par les productions du TNP en lisant les œuvres complètes des auteurs choisis par ce théâtre. Après Don Juan, j’ai relu tout Molière, après La Paix, j’ai lu tout Aristophane, après La Ville, tout Claudel, après Ce fou de Platonov, tout le théâtre russe disponible, après Roses rouges pour moi, tout Sean O’Casey, après Le Triomphe de l’amour, tout Marivaux, après Arturo Ui, tout Brecht, et puis tout Shakespeare, tout Pirandello, tout Ibsen, tout Strindberg, et tous les autres, notamment Corneille – pour lequel j’ai une dilection spéciale, aidée par les belles pro- ductions récentes de cet auteur par Brigitte 9 - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 10 Jaques et son complice ès-théâtre : le grand théoricien et à l’occasion acteur qu’est François Regnault. Quand, plus tard, j’ai écrit des pièces, ce n’est pas un hasard qu’elles aient le plus sou- vent été tirées de modèles plus anciens : Ahmed le subtil des Fourberies de Scapin, Les Citrouilles des Grenouilles, L’Écharpe rouge du Soulier de satin… Si les représentations restent les vrais points d’intensité du théâtre, le réper- toire écrit en est la masse impressionnante, le surplomb historique. La représentation vous embarque dans une traversée émotive et pen- sante dont les œuvres de tous les temps et de tous les lieux sont comme l’horizon maritime. Quand, avec Antoine Vitez, puis avec Chris- tian Schiaretti, j’ai directement participé à ce genre d’embarquement, du côté cette fois de l’équipage du navire, j’ai ressenti presque phy- siquement cette alliance paradoxale, cette féconde dialectique entre un horizon d’une grandeur infinie, celui des œuvres géniales du théâtre de tous les temps et de tous les lieux, et la force lumineuse et fragile du mouvement très bref d’un spectacle, quelques heures au plus, qui nous donne l’illusion de nous rappro- cher de cette grandeur au point de participer à sa genèse. 10 - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 11 Sautons soixante ans. J’assiste à la produc- tion de la pièce de Pirandello On ne sait comment par la compagnie La Llevantina, que dirige Marie-José Malis. Cette pièce m’a toujours fasciné par son abstraction violente. Le croisement épique qu’elle organise entre la trivialité des existences (des adultères, comme si souvent au théâtre…) et la longue, la subtile, l’interminable obstination de la pensée, fait se succéder sur scène des sortes de confessions à la Rousseau, dans une langue prodigieuse. Cependant, la mise en scène de Marie-José Malis fut pour moi un de ces événements de théâtre où l’on comprend soudain quelque chose sur quoi on s’était depuis toujours trompé. En l’occurrence, la vraie destination des pièces de Pirandello. Il ne s’agit pas de distendre le lien entre les corps et le texte, il ne s’agit pas d’installer la scène dans son par- tage entre l’illusion et le réel, voire, pour parler comme Pirandello lui-même, entre la Forme et la Vie. Il s’agit de faire à chaque spectateur une confidence intime porteuse d’une injonc- tion sévère. Le ton murmuré souvent adopté par les acteurs de la troupe – tous admi- rables –, leur façon de regarder telle ou telle fraction du public dans les yeux n’ont pas d’autre objet que de nous faire entendre la voix multiforme de Pirandello : « Ce que vous êtes, 11 - Flammarion - Eloge du théâtre - 130 x 200 - 3/4/2013 - 14 : 48 - page 12 ce que vous faites, je le sais, vous pouvez le voir et l’entendre sur cette scène, et vous n’avez donc plus d’excuse uploads/Geographie/ badiou-eloge-du-theatre.pdf

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