Les opérations minières outre-mer Le BRGM, acteur central de la politique publi

Les opérations minières outre-mer Le BRGM, acteur central de la politique publique Poursuivre les opérations minières françaises outre-mer dans un contexte qui est vite devenu post-colonial, telle fut la mission du BRGM, outil majeur de la politique minière française jusque dans les années 1980. LA FRANCE ET LES MINES D’OUTREMER RÉALITÉS INDUSTRIELLES • AOÛT 2008 7 par Paul-Henri BOURRELIER* et Jean LESPINE** A l’issue de la Deuxième guerre mondiale, tandis que les entreprises privées de la métropole consacraient leurs forces à reprendre pied, le Gouvernement décidait, parallèlement aux nationalisa- tions dans le secteur de l’énergie, de constituer des structures publiques d’appui à la mise en valeur des res- sources minières des territoires sous obédience françai- se. Les techniques d’exploitation à ciel ouvert et les besoins d’approvisionnement en minerais avaient, en effet, considérablement évolué durant les hostilités et il fallait reconstituer des capacités minières françaises capables de tenir leur place, face aux entreprises étran- gères, beaucoup plus puissantes. L’effort a porté sur deux niveaux : • celui des Directions des mines et de la géologie, qui exis- taient déjà avant la guerre, mais dont les moyens ont été considérablement accrus. Ces services, implantés à Dakar, à Brazzaville, à Tananarive et à Hanoï, étaient chargés de la carte géologique et de la prospection générale ; • celui des Bureaux miniers devant intervenir en aval, sur le modèle du Bureau marocain créé en 1928, en col- lectant les indices, en réalisant des reconnaissances de gisements (dont certains avaient été repérés depuis longtemps), puis en participant, éventuellement, en coopération avec d’autres sociétés ou organismes finan- ciers et industriels, à leur mise en exploitation. C’est ainsi qu’ont été créés trois Bureaux miniers : en 1948, le Bureau Minier de la France d’Outre-mer (BUMIFOM) (société d’Etat) et le Bureau de Recherches Minières de l’Algérie (BRMA) (établissement public à caractère industriel et commercial) ; puis, en 1949, le Bureau Minier Guyanais (un EPIC, comme le précé- dent). Le secteur de compétence du BUMIFOM était l’Afrique au sud du Sahara, Madagascar, la Nouvelle- Calédonie. Ces institutions avaient leur siège à Paris. Quelques années plus tard, cette organisation a été étendue à la métropole par la transformation du Bureau de Recherches Géologiques et Géophysiques (créé en 1941) en un EPIC, le Bureau de Recherches Géologiques Géophysiques et Minières (BRGGM), ce qui ajouta, à la vocation initiale de l’établissement, touchant à l’infra- structure géologique, une vocation industrielle et com- merciale faisant de lui un quatrième bureau minier. * Ingénieur général des mines honoraire, Ancien Directeur général du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières). ** Coframines. LA FRANCE ET LES MINES D’OUTREMER RÉALITÉS INDUSTRIELLES • AOÛT 2008 8 LES GRANDES OPÉRATIONS MINIÈRES AFRICAINES Dans le courant des années cinquante, plusieurs grands projets à la mesure des ambitions retrouvées ont émer- gé, et les tractations pour constituer des opérateurs, garantir des débouchés, rassembler des financements, concevoir l’exploitation… se sont engagées, en concer- tation avec les pouvoirs publics. Dans l’ensemble, par comparaison aux années noires, ces tentatives consti- tuaient un pari et une résurrection. La France, décidée à la croissance, solidaire avec l’Afrique et avec d’autres zones géographiques sous son influence, relevait le défi du continent américain, de l’Australie et de l’Afrique du Sud. Les gisements les plus importants étaient ceux de minerais de fer (en Mauritanie, en Guinée et au Gabon), de bauxite (en Guinée), de cuivre (en Mauritanie), de phosphate (au Sénégal et au Togo), de manganèse (au Gabon), de potasse (au Congo). Des acteurs français privés (comme la banque Rothschild, Paribas, Mokta…) ou les Mines Domaniales des Potasses d’Alsace, société publique de statut privé, savaient se montrer entreprenants, mais, face aux ogres anglais et américains, ils avaient besoin de l’arbitrage de l’État, qui jouait de son poids pour fixer, si besoin était, des règles du jeu assurant l’équi- libre, et qui permettait de recourir à des financements comme ceux de la Banque Mondiale. Roland Pré, pré- sident du BUMIFOM, conservait le rôle de promoteur du développement économique qu’il avait antérieure- ment exercé, dans sa fonction de Gouverneur. Chaque opération eut ses caractéristiques propres : • la Miferma (Mines de fer de Mauritanie) réunissait quatre entreprises sidérurgiques européennes (anglaise, française, italienne et allemande) majoritaires, Cofimer (Paribas) et des sociétés du groupe Rothschild, le BUMIFOM faisant l’appoint (avec 27,15 %), et la Banque Mondiale accordant un prêt de 66 millions de dollars ; • dans Comilog (Compagnie Minière du Haut Ogooué, exploitant le manganèse du Gabon), la parité entre le sidérurgiste américain US Steel et l’ensemble des intérêts français (conduits par le BUMIFOM) avait été obtenue à la suite d’une intervention énergique du ministre de l’Outre-mer ; • le leadership de Taïba relevait de Paribas (et, pendant un court intermède de trois ans, de l’IMCC, dont le siège était en Floride) ; • de son côté, la Compagnie Togolaise des Mines du Bénin (CTMB), devenue par la suite l’Office Togolais des Phosphates (OTP), a été mise sur pied par un cer- tain nombre de sociétés phosphatières d’Afrique du Nord (l’Office Chérifien des Phosphates excepté)(le leadership relevait de Paribas) ; • la Compagnie des Potasses du Congo (CPC) était conduite par les Mines Domaniales des Potasses d’Alsace (MDPA) ; • Enfin, la Somima (cuivre d’Akjoujt) était dirigée par l’Anglo American. Plusieurs de ces opérations constituaient de véritables exploits techniques : voie ferrée au milieu des dunes (pour la Miferma), téléphérique le plus long du monde raccordé au chemin de fer acrobatique Congo-Océan (pour Comilog), creusement d’un puits de mine tra- versant un aquifère, par congélation (en milieu tropi- cal !) (pour CPC). [Pour une présentation synthétique des entreprises Miferma, Comilog, Taiba et CTMB, voir les annexes]. LA DÉCOLONISATION La décolonisation, survenue au cours de la préparation de ces opérations, n’a pas affaibli la volonté des diri- geants français, qui désiraient léguer aux pays nouvelle- ment indépendants des réalisations industrielles qui contribueraient à leur viabilité et consolideraient leurs liens économiques avec l’ancienne métropole. Mais il fallut alors décider du devenir des directions des mines et de la géologie : celle de Tananarive a été remi- se aux Malgaches ; celle de Hanoi a été reprise par les autorités du Viêt-Minh (les uns et les autres ont conser- vé religieusement la documentation léguée par les Français !). En AEF , les quatre nouveaux Etats étaient opposés au maintien de toute structure fédérale, mais Yvon Bourges, chargé de veiller à l’évolution de cette zone, réussit à persuader leurs gouvernements de créer un Institut Equatorial de Recherches Géologiques et Minières, qui poursuivit son activité pendant quelques années. Quant à l’AOF, la direction de Dakar disparut rapidement ; certains Etats créèrent ensuite de petits bureaux miniers, qui restèrent dotés de faibles ressources, pour la plupart. Quant aux quatre bureaux miniers dont les sièges étaient en France, il est apparu judicieux de constituer un organisme à large compétence permettant de regrouper les moyens techniques et de réduire les frais généraux. Ces quatre bureaux miniers ont donc fusion- né, en 1959, formant le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM). C’est finalement cet établissement qui a repris le rôle des directions de Dakar et de Brazzaville, sur finance- ments du FAC pour le compte des États, tandis que le FAC finançait directement les recherches du BRGM, en aval. Ce double rôle du Bureau n’a d’ailleurs pas été sans créer quelques problèmes d’image ; mais il per- mettait d’assurer le sauvetage des équipes et de l’expé- rience acquise. Cette vaste opération de regroupement, difficile sur le plan humain et logistique, a pu être menée à bien grâce à la coopération des différentes autorités de tutelle de l’établissement, à la patience et la diplomatie des diffé- rents responsables, et au dévouement du personnel géo- logue. Si les activités minières occupaient dans la gestion du BRGM une place prépondérante, confirmée par la nomination à sa présidence (après le départ de Roland Pré) de personnalités issues du monde minier et par une cotutelle du Ministère de la Coopération, l’orga- nisme a hérité du BRGGM une vocation scientifique qui s’est affirmée avec la décision de constituer le centre scientifique et technique d’Orléans. Les moyens des laboratoires, les fortes compétences en matière de gîto- logie et les pilotes de minéralurgie ont contribué à adosser la partie minière de l’établissement à des moyens techniques de pointe. Le regroupement des moyens de l’État dans le domai- ne géologique et minier patiemment poursuivi par la Direction des mines s’achevait, en 1968, avec leur rat- tachement au BRGM, après de difficiles et délicates négociations avec les milieux géologiques universitaires du Service de la Carte Géologique (resté depuis sa créa- tion, en 1868, sous l’autorité de cette Direction). LES RÉSULTATS MINIERS ET LA POSITION DU BRGM DANS LES ANNÉES 1960 Deux opérations ont brillamment réussi : Miferma (démarrée en 1963), et Comilog (démarrée en 1962) ; Taïba a connu de sérieuses difficultés mais elle les a sur- montées, grâce à la ténacité de Cofimer (groupe Paribas) et à l’équipe qui l’a reprise en main ; les diffi- cultés géologiques et techniques ont eu raison de la CPC (1) et de uploads/Geographie/ bourrelier.pdf

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