Le prestige du Grand Khan Un récit de voyage écrit aux alentours de 1356, au tr
Le prestige du Grand Khan Un récit de voyage écrit aux alentours de 1356, au très grand succès : près de 250 manuscrits existent auj. De nombreuses zones d'ombre pourtant sur son auteur, Jean de Mandeville, dont on ne connaît guère que ce qu'il dit lui-même de lui, et qui plus est est parfois très douteux. Il se présente comme un chevalier anglais né à Saint-Albans (nord de Londres), parti en Orient en 1322, pèlerin en Terre Sainte d'abord, ayant traversé la Turquie, l'Arménie, la Syrie, puis « soudoier » (mercenaire) au service du sultan d’Égypte, puis du grand Khan, ayant voyagé par l’Éthiopie, la Libye, la Perse, la Caldée, l'Amazone pour rejoindre les Indes, la mineure, la moyenne et la grande où il but l'eau de la fontaine de jouvence… Dans diverses dédicaces de manuscrits du Livre des merveilles de la fin du XIV siècle, il dit avoir été médecin et savant une fois ses voyages finis, et les humanistes en feront un des leurs au XVIe, érudit voyageur parcourant le monde. Mais en 1866 est redécouvert un extrait du quatrième livre du Myreur des Histoires de Jean d'Outremeuse qui fait de Jean de Mandeville un français, nommé en réalité Jean de Bourgogne, ou Jean à la Barbe. L'écrivain Jean de Mandeville, un nom de plume, un auteur aussi fictionnel que ses récits ? En tous cas Jean de Mandeville apparaît être soit un pèlerin-mercenaire « rentré en occident achever en chambre les voyages dont il avait probablement rêvé sans pouvoir les faire. », soit une identité fictive, nom de plume d'un auteur probablement français. Une très brève contextualisation historique : • En 1356, Jérusalem est perdue depuis plus d'un siècle, aux mains des Mamelouks d'Egypte. En Hongrie le menace mongole s'éloigne alors que la Horde d'or est en train de se disloquer. Les Mongols deviennent de nouveau objets de fantasmes. Problématique ; Comment Jean de Mandeville parvient-il à concilier volonté d'instruire et de représenter de manière cohérente l'histoire Tartares sur les choses du monde tout en délivrant un récit divertissant pour un public latin ? I. Une géographie historique et fictionnelle à la fois i. Le savoir comme parole rapportée ii. Un savoir romancé iii. Les merveilles de l'Inde II. Gengis Khan en Moïse : le rêve d'un monde chrétien i. Une histoire du monde ii. La Tartarie, Sinaï de l'Asie iii. Le rêve d'un monde chrétien Bibliographie : C. Deluz, Le Livre de Jehan de Mandeville : une géographie au XIVe siècle, Louvain-La-Neuve, Belgique : Institut d'études médiévales de l'Université catholique de Louvain, 1988. P. Hamélius, Mandevilles travels, London. Kegan Paul, Trench, Trübner for the Early English Text Society, 1919-1923. Thomas Tanase, « Exotisme, merveilles et mission dans les récits des Frères mendiants (XIIIe-XIVe siècles) », Hypothèses 2008/1 (11), p. 37-46. I. Une géographie historique, un roman fantastique i. Le savoir comme parole rapportée • Les traités de géographie ou d'histoire naturelle au Moyen-âge obéissent au même régime scientifique que la philosophie, la théologie etc. : une géographie qui se construit par la reprise et la révision du savoir des Anciens. Ptolémée pour les grecs et Pline l'Ancien pour les latins sont les références majeures, reprises sans critiques ni révision. Jean de Mandeville est un parangon de cette activité de compilation : la source de ses informations historiques comme des épisodes merveilleux qu'il y insère est Hayton, roi d'Arménie, auteur d'un ouvrage appelé Fleur des Histoires de la Terre d'Orient, que son neveu Hayton fera circuler en Occident latin : ►Il y prend la liste des lignages tartares (l. 22-23) tout comme la légende du chevalier blanc (l. 25-30) • Dans l'ensemble de l'ouvrage, Jean de Mandeville, dont on a vu en introduction qu'il ne s'était probablement jamais rendu en Asie, puise dans Pline l'Ancien, Ptolémée, mais aussi dans les relations des missions de deux franciscains en Mongolie, Jean du Plan Carpin, et Ordéric de Pordenone, via un ouvrage appelé Speculum Historiale, compilation d'écrits par Vincent de Beauvais. ►Il y prend la description de la descendance de Changuys (l. 51-60) et il y lit l'exposé de l'Ysachan (code de lois dit Yassa), l. 31-39. Jean du Plan Carpin, Relation du Voyage en Tartarie Jean de Mandeville, Livre des Merveilles « De là il revint en son pays, où il fit de bonnes lois et ordonnances que les Tartares gardent encore aujourd'hui inviolablement ; et deux entr'autres sont à remarquer ; l'une, que quiconque par vanité et ambition se voudrait faire empereur de sa propre autorité, et non par élection des princes et seigneurs, fût mis à mort sans rémission : car devant l'élection de Cingis, un de ses neveux qui avait voulu l'attenter, fut aussitôt puni de mort ; l'autre, qu'ils devaient subjuguer tous les peuples du monde, et ne faire jamais paix avec aucun qui ne se fût soumis à eux, jusqu'à ce que le temps fut venu de les exterminer. Il leur avait été prophétisé qu'ils devaient tuer tout, et ceux qui en pourraient échapper devaient, comme ils disent, observer cette loi-là même que tiennent ceux qui les ont vaincus. De plus, il ordonna que leurs armées « Il fit donc plusieurs statuts et ordonnances qu'il voulût que l'on appelât Ysachan. Le premier statut ordonne que tous croient en un Dieu immortel et tout-puissant et lui obéissent, qu'il veuille les délivrer de la servitude et qu'ils l'appellent toujours à leur aide en toutes leurs entreprises. L'autre statut ordonna de dénombrer tous les hommes du pays pouvant porter les armes et que l'on donnât à tous les groupes de dix un maître, à tous les groupes de cent, un maître, à tous les groupes de mille, un maître, à tous les groupes de dix-mille, un maîtres. Puis il ordonna à tous les grands des sept lignages de renoncer à tout ce qu'ils avaient comme héritage et de se contenter désormais de ce qu'il voudrait leur en rendre dans sa bonté et ils le firent aussitôt. Il demanda ensuite à tous ces grands de faire venir devant eux chacun son fils aîné et, fussent divisées par mille, cent, et dix hommes. (…) » sans délai, de couper chacun la tête de son enfant de ses propres mains. Cet ordre fût aussitôt exécuté. » →Ce qui a été ajouté, ce qui a été oublié, ce qui a été modifié de Jean du Plan Carpin : le projet de domination universelle, présenté par Mandeville comme une vague prophétie biblique (l. 15-16), omniprésent chez Jean du Plan Carpin. Ce dernier, mieux informé que Mandeville sur les croyances religieuses des Mongols, ne parle pas de l'affirmation d'un Dieu unique, présente dans le code de lois Yassa : en fait un panthéon hiérarchisé avec une divinité suprême. ii. Un savoir romancé • La liste des emprunts de Jean de Mandeville aux rare témoignages des voyageurs sur les Mongols permet de cerner que l'approche adoptée par l'auteur du « Livre des Merveilles » : divertir en même temps qu'édifier et instruire. ►l. 39-43. « Il demanda ensuite à tous ces grands de faire venir devant eux chacun son fils aîné et, sans délai, de couper chacun la tête de son enfant de ses propres mains. » →Le récit romancé, emprunté à Jean du Plan Carpin, de ce qui est probablement la révolte de Senggum, fils de Thogrül, un khan mongol, frère de sang (c'est-à-dire frère juré, ou anda) de Temüjin (Gengis). • Un récit au caractère fictionnel que l'on retrouve dans la présentation d'une séquence récurrente dans les chroniques historiques grecs et latines, celle du binôme peuple barbare/ roi législateur. La figure de Gengis Khan comme roi civilisateur est étrangère aux récits de missionnaires franciscains : ceux-ci dépeignent en effet le Grand Khan plutôt comme le chef guerrier brutal et ambitieux d'une armée de pasteurs, plutôt que comme souverain pieux et sage. Seul Marco Polo dans le Devisement du Monde fait de Cinguis un homme sage et prudent, et c'est peut-être à cette source que Mandeville est aller puiser.1 ►l. 19-21 « C'étaient des gens bestiaux qui ne savaient que garder le bétail et le mener au pâturage. » puis Gengis Khan en « vieux prud'homme » (l. 24.) • Un récit romancé mais qui se veut, et qui est jusqu'à un certain point, précis et exact : le but de Jean de Mandeville reste de transmettre un savoir, même s'il l'habille pour qu'il soit apprécié d'un public latin. ►l. 18-19. « Je veux vous dire en vérité que, il n'y a pas plus de cent-soixante ans, toute la Tartarie était soumise aux autres nations environnantes dont elle était tributaire. » ►l. 21-22 : « La première nation ou lignage s'appelle Tartar, ce sont les plus nobles et les plus estimés ; le deuxième lignage est appelé Tanghot, le troisième, Eurach, le quatrième Valair, le cinquième, Semoch, le sixième, Mengly et le septième, Cobooth. » 1 C. Deluz, Le Livre de Jehan de Mandeville : une géographie au XIVe siècle, Louvain-La-Neuve, Belgique : Institut d'études médiévales de l'Université catholique de Louvain, 1988 →Gengis uploads/Geographie/ changuys-et-ses-fils-corrige.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 02, 2023
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0688MB