Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 47 COURS d

Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 47 COURS de GÉOSTRATÉGIE – Licence 2 – Science politique CHAPITRE IV - GÉOSTRATÉGIE DE L'ESPACE Définir une stratégie spatiale c'est, avant tout, envisager un dialogue entre le sol et le ciel. Au sens littéral, c'est perpétuer une démarche religieuse qui, bien qu'apparemment étrangère aux mystères de la foi, ne s'affranchit pas pour autant de toutes ses représentations. Pour nos imaginaires, comme pour les charges utiles des satellites, l'Espace reste un haut lieu de projection. Ce qu'on est capable d'imaginer détermine l'horizon indépassable de nos constructions intellectuelles et de notre pensée. L'Espace ne se constitue en objet qu'à travers une relation avec le sol. Son utilisation se fonde d'ailleurs sur une logique d'intermédiation puisqu'on passe par l'Espace pour obtenir un effet au sol, qu'il s'agisse de communiquer, d'observer ou de naviguer. Mais, si toute réflexion sur le thème admet que l'objet « Espace » n'existe que dans le cadre d'une relation qu'il entretient avec un autre objet, le « sol », alors la nature de cette relation sera, tout naturellement, déterminante. Or, elle semble se construire autour d'une projection massive de représentations. C'est la projection imaginaire qui précède, ici, toute appropriation intellectuelle. Comment des représentations religieuses ou cosmogoniques s'infléchissent pour devenir des représentations géopolitiques, et comment ces dernières peuvent, progressivement, dépasser un seuil critique d'intensité au point de devenir les éléments structurant d'un système stratégique ? Ces évolutions illustrent une volonté de s'approprier une nouvelle dimension, l'apogée de la démarche étant l'élaboration d'une pensée stratégique construite comme un système. Il s'agit de mesurer l'impact d'un imaginaire sur l'avènement d'une géostratégie particulière, de savoir si on peut admettre le premier comme un déterminant structurel de la seconde. D'un point de vue méthodologique, il apparaît que l'analyse géopolitique classique prête généralement le flanc au déterminisme, notamment géographique et historique, mais ce savoir se propose aussi d'intégrer l'étude des représentations, qu'elles procèdent de l'environnement physique, du passé, de la « culture », ou bien qu'elles atteignent une intensité propre à influer sur la perception du réel, à le « fabriquer ». Le champ de l'analyse est presque écartelé entre considérations profondes sur les facteurs les plus statiques de la puissance et attention accordée à ses facteurs les plus mouvants, les plus insaisissables. Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 48 COURS de GÉOSTRATÉGIE – Licence 2 – Science politique Établissement d'une dialectique entre la volonté du sol, humaine, et la volonté représentée du ciel Que le ciel décide s'accompagne ici-bas d'une angoisse avec laquelle il nous fallait bien vivre. La dialectique des volontés a longtemps été inexistante, puisque l'état d'avancement de notre stratégie génétique n'a que très récemment permis de répondre à ses exigences. Il se peut donc fort bien que nous nous soyons d'abord bornés à faire « mine de rien ». Mais, cette indifférence feinte est à entendre comme une prémisse d'une démarche stratégique à venir. Du ciel il fut décidé le déluge, mais, depuis le ciel, nous étudions désormais inondations et catastrophes climatiques en tous genres. On dit « gestion des risques majeurs » ou « sécurité environnementale » parce que baptiser l'initiative GMES (Global Monitoring for Environment and Security) initiative « Arc en ciel » ferait sans doute moins sérieux. Il n'empêche que nous envisageons de mettre en place un ersatz d'un signe de bienveillance céleste, ce que les projets NOAH et PACTES signalent encore jusque dans l'acronyme. Le changement global sera étudié à travers la chimie de l'atmosphère, la modélisation globale du réchauffement et le niveau des eaux. Différents phénomènes géophysiques seront scrutés. Des gens travailleront à diffuser rapidement et largement ces informations. Déjà, tous les jours, les nombreux satellites météorologiques renseignent sur les décisions du ciel, les étudient. Tous les jours, rapport est fait aux hommes, pour peu qu'ils disposent d'une radio ou d'un téléviseur. Le principe est le même : consulter le ciel avant d'agir, accepter qu'il ait prise sur le cours des choses ici-bas, comme pour faire écho aux anciennes pratiques. À force, la Terre se prive, toujours un peu plus, de l'ignorance et quitte le strict champ de l'imaginaire ou de la représentation religieuse. Par l'Espace, on connaît les zones à risques et celles où il faut intervenir. On se pose de nouvelles questions d'aménagement du territoire. Occupé, l'Espace devient cet intermédiaire par lequel transite notre désir de posséder le sol, de le mesurer, de le faire se livrer jusque dans ses recoins. Explorer le ciel sert d'abord à explorer la Terre. L'invisible même ne nous échappe plus. Capteurs infrarouges et radars nous le livrent, et l'interférométrie nous fait pénétrer un nouveau réel. La télédétection substitue une image à ce qui ne pouvait être qu'imaginé. En nous rendant capable d'une perception globale, nous avons rendu notre monde concret. La démarche géographique est, en elle-même, un projet de conquête, une tentative d'accaparement. Par elle, nous devenons auteurs et détenteurs du territoire. Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 49 COURS de GÉOSTRATÉGIE – Licence 2 – Science politique Or, l'exploration exhaustive de la planète résulte aujourd'hui des moyens d'observation spatiaux. Nous sommes, au sens strict, des lecteurs quotidiens d'images du monde. Tritélescope à dispositif panchromatique, télescope multispectral et radar à ouverture synthétique ont remplacé Dürer. C'est l'apogée de la « géographie mathématique » que les astronomes du XVIe siècle ont tant améliorée. Finesse et précision de l'image, devenue carte, ne neutralisent pas pour autant la charge de représentations qu'elle contient. Miroir de représentations qui sous-tendent une rivalité de pouvoir dont l'objet est, et demeure, le territoire. La première « guerre spatiale » s'inscrit d'ailleurs si profondément dans le sol qu'elle est aussi une « guerre du pétrole ». Ce que l'on cartographie, on commence déjà à se l'approprier, et, depuis l'espace, tout peut être cartographie : les montagnes, les mers, les forêts, les frontières, les ressources naturelles, les populations, les vents et les variations magnétiques. L'Histoire, même, puisque la carte de la Palestine a d'abord servi à illustrer ses variations sur le thème de la sainteté. Pour Jean de Beins, pas de défense sans représentation cartographique. Pour les appareils de forces modernes, ni prévention ni projection sans ROIM. Représentations et stratégie sont liées. Ce sont les militaires qui, les premiers, examinent la Terre depuis la haute altitude pour « occuper le terrain». Le détenteur des représentations exerce le pouvoir. Hors atmosphère, la nouvelle frontière stratégique le dote de performances que sa nature ne permettait pas. Parce que l'utilisation de l'espace se mue en occupation dès lors qu'elle affranchit le sol de la volonté directe du Ciel, on flirte avec l'identification à l'archétype. Paragraphe I- Vers l'établissement d'une géostratégie de l’espace En tant que lieu privilégié de projection, le ciel, qu'il se décline en « au-delà » ou en espace extra-atmosphérique, fait l'objet de constantes tentatives de géographisation. Il est insuffisant d'affirmer que l'utilisation de l'Espace permet une appropriation des représentations du sol, comme nous l'avons vu précédemment, car à cette appropriation succède une projection. Déjà, dans nos propres registres culturels, le paradis est un jardin verdoyant traversé par des fleuves, ou bien c'est une ville. Induits par l'étymologie, les murs qui le ceignent supposent une finitude. Il est appréhendé sur un mode géographique, comme une projection du bassin méditerranéen ou du contexte proche-oriental. Longtemps, on le cherchera comme un lieu véritable, illustration par l'exemple de la puissance des représentations qu'il mobilise. Pr AKONO ATANGANE Eustache, Enseignant à l’Université Yaoundé II‐Soa 50 COURS de GÉOSTRATÉGIE – Licence 2 – Science politique Aujourd'hui, Mars Global Surveyor, Rosetta, Voyager, Galileo, Cassini-Huygens nous font explorer l'espace. Cette étape peut admettre à sa suite une logique de conquête, de colonisation, dont le terme reste conditionné par la découverte de ressources. Mais, déjà, l'exploitation économique de l'Espace, déclinée jusque sur le thème du tourisme, a commencé comme une réponse particulière aux intuitions de Thomas O. Paine sur la projection de l'homme dans la galaxie. De la station russe Mir au projet Mini-Station 1, nous assistons à une nouvelle projection en forme de réduction. Comme sur Terre, il n'y a plus de voyage, mais seulement du tourisme. Le ciel est une ambition que l'on poursuit d'abord en se l'imaginant, ensuite en y introduisant ses propres représentations, enfin en le rendant objet d'étude et lieu d'occupation. Incontestablement, une telle ascension nécessite un peu de préparation. Admettons que le projet politique existe pour nous pencher sur la stratégie générale et ses déclinaisons. D'abord, l'homme inventa le cosmos, permettant l'observation rationnelle. Et déjà il était à l'image de ses Cités, projection géocentrique ordonnée. L'inventaire et la cartographie du ciel vinrent, qui signalèrent les constellations avant que l'homme n'injecte les siennes en orbite sans jamais vraiment quitter le registre sémantique des légendes. La dynamique d'accaparement que nous avons déjà signalée accouche d'une logique d'occupation à défaut d'une véritable conquête. Les projections géographiques se muent en authentique géographisation, comme si leur intensité était suffisante pour fabriquer du réel, c'est-à-dire rendre abordable et exploitable un nouveau pan de réalité. À travers un lien étroit avec uploads/Geographie/ chapitre-iv-2.pdf

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