76 - Décembre 2004 - Timbres magazine Anneau solitaire flottant au milieu du Pa
76 - Décembre 2004 - Timbres magazine Anneau solitaire flottant au milieu du Pacifique nord-oriental, atoll inaccessible ceinturé de brisants, Clipperton n’avait aucune raison d’entrer dans l’histoire. Et pourtant… Le promontoire basaltique de Clipperton (29 mètres) entouré de la barrière de corail. C lipperton ? 10°18 nord, 109°13 ouest. A 1 200 km de la côte mexicaine, à 2 600 km d’Hawaï, à plus de 5 000 km de Tahiti. Un atoll corallien culminant à 29 m, troué d’un lagon de 7 km2 pour 2 km2 de terre émergée. Un îlot battu par des houles contraires, au ciel vibrant de mil- liers d’oiseaux, au sol grouillant de crabes orange et dont la végétation se résume à quelques bosquets de cocotiers. Clipperton, poussière de terre proba- blement aperçue par l’illustre Magellan à l’aube de l’année 1521, escale éphé- mère pour John Clipperton, mutin débarqué en 1704 par le grand flibus- tier anglais William Dampier. Clipperton ! Contrée convoitée, île oubliée, inhabitée. Clipperton, finalement, possession française, administrée actuellement par le haut commissaire de la Polynésie française. Oui, Clipperton a bien une histoire, qui plus est, mouvementée. ILES DE LA FRANCE D’OUTRE-MER Clipperton minuscule terre d’aventure Rendez-vous Du guano sûrement, de vrais timbres non ! C’est sous le règne de Louis XV que l’on assiste a une très forte expansion du commerce maritime français. Les négociants favorisent des expéditions jusque dans l’océan Pacifique, à l’ori- gine de la « nouvelle découverte » de cette île. Le 23 mars 1708 part de Brest une formation de quatre navires com- posée de la Princesse, l’Aurore, la Diligente, et la Découverte. Ces bateaux, armés à Dunkerque et au Havre, prennent la direction de Madère et La Plata pour ensuite passer le cap Horn. S’en suit une longue période de cabo- tage le long des côtes du Chili. Les bateaux finissent par se séparer et la Princesse et la Découverte partent le 8 mars 1711 pour la Chine. Sur leur route, les navires croisent Clipperton le 3 avril. Nous sommes un vendredi Saint et Dubocage, le commandant de la Découverte la nomme Ile de la pas- sion. Cette île inhabitée ne se laisse pas facilement prendre – comme cela reste © DR toujours le cas aujourd’hui – et l’état de la mer ne leur permet pas de l’aborder. Pour autant, Dubocage consigne dans son journal de bord une description, signalant l’existence d’un lac intérieur. Les bateaux font ensuite l’escale tradi- tionnelle à Guam, la plus grande des actuelles îles Marianne. Pendant près de 150 ans l’Ile de la passion ne reverra pas de Français. Les Américains pro- fitent de notre indifférence et du Guano islands act de 1856 pour s’en emparer. Celui-ci permet tout bonne- ment aux citoyens américains de prendre possession d’îles contenant du guano, ce précieux engrais agricole. La loi précise que les îles ne doivent pas être occupées et ne pas dépendre d’un pays. Les Américains sont donc fondés à prendre possession de la belle oubliée de cette lointaine France. Diverses sociétés américaines et mexicaines vont alors se disputer l’exploitation : l’Ame- rican Guano Mining Company et l’Oceanic Phosphate. Paris devant tant d’agitation et sur la pression de l’arma- teur havrais Lockhardt se décide enfin à s’intéresser à Clipperton. Ce dernier en échange d’une concession d’exploi- tation envoie un de ses bâtiments. A bord se trouvait le lieutenant de vais- seau Le Coat de Kerveguen, en qualité de commissaire du gouvernement lui donnant l’autorité juridique pour prendre possession de l’île au nom de la France. Le 17 novembre 1858, l’affaire est réglée, Clipperton est officiellement française ! On peut lire dans un manuel d’histoire et de géographie de l’époque : « Signalons enfin l’îlot de Clipperton, situé à l’extrémité de l’Océanie, non loin des côtes du Mexique, au sud des îles Revillagédo, par 10° 17’ de latitude nord et 111° 27’ de longitude occidentale de Paris. Ce n’est qu’un attolon rocheux, sans étendue, mais qui peut devenir un point Sur cette belle carte du siècle dernier, une vision assez généreuse de la taille de l’île de Clipperton. En médaillon, un fort joli timbre mais faux ! Les apparences d’une île paradisiaque, mais c’est sans compter sur les tempêtes régulières et une importante barrière de corail qui a causé la perte de Ramón Arnaud et ses hommes. dollar, destinée à payer l’acheminement des lettres entre San Francisco et Clipperton. L’affaire fait immédiate- ment grand bruit dans les milieux phi- latéliques aux Etats-Unis mais égale- ment en Europe. Le catalogue américain Scott réagit immédiatement criant à la supercherie. Les timbres sont aussitôt référencés comme des faux. Le cata- logue Maury ne dit pas autre chose mais avec plus d’humour : « On signale une série de dix timbres, du 1 mise en place d’un service postal entre l’île et l’Amérique. Plus d’une centaine d’hommes employés par l’Oceanic Phosphate travaillent à Clipperton et quoi de plus normal que de penser à la question du courrier. Des négociations auraient été engagées avec la poste amé- ricaine, c’est en tout cas ce que raconte le San Francisco Call, qui va même plus loin et dit en substance que la société a émis en anticipation de cet accord une série de 10 timbres-poste de 1 cent à 1 à Clipperton © DR ● ● ● de relâche pour les navires et acquérir l’importance pour nous lorsque l’ouverture du canal de Panama aura développé la navigation dans ces parages ». De guano, il n’en est pas question dans l’ouvrage, mais les pays proches de Clipperton y pensent fortement et oublient que l’île est française ! Le Mexique établit un camp militaire en 1897, tandis que les Américains comptent toujours exploiter le guano. C’est dans cet imbroglio poli- tique et économique que vient se rajou- ter une étrange affaire de timbres. Le 24 juillet 1895, le journal San Francisco Call évoque les efforts entrepris pour la ILES DE LA FRANCE D’OUTRE-MER 78 - Décembre 2004 - Timbres magazine cent au 1 dollar, venant de San Francisco et portant dans le centre le plan d’une île avec le millésime 1895 ; autour l’inscription CLIPPERTON ISLAND POSTAGE ; aux angles supérieurs deux oiseaux les ailes étendues et aux inférieurs deux langoustes ; entre ces dernières le chiffre de valeur. Imprimés en couleur sur blanc et cadre variant pour chaque valeur. Nous croyons que ces timbres valent juste autant que ceux de la princi- pauté de Trinidad ou des ports chinois ». La réponse de la société d’exploitation de guano ne se fait pas attendre. Par une lettre l’Oceanic Phosphate, qui dément ensuite catégoriquement ces propos. Selon lui, la société a bien vendu les fameux timbres et précise qu’ils étaient achetés à la valeur faciale pour les neufs et qu’un nombre limité d’oblitérés a été négocié avec une remise de 25 % ! Une réalité aujourd’hui : ils sont dans les mains des collectionneurs et même très recher- chés alors qu’ils sont faux ! Nul doute que cette histoire aurait fait plaisir au mutin du flibustier Dampier qui donna son nom à l’île et dont la légende raconte qu’il y aurait déposé un trésor... non philatélique bien sûr. En 1897, le bâtiment français Duguay- Trouin constate la présence de ces intrus à qui le gouvernement français demande de quitter les lieux immédiatement. Les Américains obtempèrent, mais les Mexicains s’incrustent. Pour s’assurer l’hégémonie de l’île, ces derniers y envoient même une garnison. Et voici ● ● ● Voici d’authentiques faux mais tout sauf désagréables à regarder. Au total dix valeurs ont été émises comportant cinq types comme le décrit l’ouvrage de Georges Chapier : 1 - Ile au centre, millésime 1895, aigles aux angles supérieurs, homards aux angles inférieurs. 2 - Ile au centre, millésime 1895, aigle au-dessus. 3 - Idem, homards en bas, banderole tout autour du dessin central. 4 - Idem, cercle autour du dessin central, chiffres dans les angles supérieurs, écrevisses dans les angles inférieurs. 5 - Idem, aigle à gauche, homard à droite. Chiffre 1 à chacun des angles inférieurs. Un bateau naufragé, témoin d’une mer qui de nombreuses fois a dissuadé nombre de navigateurs d’y accoster, à commencer par Dubocage en 1711. S’en suit la description des 10 valeurs « émises » : 1895 : Timbres-poste. Piqués 11 ½ légende « Clipperton Island Postage ». 1 - 1 cent brun (I) 2 - 2 vert (I) 3 - 3 rouge - (I) 4 - 4 rose (II) 5 - 5 bistre (II) 6 - 8 vert foncé (II) 7 - 10 orange (III) 8 - 25 bleu foncé (IV) 9 - 50 lilas (IV) 1895 : Timbres pour exprès. Piqués 11 ½ légende : « Clipperton Island Express Postage » 10 - 1 Peso bleu-noir (V). Une série qui défraya la chronique philatélique En juillet 2003 nous publions l’étonnant parcours d’une lettre adressée à Clipperton par M. Honish, un lecteur de Timbres magazine. Ce dernier s’est amusé à envoyer une lettre en mentionnant le code postal 98799 correspondant à celui de l’atoll et un destinataire imaginaire. Le pli a été remis uploads/Geographie/ clipperton-histoire-postale.pdf
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- Publié le Nov 23, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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