1 COM1123 l Retranscription de la conversation avec Louise Oligne et Clémentine

1 COM1123 l Retranscription de la conversation avec Louise Oligne et Clémentine de Pontavice l Octobre 2019 K=Karoline L=Louise C=Clémentine E=Étudiant.e 00:00 K - ... vont poser leurs questions et on est très très heureux et heureuses que vous soyez avec nous ce soir, pour vous, et cet après-midi, pour nous. Alors là, je tourne l'écran... est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut partir le bal? 00:29 L - Bon alors, plaignez-vous pas parce qu'on a lu vos questions et les questions étaient très intéres- santes. Vraiment, soyez pas timides. 00:36 E - Moi et mes deux collègues, on avait à peu près la même question. Puis la question c'était: c'était quoi l'approche que vous avez utilisée afin de rendre les femmes à l'aise durant les sessions de photo? Comment vous vous êtes pris[es] pour... 00:52 L - Ben déjà, il y a du travail avant que les femmes soient prises en photo. Elles sont ac- cueillies par Clémentine qui avant avait une entreprise de bijoux, donc elle a fait faire un bijou. Donc déjà, il y a quand même trois par- ties, ça doit prendre une heure, le temps qu'elle fasse les bijoux... Clémentine a une relation assez personnelle avec elles. Et ensuite, moi je les maquille. Donc le fait de les maquiller fait aussi qu'il y a une relation plus personnelle et en tous cas, il aurait peut-être fallu vous faire une photo... on est dans une salle et il y a des poutres, et sur les poutres j'ai mis un grand tissus et là, le coin de photos, ce qui fait qu'elles sont aussi un peu isolées du reste du groupe. Donc, on a encore une relation un petit peu plus personnelle. Donc, c'est en fait en créant le premier lien que vraiment... c'est de créer avec elle... un autre lien via le maquillage. Ce qui fait qu'après, l'appareil photo, ça leur fait moins peur. 2 01:53 C - Aussi quand on les accueille ces femmes- là, on est extrêmement, toutes les deux, très bienveillantes. À la fois, j'ai envie de dire, dans notre manière d'être et aussi dans nos mots. Donc on leur dit par exemple, qu'ici c'est un atelier où elles dessinent, où c'est elles qui décident. C'est des femmes qui ont des par- cours très difficiles et qui n'ont pas l'habitude de choisir de décider pour elles. Donc, là on leur dit vraiment que c'est un moment pour elles. Et on les accompagne vraiment dans ce sens-là. Donc, je pense qu'elles se sentent assez rapidement en confiance. Elles voient qu'ici, on n'est pas là pour les juger. On est vraiment là pour les aider à passer un bon moment. Et donc, très vite, elles se laissent aller et ensuite, avec les bijoux, après Louise les maquillait à la photo, elles y arrivent... Après, pour certaines femmes, c'est pas simple, mais on arrive quand même toujours à trouver, même ne serait ce par une main sur l'épaule, enfin... c'est des petites choses, en faite, infimes, qui leur permettent de se dé- tendre, d'être bien et en confiance. 3 02:59 L - Et c'est aussi de trouver le lien entre la présentation, ce qui est là mon travail quand je les prends en photo; c'est d'essayer de trouver la différence entre la représentation qu'elles ont d'elles-mêmes et la réalité. Donc, il y en a par exemple, c'est les plus jeunes qui vont jouer au mannequin parce qu'elles ont vu les photos de mode. Donc, ça c'est toujours assez facile... je leur dis: bon allez-y, donc elles se mettent à poser. Mais entre les poses, il y a toujours un moment donné où là, il va y avoir un vrai fou rire et là, je dis: «Mais voilà! Moi c'est ça que j'veux!» et là, il y a des liens qui peuvent se créer, tu vois. Donc, c'est de passer le côté... ou si sont trop figées, leur dire: «Ben respirez, continuez à vivre, de parler, de faire...». En général, je leur... là, c'est une technique pour les photos: je mets un ISO qui est très élevé parce que j'essaie d'être dans une vitesse très élevée pour que je puisse faire des photos quand, à la limite, elles sont entre deux mouvements. Parce que, quand elles reçoivent les photos ou qu'elles se redessinent, il faut que tout à coup, la photo leur parle. Donc, il faut pas que ce soit une photo qui soit la représentation qu'elles ont d'elles-même parce que c'est pas toujours une belle représentation. Il faut que tout à coup, elles-mêmes soient surprises par la photo. Et puis, faut les faire déborder. C'est-à-dire que si... je pense à certaines jeunes qui font les poses de mannequins; elles ne sont pas mannequins, donc elles vont être forcément déçues si je leur donne une photo où elles sont en train de mimer ou elles sont en train de faire un rôle qui n'est pas elle. Donc, c'est aussi les ramener dans une réalité et puis leur montrer qu'elles sont très très belles dans leur réalité. 04:38 C - Oui, pour ce qu'elles sont. Et pas parce qu'elles font la mannequin. C'est ça qu'on a envie; de les aider à [?] d'elles-mêmes. 4 04:46 L - Et c'est vrai aussi beaucoup parce qu'il y a, de ce temps-ci en plus, des jeunes femmes qui sont visiblement des femmes qui sont victimes des réseaux de prostitution. Donc, on les a emmenées de leur pays, je sais pas sous quel prétexte mais qui sont, en fait, des esclaves. Et donc elles, c'est très bien le cas, parce que de ce temps-ci je remarque que, toujours quand on se promène dans cette situation... peut-être sur le bord du trottoir et que c'est pas de ça que nous on parle avec elles. Donc là, il y a quand même tout un détour à prendre pour arriver à les rephotographier comme des p'tites filles qu'elles sont. Et ça, c'est délicat de ce temps- ci. Je pense à deux ou trois qui systématique- ment vont se mettre en scène de façon très sexuée, sexualisée... [rires] Alors voilà, c'est le genre de truc qui fait qu'on rend une femme à l'aise. Donc, c'est de [les] ramener à leur réali- té, à leur essence; de ne plus être dans leur défense. 06:11 E - Ok, ben merci beaucoup! 06:13 K - Est-ce que t'aimerais réagir? Est-ce que t'aimerais dire quelque chose par rapport à ce que tu as entendu? 06:18 E - Euh... non ça répond vraiment à ce que je pensais en fait, mais plus détaillé aussi. 06:24 K - Parfait, merci. Une autre question? Oui Soupa. 5 06:29 S - Oui bonjour... [problèmes techniques] Alors oui, vous avez déjà répondu un petit peu, ou du moins, vous avez glissé quelques ré- ponses par rapport à ma prochaine question. Mais ça va peut-être vous permettre davan- tage... je dirais de compléter. Alors la voici, elle peut être un petit peu complexe je vous dirais... j'ai l'impression que c'est plusieurs questions dans une question. Alors, lorsque vous les prenez en photo, avez-vous un thème ou un cadre prédéfini en ce qui concerne l'état d'es- prit de la pose ou le message d'expression que vous voudriez voir ou faire ressortir? Ou bien, vous procédez selon votre ressenti du moment, ce que votre sujet vous inspire? 07:37 L - C'est vraiment une relation... c'est comme si à chaque fois c'est un sprint. J'ai pas beaucoup de temps et pour que rapidement je me con- necte sur elles... pis j'ai pas le droit à l'erreur parce que c'est souvent des femmes qui vivent des choses très difficiles, donc c'est quand même important. Et donc, je dirais qu'il y a un cadre prédéfini qui est le cadre esthétique; c'est-à-dire qu'il y a à peu près toujours la même lumière et c'est sur fond noir. Et après quand j'ai eu la personne, c'est vraiment une façon de la capter, c'est vraiment quelque chose... je suis presque le chasseur, c'est la proie et j'ai pas beaucoup de temps pour es- sayer de capter ce que humainement je vois d'elle, ce que je veux mettre en avant. Donc, c'est vrai que ça dépend des personnes. Si je vois une personne trop fragile, j'ai pas envie de montrer cette fragilité parce que je pense, ou peut-être que je me trompe, mais je pense que ça pourrait être trop dur pour elle. Il y a une histoire par exemple, dernièrement, qui m'a beaucoup frappée et d'ailleurs avec une dame qui n'est pas revenue. J'ai montré une photo et la photo que j'ai faite, sur la photo, elle était gaie... elle était détendue et gaie, et quand elle a vu la photo, elle s'est mise à pleu- rer. Et elle a dit, je suis incapable de voir cette photo parce qu'on dirait que je suis heureuse sur la photo. Et je suis incapable de me voir heureuse parce que je ne suis pas heureuse. Et je suis tellement malheureuse qu'il y ait une photo de uploads/Geographie/ com1123-transcription-skype-louise-cle-mentine.pdf

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