Université de Carthage/ Islt/ département de français / 2021-2022 Mastère 2 de

Université de Carthage/ Islt/ département de français / 2021-2022 Mastère 2 de littérature française et francophone moderne/ A. CHENIK : littérature et art : « le paysage en littérature » I) Le paysage romantique, morceau de bravoure1 Texte 1 : contemplation, méditation Rousseau « extrait de la seconde promenade » des Rêveries d’un promeneur solitaire.1782 « Le Jeudi 24 octobre1776, je suivis après dîner les boulevards jusqu’à la rue du chemin-Vert par laquelle je gagnai les hauteurs de Ménilmontant, et de là prenant les sentiers à travers les vignes et les prairies, je traversai jusqu’à Charonne le riant paysage qui sépare ces deux villages, puis je fis un détour pour revenir par les mêmes prairies en prenant un autre chemin. Je m’amusais à les parcourir avec ce plaisir et cet intérêt que m’ont toujours donné les sites agréables, et m’arrêtant quelquefois à fixer des plantes dans la verdure. J’en aperçus deux que je voyais assez rarement autour de Paris et que je trouvais très abondantes dans ce canton là.. L’une est le Picris hiéracoïdès, de la famille des composées, et l’autre est le buplerum falcatum, de celles des ombellifères. Cette découverte me réjouit, et m’amusa très longtemps et finit par celle d’une plante encore plus rare, surtout dans un pays élevé, savoir le cerastium aquaticum que, malgré l’accident qui m’arriva le même jour, j’ai retrouvé dans un livre que j’avais sur moi et placé dans mon herbier Enfin, après avoir parcouru en détail plusieurs autres plantes que je voyais encore en fleurs, et dont l’aspect et l’énumération qui m’était familière me donnaient néanmoins toujours du plaisir, je quittais peu à peu ces menues observations pour me livrer à l’impression non moins agréable mais plus touchante que faisait sur moi l’ensemble de tout cela. Depuis quelques jours on avait achevé les vendanges ; les promeneurs de la ville s’étaient déjà retirés ; les paysans aussi quittaient leurs champs jusqu’aux travaux d’hiver. La campagne encore verte et riante, mais défeuillée en partie et déjà presque déserte, offrait partout l’image de la solitude et des approches de l’hiver. Il résultait de son aspect un mélange d’impressions douce et triste, trop analogue à mon âge et à mon sort pour que je n’en fisse pas l’application. Je me voyais au déclin d’une vie innocente et infortunée, l’âme encore pleine de sentiments vivaces et l’esprit encore orné de quelques fleurs, mais déjà flétries par la tristesse et desséchées par les ennuis. Seul et délaissé, je sentais venir le froid des premières glaces et mon imagination tarissante ne peuplait plus ma solitude d’êtres formés selon mon cœur. Je me disais en soupirant : qu’ai-je fait ici bas ? J’étais fait pour vivre et je meurs sans avoir vécu. Au moins ce n’a pas été ma faute, et je porterais à l’auteur de mon être sinon l’offrande des bonnes 1 Passage écrit ou parlé particulièrement brillant destiné à attirer l'attention ou à susciter l'enthousiasme. 1 œuvres qu’on ne m’a pas laissé faire, du moins un tribu de bonnes intentions frustrées, de sentiments sains mais rendus sans effets et d’une patience à l’épreuve du mépris des hommes. Je m’attendrissais sur ces réflexions, je récapitulais les mouvements de mon âme dès ma jeunesse, et pendant mon âge mûr, et depuis que l’on m’a séquestré de la société des hommes, et durant la longue retraite dans laquelle je dois achever mes jours. Je revenais avec complaisance sur toutes les affections de mon cœur, sur ses attachements si tendres mais si aveugles, sur les idées moins tristes que consolantes dont mon esprit s’était nourri depuis quelques années, et je me préparais à les rappeler assez pour les décrire avec un plaisir presqu’égal à celui que j’avais pris à m’y livrer. Mon après midi se passa dans ces paisibles méditations, et au fort de ma rêverie, j’en fus tiré par l’événement qui me reste à raconter. » Texte 2 : Paysage et état d’âme : Lamartine « l’Automne », extrait des Méditations métaphysiques. 1820 « Salut ! Bois couronnés d’un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards ! Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire, J’aime à revoir encor, pour la dernière fois, Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois ! Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire, A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits, C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire Des lèvres que la mort va fermer pour jamais ! Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui, Je me retourne encore, et d’un regard d’envie Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui ! Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ; L’air est si parfumé ! La lumière est si pure ! Aux regards d’un mourant le soleil est si beau ! Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie Ce calice mêlé de nectar et de fiel ! Au fond de cette coupe où je buvais la vie, Peut-être restait-il une goutte de miel ? 2 Peut-être l’avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ? Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ? … La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ; A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ; Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu’elle expire, S’exhale comme un son triste et mélodieux. » Lamartine « L’automne », Méditations poétiques Texte 3 : l’exaltation lyrique du paysage naturel Michelet, « la tempête d’octobre 1859 » extrait de la Mer (1861) « Ce lieu du danger n’est point triste. Chaque matin, de ma fenêtre, je voyais en face les voiles blanches, légèrement rosées de l’aurore, d’une foule de vaisseaux de commerce qui attendent le vent pour sortir. La Gironde à cet endroit, n’a pas moins de trois lieues de large. Avec la solennité des grandes rivières d’Amérique, elle a la gaité de Bordeaux. Royan est un lieu de plaisir où l’on vient de tous ces pays de Gascogne.sa baie et celle de saint Georges sont gratuitement régalée du spectacle des jeux folâtres auxquels les marsouins se livrent dans la chasse aventureuse qu’ils viennent faire en plaine rivière et jusqu’au milieu des baigneurs. Ils bondissent et se jettent en l’air à cinq ou six pieds de l’eau. Il semble qu’ils sachent à merveille, que personne en ce pays ne se livre à la pêche qu’à ce lieu de grand combat, où il s’agit à chaque heure de diriger et sauver les vaisseaux, on ne songe guère à convoiter l’huile d’un marsouin. A cette gaité des eaux, joignez la belle et unique harmonie des deux rivages. Les riches vignes du Médoc regardent les moissons de la Saintonge, son agriculture variée. Le ciel n’a pas la beauté fixe, quelquefois monotone de la Méditerranée. Celui-ci est très changeant. Des eaux de mer et des eaux douces s’élèvent des nuages irisés qui projettent, sur le miroir d’où ils viennent, d’étranges couleurs, verts clairs, roses et violets. Des créations fantastiques, qu’on ne voit un moment que pour les regretter décorent de monuments bizarres, d’arcades hardies, de ponts sublimes, d’arcs de triomphe, la porte de l’Océan. Les deux plages, semi-circulaires, de Royan et de Saint-Georges, sur leur sable fin, donnent aux pieds les plus délicats la plus douce promenade qu’on prolonge sans se lasser dans la senteur des pins qui égayent la dune de leur verdure. Les beaux promontoires qui séparent ces plages, et les landes de l’intérieur, vous envoie même de loin, de salubres émanations. Celle qui domine aux dunes est quelque peu médicale, c’est l’odeur miellée des immortelles, où semble se concentrer tout le soleil et la chaleur des sables. Aux landes, fleurissent les amers, avec un charme pénétrant qui réveille le cerveau, ravive le cœur. C’est le thym et le serpolet, c’est la marjolaine amoureuse, c’est la sauge bénie de nos pères pour ses grandes vertus. La menthe poivrée, et surtout le petit œillet sauvage ont les parfums les plus fins des épices de l’Orient. Il me semblait que, sur ces landes, les oiseaux chantaient mieux qu’ailleurs. Jamais je ne trouvais une alouette comme celle que j’entendis en juillet sur le promontoire de Vallière elle 3 montait dans l’esprit des fleurs, montait dorée du soleil qui se couchait sur l’Océan. Sa voix qui venait de si haut (elle était peut-être à mille pieds), pour être tellement puissante, n’était pas moins modeste et douce. C’est au nid, à l’humble sillon, aux petits qui la regardaient, qu’elle adressait visiblement ce chant agreste et sublime ; on eût dit qu’elle interprétait en harmonie ce beau soleil, cette gloire où elle planait, sans orgueil, les encourageant, et en disant ! « Montez, mes petits. » De tout cela, chants et uploads/Geographie/ corpus-paysages-litteraires 1 .pdf

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