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TEXTE N° 16 CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE www.cdesoran.org 1 Régimes et crises de change : Examen de la vulnérabilité des économies émergentes à la contagion internationale1 MOHAMMED Z. ABDELOUAHAB E-mail : m.z.abdelouahab@gmail.com 1. Introduction La décennie précédente fut caractérisée par plusieurs crises financières affectant des économies qualifiées "d’émergentes" : Mexique (1994-95), Asie du sud-est (1997-98), Russie (1998), Brésil (1999), Turquie (2001) et Argentine (2001-02). Plus particulièrement, les crises de change par attaques spéculatives ont connu une fréquence d’occurrence importante durant ladite période. Une crise de change survient lorsque des attaques spéculatives sur une monnaie débouchent sur de brusques variations du taux de change, prenant forme d’une dévaluation dans un régime de change fixe, ou d’une dépréciation forte et subite dans un régime de change plus flexible (intermédiaire ou même flottant) ; ou obligent les autorités monétaires à défendre leur monnaie en dépensant d’importants volumes de réserves de change et/ou en augmentant fortement les taux d’intérêt (Aziz et alii [2000]). La littérature économique s’est beaucoup intéressée à l’explication des causes de déclenchement des crises de change par attaques spéculatives. D’innombrables travaux théoriques et/ou empiriques ont essayé d’expliquer les effets qu’exercent les différents types de régimes de change (fixes, intermédiaires ou flottants) sur la vulnérabilité des économies, notamment émergentes, aux crises de change (Krugman [1979], Obstfeld [1994], Kaminsky et Reinhart [1999], Williamson [2000], Fischer [2001], etc.). Cependant, cette littérature a tenté d’impliquer la typologie des régimes de change dans le déclenchement de crises seulement pour des pays considérés en isolation (Masson [1998]). En réalité, la problématique de fragilité des différents types de régimes de change a été considérée dans l’hypothèse implicite de déclenchement de crises sous l’effet de facteurs domestiques. Par ailleurs, les crises financières et de change des années 1990 dans les pays émergents ont été caractérisées par un fort potentiel de propagation internationale – phénomène dit de "contagion". Certes, beaucoup de travaux s’y sont intéressés (Eichengreen et alii [1996], Masson [1998,1999], Kaminsky et Reinhart [2000], Forbes et Rigobon [2001,2002], etc.). Toutefois, cette littérature n’a pas cerné le rôle de la typologie des régimes de change comme facteur impliquant la vulnérabilité à une crise de change éclatée ailleurs (ou par contagion). Dans cet état de l’art, présenter les régimes de change comme facteurs accroissant plus ou moins la vulnérabilité d’une économie (émergente) aux crises de change par contagion parait fort pertinent, et peut être considéré comme étant une extension de la réflexion autour de la fragilité des régimes de change et leur responsabilité dans le déclenchement des crises "domestiques". En fait, cette étude tente de répondre à la question suivante : Sous quels types de régimes de change, une économie émergente deviendrait-elle plus vulnérable à une crise de change déclenchée ailleurs (ou par contagion) ? 2 Le présent résumé est organisé comme suit. La deuxième section présente une revue sélective de la littérature sur l’impact des régimes de change sur les crises de change "domestiques", ainsi que des 1 Résumé non technique du Mémoire de Magistère en Sciences Économiques. Option : Économie Internationale 2 Le qualificatif "domestique" est utilisé pour désigner les crises de change déclenchées sous l’influence de facteurs domestiques, à l’inverse de celles causées comme conséquence de contagion. TEXTE N° 16 CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE www.cdesoran.org 2 théories de la contagion. Dans la troisième section, la variable "régime de change" est endogénéisée dans le processus de contagion dans la lumière des théories de la contagion financière. La quatrième section présente des éléments de réponse quant à la typologie des régimes de change accroissant la vulnérabilité des économies émergentes aux crises de change par contagion, et ce à travers une lecture déductive de la littérature sur la relation "régimes de change – crises de change domestiques". La cinquième section comporte étude empirique et résultats. Enfin, des éléments de réflexion et d’autres pistes d’investigation sont donnés dans une sixième section. 2. Revue de la littérature traitant des crises de change et de la contagion La littérature économique traitant de l’influence du choix des régimes de change sur la vulnérabilité aux crises de change (domestiques) peut être regroupée en deux groupes de travaux : "théorie conventionnelle des crises de change" et débat autour du "bipolarisme", et donne des réponses ne faisant pas l’objet d’unanimité. Dans la "théorie conventionnelle des crises de change", trois générations de modèles se sont succédées pour tenter d’expliquer le déclenchement des crises de change par attaques spéculatives comme conséquence d’adoption de régimes d’ancrage (fixes et intermédiaires). Le point en commun entre ces trois générations de modèles réside dans le fait que l’accent est mis sur la fragilité des régimes d’ancrage (fixes et intermédiaires). À ce titre, la théorie conventionnelle mentionne trois facteurs comme sources de fragilité des régimes d’ancrage : surévaluation du taux de change réel, épuisement des réserves de change et incitation à la spéculation. La première génération de modèles, notamment ceux de Krugman [1979] et Flood et Garber [1984], explique la formation des attaques spéculatives débouchant sur des crises de change par l’incohérence entre politiques économiques laxistes et régimes d’ancrage dans un contexte de réserves de change limitées. Les modèles de seconde génération, s’inspirant des travaux d’Obstfeld [1994,1996], soulignent aussi la fragilité des régimes d’ancrage et se focalisent sur le rôle des anticipations auto-réalisatrices qui résultent de la circularité d’influence entre marchés et autorités publiques contraintes à arbitrer entre objectifs de politiques économiques et leurs coûts. Les modèles de troisième génération (Vélasco [1987], Mishkin [1996], Kaminsky et Reinhart [1999], Glick et Hutchison [1999], etc.) traitent des "crises jumelles" et tentent d’expliquer les interdépendances dynamiques entre crises de change et crises bancaires en impliquant un effet catalyseur des régimes d’ancrage. Le deuxième groupe de travaux qui traitent de l’influence du choix des régimes de change sur la vulnérabilité aux crises de change domestiques s’articule autour du débat sur le "bipolarisme". En fait, les adeptes de la vision "bipolaire" (Obstfeld et Rogoff [1995], Summers [2000], Fischer [2001], etc.) expliquent la vulnérabilité aux crises de change par la fragilité des régimes intermédiaires. Selon eux, seules les "solutions en coin" (fixité rigide et flottement) sont en mesure d’éviter les difficultés monétaires dans un contexte de liberté des mouvements de capitaux. Les arguments de base du bipolarisme vont dans le sens d’une insoutenabilité des régimes intermédiaires dans les termes du "triangle d’incompatibilité" (ancrage du taux de change, grande mobilité des capitaux et politique monétaire indépendante), et de leurs insuffisances en matière d’efficacité anti-inflationniste et de transparence vis-à-vis des marchés. En parallèle, les contestataires de la vision bipolaire mettent en valeur des arguments en faveur de la soutenabilité des régimes de change intermédiaires et de leurs performances macroéconomiques en termes de surévaluation s’ils sont bien gérés, et proposent aussi des combinaisons de solutions intermédiaires à l’instar du système "BBC" de Williamson [2001]. De surcroît, la viabilité des arguments avancés en faveur des "solutions en coin" est aussi critiquée (triangle d’incompatibilité et argument de la crédibilité), notamment par Frankel [1999], Williamson [2000], Edwards [2001], Calvo et Reinhart [2002], etc. Dans ces termes, on constate clairement qu’il n’existe pas de consensus dans cette littérature sur la question de la typologie des régimes de change accroissant la vulnérabilité des économies de marchés, notamment émergentes, aux crises de change par attaques spéculatives. En plus de cette absence de consensus intellectuel en matière de fragilité de tel ou tel type de régimes de change, la littérature, tant théorique qu’empirique, ne s’est pas (ou que peu) intéressée à la question du degré de responsabilité des régimes de change dans le déclenchement des crises de change par contagion. Les modèles de crises de TEXTE N° 16 CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE www.cdesoran.org 3 change dans la théorie conventionnelle ne considèrent pas l’effet de la contagion comme facteur expliquant le déclenchement d’une crise de change dans un pays. De même, le débat autour du bipolarisme ne s’est pas intéressé à relier entre régimes de change et crises de change par contagion. En parallèle, la littérature traitant des crises financières et de change s’est recentrée sur l’étude des canaux de transmission et de propagation des turbulences financières et de change. Forbes et Rigobon [2001] font une lecture dichotomique des travaux en la matière en distinguant entre "théories non contingentes aux crises" et "théories contingentes aux crises". Les théories non contingentes aux crises considèrent que les crises financières sont transmises soit par chocs communs, en conséquence aux changements des conditions économiques mondiales (Corsetti et alii [1998], Moreno et Trehan [2000], etc.), soit par interdépendances fondamentales, définies par les liens commerciaux et financiers entre économies (Eichengreen et alii [1996], Aglietta [1998], Kaminsky et Reinhart [2000], etc.). Cette approche est dite aussi "de contagion fondamentale". Les théories contingentes aux crises, quant à elles, considèrent que les turbulences transmises à travers les chocs communs et les interdépendances fondamentales ne définissent pas une "vraie contagion". Celle-ci ne peut être due qu’au seul comportement des investisseurs en dehors de tout lien fondamental. Ainsi, la thèse de la panique des investisseurs remplace celle de détérioration des fondamentaux. Les travaux de Masson [1998,1999] traitant uploads/Geographie/ crises.pdf
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- Publié le Apv 17, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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