1. Le concept de vulnérabilité 1.1. DÉFINITION Il est communément admis que la
1. Le concept de vulnérabilité 1.1. DÉFINITION Il est communément admis que la vulnérabilité est une composante fondamentale de l’appréciation du risque (Varnes, 1984 et Einstein, 1988). Selon une démarche d’évaluation quantitative, elle se définit par le niveau d’endommagement potentiel (compris entre 0 et 1) d’un élément exposé donné, soumis à l’action d’un phéno- mène pressenti ou déclaré, d’intensité donnée. Son évaluation pose donc le problème de la connaissance et de la prévision de l’in- teraction entre phénomène et élément exposé. Cette interaction peut être décrite par des fonctions dites d’endommagement, ou par extension, fonctions de vulnérabilité. Elles permettent de structurer les différentes composantes du concept de vulnérabi- lité, première étape vers l’évaluation (figure 1). 1.2. LES COMPOSANTES DE LA VULNÉRABILITÉ On définit trois grandes familles d’éléments exposés susceptibles d’être endomma- gés. Ce sont, les biens physiques, les personnes et les activités ou fonctions diverses. A chacune correspond une fonction d’endommagement particulière. Il s’agit : (1) pour les biens matériels, de la fonction d’endommagement structurel ; (2) pour les personnes, de la fonction d’endommagement corporel ; (3) pour les activités et fonctions diverses, de la fonction d’endommagement fonc- tionnel. Selon (1), la vulnérabilité d’un bien structurel est fonction de l’intensité d’un phé- nomène donné et de la sensibilité de ce bien (facteurs de résistance physique). L’évaluation de la vulnérabilité aux mouvements de terrain : pour une meilleure quantification du risque Frédéric Leone Institut de Géographie Alpine. Laboratoire de la Montagne Alpine, LAMA, UPRESA 5038, Université Joseph-Fourier, 17 rue Maurice Gignoux - F 38031 Grenoble cedex Jean-Pierre Asté J.P.A. Consultants - F 69300 Caluire. Institut de Géographie Alpine. Laboratoire de la Montagne Alpine, LAMA, UPRESA 5038, Université Joseph-Fourier, 17 rue Maurice Gignoux - F 38031 Grenoble cedex Eric Leroi Bureau de Recherches Géologiques et Minières, 13276 Marseille, France REVUE DE GÉOGRAPHIE ALPINE 1996 N°1 03-Leone 9/03/04 15:43 Page 35 Selon (2), la vulnérabilité d’une personne, est fonction également de l’intensité du phénomène et de facteurs de sensibilité intrinsèques et extrinsèques de cette per- sonne. – La sensibilité intrinsèque se compose de facteurs perceptifs (niveau de percep- tion du danger), de facteurs cognitifs (connaissance des moyens de s’en protéger) et de facteurs de mobilité (capacité de mobilité face au danger). – La sensibilité extrinsèque se compose de facteurs de protection physique (appor- tés par les structures environnantes) et de facteurs conjoncturels, techniques ou fonctionnels (efficacité des mesures et moyens d’alerte, d’évacuation, de secours, de soins, etc.). Selon (3), la vulnérabilité fonctionnelle dépend du niveau d’endommagement des biens (facteurs techniques), des personnes (facteurs humains) et des fonctions secon- daires assurant l’activité en question (facteurs fonctionnels) ainsi que de la capacité de la société sinistrée à restaurer cette activité (facteurs conjoncturels, socio-écono- miques et institutionnels). 36 L’ÉVALUATION DE LA VULNÉRABILITÉ AUX MOUVEMENTS DE TERRAIN... Figure 1 Les composantes de la vulnérabilité 03-Leone 9/03/04 15:43 Page 36 La spécificité des phénomènes de mouvements de terrain se joue essentiellement au niveau des fonctions d’endommagement structurel et corporel. De telles fonc- tions sont très difficiles à formaliser d’un point de vue analytique, compte tenu de la diversité et complexité à la fois des phénomènes impliqués et des modes d’endom- magement associés. Ce constat est d’autant plus vrai avec les mouvements de terrains que ce sont des phénomènes dispersés et qu’il existe trop peu de bilans consolidés de leurs conséquences. Il est par ailleurs difficile de juger différentiellement du compor- tement des éléments exposés, étant donné que le nombre d’éléments affectés par un phénomène donné reste le plus souvent limité. Pour pouvoir progresser en matière de pronostics de vulnérabilité, il apparaît donc indispensable de récolter et comparer des données relatives à beaucoup d’événe- ments et compléter progressivement la matrice de correspondance, en terme de mode et niveau d’endommagement, entre types de phénomènes impliqués et types d’éléments exposés. La procédure préconisée pour répondre à ce besoin est celle des analyses en retour d’événements ou catastrophes passés, à l’instar de ce qui se fait déjà depuis de nombreuses années dans le domaine du génie parasismique. 2. L’apport des analyses en retour 2.1. PROTOCOLE DE CONSTAT D’ENDOMMAGEMENT Conformément aux objectifs recherchés en matière de connaissance et de structura- tion du concept de vulnérabilité, il a été mis au point un protocole de constat d’en- dommagement original et reproductible s’appliquant à l’analyse en retour de catastrophes passées de type mouvement de terrain. Il est conçu pour pouvoir être ren- seigné par étapes successives conformément à la présentation qui en est faite en figure 2. Il a été en grande partie élaboré et testé sur les catastrophes de la Josefina (Equa- teur, printemps 1993 ; cf. Leone & Velásquez, à paraître), de la Salle-en-Beaumont (France, janvier 1994) et sur les événements du Diois (France, janvier 1994) (cf. Leone, 1996). Le résultat en est l’élaboration partielle de matrices d’endommagement, après constitution de typologies adaptées des processus, modes et taux d’endommagement propres aux phénomènes de mouvements de terrain. 2.2. POTENTIEL D’ENDOMMAGEMENT DES MOUVEMENTS DE TERRAIN Il peut se caractériser par les deux notions suivantes, de processus d’endommage- ment et d’intensité associée. Notion de processus d’endommagement Compte tenu de la diversité, de la complexité et de la variabilité des mécanismes mis en jeu par les mouvements de terrain, il parait souhaitable de réduire leur classi- 37 FRÉDÉRIC LEONE, JEAN-PIERRE ASTÉ, ERIC LEROI 03-Leone 9/03/04 15:43 Page 37 fication à une expression plus simple qui soit représentative du processus d’endom- magement, ou en d’autres termes de la nature des sollicitations qu’ils exercent sur les éléments exposés. Contrairement à d’autres phénomènes naturels tels que les inondations ou les séismes, les mouvements de terrain se singularisent par différents types de processus d’endommagement. Il s’agit : – de déplacements et déformations associées ; – de pressions, résultat d’un impact ou d’une poussée latérale ; – d’accumulations, résultat d’une propagation ; – (ou affouillement), résultat d’une érosion. Ces sollicitations sont de nature mécanique et agissent de façon soit dynamique, soit statique sur les éléments exposés. Plusieurs sollicitations sont souvent associées à un même phénomène, aussi bien dans l’espace que dans le temps et inversement plusieurs phénomènes peuvent se traduire par une même sollicitation (figure 3). Cette typologie simplifiée des mécanismes des mouvements de terrain permet de distinguer au total huit sous-classes de sollicitations élémentaires caractéristiques du potentiel d’endommagement de ces phénomènes. Cependant, conformément à ce 38 L’ÉVALUATION DE LA VULNÉRABILITÉ AUX MOUVEMENTS DE TERRAIN... Figure 2 Protocole de constat d’endommagement 03-Leone 9/03/04 15:43 Page 38 qui a pu être décrit dans l’analyse en retour de la catastrophe de la Josefina, l’appari- tion de phénomènes induits liés à l’embâcle de cours d’eau nécessite de considérer parfois, dans toute perspective de prévision du risque, d’autres types de sollicitations, en particulier celles de nature hydraulique . En cartographie préventive, cette traduction du phénomène en terme de sollicita- tion(s) associée(s) revêt un intérêt capital car elle sous-entend que l’on s’intéresse à l’extension prévisible du phénomène. On peut ainsi prétendre franchir un pas dans la cartographie du phénomène potentiel en passant de cartes de facteurs de prédispo- sition à des cartes de sollicitations mécaniques. Cette opération est encore rarement réalisée, du moins en cartographie opérationnelle classique, compte tenu des diffi- cultés propres à la modélisation de la propagation des mouvements de terrain. Notion d’intensité destructrice Actuellement, la notion d’intensité demeure très mal définie pour les mouvements de terrain et aucune réflexion méthodologique n’est connue à ce jour sur l’ensemble de ces phénomènes. Or, il semble a priori fondamental de déterminer le niveau d’in- tensité d’un phénomène potentiel pour pouvoir juger différentiellement du niveau de comportement des structures et des personnes qui y sont exposées. Contrairement aux intensités des sollicitations sismiques ou hydrauliques qui peu- vent être caractérisées seulement par quelques paramètres indépendants (accélération 39 FRÉDÉRIC LEONE, JEAN-PIERRE ASTÉ, ERIC LEROI Sollicitations et critères d’intensité des principaux mouvements de terrrain Figure 3 03-Leone 9/03/04 15:43 Page 39 du sol pour les premières et vitesse d’écoulement, hauteur d’eau et durée de submer- sion pour les secondes), il en va différemment avec les mouvements de terrain pour lesquels la diversité des sollicitations associées nécessite de considérer un plus grand nombre de paramètres représentatifs de leur pouvoir destructeur. Ceux-ci peuvent être regroupés en trois catégories : – les paramètres dimensionnels ou géométriques (surface, volume, forme, profon- deur, amplitude, distance, hauteur et épaisseur) ; – les paramètres cinématiques (vitesse, débit, accélération, rythme et champ des dé- formations) ; – les autres (viscosité, masse, charge solide, densité). A la lumière des différentes analyses en retour précitées et d’autres cas d’étude, on a opté pour un choix de 11 de ces critères (figure 3) et défini pour chacun d’eux une échelle de valeurs (non présentée ici). On a par exemple retenu 5 classes de valeur (0,1 ; 1 ; 10 ; 100 et 1 000 kilo-joules) pour le critère « énergie cinétique » qui est re- présentatif de l’effet d’impact. Les échelles d’intensité des mouvements de terrains ainsi obtenues permettent de quantifier la composante phénoménologique de la vul- nérabilité. 2.3. MODES ET NIVEAUX D’ENDOMMAGEMENT DES ÉLÉMENTS EXPOSÉS Les analyses en retour ont permis uploads/Geographie/ rga-1996-1-03-leone.pdf
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