DES PRODIGES ET DES HOMMES Hélène Renard DES PRODIGES ET DES HOMMES Philippe Le
DES PRODIGES ET DES HOMMES Hélène Renard DES PRODIGES ET DES HOMMES Philippe Lebaud Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. © Philippe Lebaud Éditeur, 1989. « Seul Vextraordinaire nous élargit l’esprit, seul le frisson devant des forces nouvelles accroît notre sensibilité. C’est pourquoi l’exceptionnel est toujours la mesure de toute grandeur. » St e ph a n Zw e ig , Le Combat avec le démon. Introduction Qu’est-ce qu’un prodige? C’est un phénomène qui sort du cours normal des choses, un événement à proprement parler « extraordinaire » auquel on ne peut trouver d’explication natu relle connue ou concevable dans l’état actuel des connaissances. Or, le corps humain — dont les lois sont connues dans leur majeure partie — serait capable, en certaines circonstances bien spécifiques, de présenter des phénomènes tellement inouïs, telle ment inexplicables, qu’ils répondent à la définition du prodige. J’ai bien conscience de m’aventurer ici sur des terres dange reuses. Devant le prodige, la raison et l’intelligence n’ont rien à quoi se raccrocher. Les faits prodigieux sont provocants : ils irritent la raison, car leurs lois nous échappent. Nous n’en connaissons pas la cause. Nous n’en comprenons pas le sens. Aussi l’attitude normale est-elle de rejeter tous ces prodiges d’un haussement d’épaules : « Allons donc ! Tout cela est impossible. » Le corps qui s’allège en lévitant ? Impossible ! Le cadavre qui ne se corrompt point ? la chair marquée de stigmates ? le corps qui devient lumineux ou exhale des parfums ? Impossible ! Impossi ble ! Et la raison d’énoncer alors — de bon droit — mille arguments pour démontrer cette impossibilité. Et pourtant, certains phénomènes ne peuvent être raisonna blement rayés des réalités historiques. Ils ont existé — ils existent encore de nos jours. La lévitation, les stigmates, la luminescence du corps, l’hyperthermie, la bilocation, le jeûne absolu, la résistance à la douleur, l’incorruption du cadavre sont des réalités attestées. Ces phénomènes ont été observés et circonstanciés. Les noms, les lieux, les personnes ont été mentionnés de façon précise. Ces réalités, des témoins les ont observées. La recevabilité des témoignages, leur authenticité, ont fait l’objet de travaux sérieux par des historiens compétents qui ont opéré le tri nécessaire pour éliminer les cas de supercherie ou d’exagération. A qui veut mener une recherche sur ces réalités prodigieuses, ces documents sont accessibles et, bien entendu, je les ai consultés. 10 Il reste donc des faits que, sauf partialité intellectuelle, on ne peut nier ni rejeter sous prétexte qu’ils dérangent. Certes, admettre de tels faits, ne pas les traiter par le mépris, cela exige un effort. Mais il convient, pour garder un véritable esprit objectif, de savoir résister à l’attitude première de rejet. Les prodiges du corps, on s’en doute, ne sont pas le lot quotidien des êtres ordinaires. Il est rarissime, chacun l’admettra, de rencontrer une personne capable de ne rien manger ni boire pendant des mois ou des années — ce qui est humainement impossible. Pourtant, ces cas existent, et la médecine, pour ne parler que d’elle, en a observé. Cependant, on ne relève de ces êtres prodigieux que quelques-uns par siècle, ce qui, compte tenu du caractère même du prodige, est déjà extraordinaire. On ne s’étonnera donc pas de constater que les prodiges du corps affectent surtout des êtres qui, par leur vie, se distinguent déjà des autres, et parmi eux, en tout premier lieu, les mystiques. Mais ce n’est pas une corrélation absolue. La plupart des prodiges du corps ont en effet un rapport direct avec le mysticisme, de quelque religion que ce soit, mais on les rencontre aussi, comme on le verra, chez d’autres personnes. Les mystiques1 ont presque tous pratiqué une ou plusieurs formes d’ascèse1 2 c’est-à-dire d’exercices physiques de mortifica tions (sexuelles, alimentaires, sensorielles, psychiques etc.). L’ef fort de libération spirituelle s’accompagne de privations sévères. Pour être libre et s’unir au divin, le mystique doit d’abord opérer une rupture, ne plus être tributaire des contraintes du milieu intérieur, des exigences du corps : il ne doit plus être soumis aux impératifs du sommeil, de la faim, de la soif, de la douleur. Ces pratiques ascétiques provoquent parfois des troubles psycholo giques, nul ne le nie. Mais on verra que la frontière est réelle (bien que parfois difficile à discerner) entre le déséquilibre volontaire et le déséquilibre pathologique, tel que l’hystérie, par exemple3. Des prodiges et des hommes 1. Comme le mot « mystère », mystique vient du grec mustikos qui veut dire secret, caché. 2. Le mot ascète vient du grec askêtês qui signifie « qui s’entraîne, qui s’exerce ». Il s’appliquait dans l’Antiquité aux athlètes. 3. Bergson dans Les Deux Sources de la morale et de la religion définit comme suit la « bonne santé » intellectuelle et mystique : « Elle se manifeste par le goût de l’action, la faculté de s’adapter et se réadapter aux circonstances, la fermeté jointe à la souplesse, le discernement prophétique du possible et de l’impossible, un esprit de simplicité qui triomphe des complications, enfin un bon sens supérieur. N’est-ce pas précisément ce qu’on trouve chez les grandsjnystiques ? » Introduction 11 La mystique, c’est l’expérience de l’union au divin. La lévitation, la luminescence, la bilocation et tous les autres prodiges n’en sont que des manifestations observables. La mystique ne saurait donc, en aucun cas, être réduite à ces manifestations corporelles et visibles. Certains êtres, reconnus comme grands mystiques, n’ont pas eu un « corps à prodiges » ; mais, à l’opposé, d’autres, dont on pour rait mettre en doute la vertu ou les prétentions à la sainteté, ont manifesté dans leur corps des phénomènes de nature prodigieuse. Certains spécialistes de la mystique insistent sur ce point. Docteur ès sciences, professeur de philosophie et de théologie à Louvain, Joseph Maréchal1 écrit : « La mystique est un mode exceptionnel d’union à Dieu ; elle s’accompagne d’un lot variable de phénomènes supranormaux, sinon miraculeux, plus ou moins associés à la contemplation mystique : transe extatique, visions, clairvoyance, don des langues, prophétisme; ou encore, lévita tions, stigmatisation et autres manifestations psychosomatiques... Nous réserverons à ces phénomènes secondaires, qui peuvent être totalement absents chez un contemplatif, la qualification de « paramystiques » La sainteté ne réside pas dans les « pouvoirs » ni dans les prodiges : tous les mystiques sont unanimes sur ce point et tiennent les prodiges pour secondaires. Patanjali, par exemple, dans le Yoga-Sutra, insiste sur le fait que la liberté, but ultime du yoga, n’est atteinte que si le désir d’acquérir des « pouvoirs » est écarté : « Ces aptitudes extraordinaires ne doivent pas être le but final. » Et quand on évoquait devant Michel Garicoïts (mystique béarnais du xixe siècle) ses moments de lévitation, il ne s’en inquiétait guère, disant : « Évitons avec soin toute singularité. » Mon propos, dans cet ouvrage, n’est pas d’écrire un traité sur la sainteté ni sur la mystique, mais un essai d’observation et de description, le plus précis possible, sur les prodiges dont le corps humain est quelquefois le siège. La mystique provoque incontesta blement un état particulier qui entraîne de mystérieuses transfor mations du métabolisme humain (Aimé Michel définit d’ailleurs le prodige comme « une modification dramatique du métabo lisme1 2 ». Ce sont ces transformations-là, ces modifications fonc 1. Joseph Maréchal : Études sur la psychologie des mystiques (Alcan, 1924). 2. Aimé Michel : Metanoïa (Albin Michel, 1986). 12 tionnelles, ces « métamorphoses » pourrait-on dire, et peut être ces « mutations », qui font l’objet de cet essai. Isoler un phénomène physique, sans le lier à son contexte mystique, est une méthode qui a l’avantage d’être précise, certes, mais qui est aussi imparfaite : comme si, pour comprendre le fonctionnement d’un être humain, on examinait, en les séparant du reste du corps, le bras ou la jambe. On ne peut comprendre la mystique en l’étudiant seulement par ses phénomènes somatiques car elle les déborde de beaucoup. Un cas mystique, un être mystique, est un « tout », à la fois organique et psychique, où les interactions sont indissociables. Cependant, dans cet essai, j’ai choisi volontairement de « disséquer » chaque prodige en laissant de côté la relation privilégiée au divin de l’être concerné. Les modifications physiologiques subies par ces êtres excep tionnels mériteraient qu’on leur consacre une science, une « biolo gie mystique » qui aurait pour objet d’étudier cet aspect encore mal connu du corps humain quand il est soumis à une discipline afin d’atteindre un but spirituellement élevé. Ce serait une biologie des hauteurs... une biologie d’exception. Mais une autre question se pose : l’expérience mystique peut- elle être l’objet d’une observation scientifique objective1 ? La science positive a pour domaine des faits définis, elle étudie des aspects du réel en les isolant. Mais, quand il s’agit d’une expérience interne ineffable, incommunicable, dont le premier caractère est justement d’être globale, comment la science pour rait-elle s’en faire l’observatrice ? Dans une de ses récentes chroniques1 2, Aimé Michel souli gnait uploads/Geographie/ des-prodiges-et-des-hommes-helene-renard-pdf.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 23, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 7.2157MB