Modèles littéraires La littérature de jeunesse Mihaela Ghita Master Études Roma
Modèles littéraires La littérature de jeunesse Mihaela Ghita Master Études Romanes DEUX ANS DE VACANCES Jules Verne 1. Qui est Jules Verne ? Jules Verne naît en 1828, à Nantes, port maritime au fond de l’estuaire de la Loire. Il voit de sa maison les bateaux et très jeune déjà il rêve de voyages, d’îles désertes et de naufrages. Jules est l’aîné de cinq enfants, son père est juriste comme son grand-père et son arrière-grand-père. À onze ans il fait une fugue sur un voilier partant pour l’Inde mais son père le retrouve peu après le départ. Après le bac, il décide de faire du droit comme désire son père. Il s’installe donc à Paris mais il fréquente les salons littéraires. Il découvre ainsi qu’il préfère la littérature au droit. Sa rencontre avec Alexandre Dumas fils est décisive. En 1856 il épouse une jeune veuve dont il aura un fils, Michel, en 1861. 2. Introduction « Deux ans de vacances » est un roman d'aventures paru en 1888. Il fut publié en feuilleton dans le « Magasin d'Éducation et de Récréation » du 1er Janvier au 15 Décembre, puis en volume, dès le 19 Novembre. L'œuvre a été adaptée sous forme de série télévisée et en dessin animé. A son habitude, Jules Verne, nous propose un mélange de données scientifiques, d'extrapolations osées et d'aventure. 3. Robinsonnade et utopie Jules Verne se lance dans l'écriture de ce roman car son projet est de « parfaire le cycle » des robinsonnades : « Il restait à montrer une troupe d'enfants de huit à treize ans, abandonnés dans une île, luttant pour la vie au milieu des passions entretenues par les différences de nationalité. » Entre la robinsonnade et l'utopie, les recoupements sont légion. Dans les deux cas, il se trouve une île, et une volonté. Dans l'utopie, la volonté de construire une société nouvelle - la référence à la société de départ — qui est aussi celle d'un voyageur naufragé qui y aboutit, et qui constitue, pour le lecteur, une norme — y est contestée, et elle est remplacée par une rationalité autre, présentée comme plus équitable et plus humaine. Dans la robinsonnade 1après un naufrage, on aboutit aussi sur une île déserte. Mais au lieu de construire et d'inventer une nouvelle modalité de l'expérience sociale, les efforts des rescapés tendent à reconstruire, avec les outils dont ils disposent, un modèle miniature de la société dont ils sont issus. L'île devient, chez Robinson, une colonie que par la suite il afferme. De plus, le passage du naufragé sur l'île, et le travail qu'il impose à la terre vierge pour la “civiliser”, lui servent d'expérience à la fois morale et sociale — dans le cas de Robinson, on peut même ajouter spirituelle. Dans l'utopie, l'aspect essentiel demeure la présentation en acte d'une société engendrée par des lois nouvelles. Dans les deux cas, l'île sert donc de lieu d'expérimentation sociale, mais les conséquences que le texte en tire sont d'ordre très différent. On notera que Jules Verne s'est surtout ingénié à donner une forme nouvelle à des thèmes anciens. Il a ainsi, entre autres, donné une forme romanesque au conte de Poe, "la Semaine des trois dimanches", dans le Tour du monde en quatre-vingts jours, ainsi qu'une suite “scientifique” aux Aventures d'Arthur Gordon Pym avec le Sphinx des glaces. Et s'il est un thème qui semble l'avoir hanté, c'est celui du naufrage et de Robinson2. Lié au naufrage, outre la trilogie déjà citée, on trouvera le Chancellor et les Naufragés du ‘Jonathan’. Quant au thème robinsonnade, on se souviendra que, lorsqu'il parle de l'Île 1 Marie-Hélène Weber : Robinson et robinsonnades. Toulouse : Éditions Universitaires du Sud, 1993 2 En 1862, avant Cinq semaines en ballon, Jules Verne avait proposé à Hetzel un manuscrit, l'Oncle Robinson, naufrage d'une famille anglaise dans une île du Pacifique nord. Il fut refusé, mais certains éléments se retrouveront dans l'Île mystérieuse. Ce manuscrit, oublié par Verne dans un tiroir, a été retrouvé et publié avec une postface de Christian Robin. Jules Verne : l'Oncle Robinson. Paris : le Cherche Midi, 1991. mystérieuse alors en chantier, Jules Verne désigne l'œuvre comme le “Robinson”3. Et l'on sait que cette œuvre prend son origine dans un texte plus ancien, refusé tel quel par Hetzel, qui s'intitulait Oncle Robinson4. Par ailleurs, en ne comptant pas l'Île à hélice, Verne a aussi écrit l'École des robinsons et Deux ans de vacances (dont le titre premier était un Pensionnat de robinsons), où les références à la fois à Wyss et à Robinson Crusoe sont nombreuses et explicites. 3.1 Présence et matérialité de l'île Le récit commence alors que nous sommes le 9 mars de la même année, et que la narration in medias res nous a posés avec les enfants, au centre du Pacifique, à essayer de comprendre qu’ils sont et ce qu'ils font là, et les montre « unissant leurs forces » pour garder le contrôle du gouvernail dans la mer démontée. Mais toute tempête a une fin, et le vaisseau, dans une sorte de miracle, se trouve emporté par une énorme vague et, par-delà les rochers, s'échoue près d'une plage : « Une montagne écumante, venant de la haute mer, se dressa à deux encablures du yacht… avec la furie d'un torrent, couvrit en grand le banc de récifs, souleva le Sloughi, l'entraîna par-dessus les roches, sans que sa coque en fût même effleurée… et là, il resta immobile — sur la terre ferme, cette fois — pendant que la mer, en se retirant, laissait toute la grève à sec. » (p.36). Cet arrêt du bateau est, pour la narration, l'occasion d'un retour en arrière pour nous présenter les circonstances de ce “voyage extraordinaire”. L'île apparaît donc d'abord comme un lieu de repos après les deux semaines passées sur le navire emporté par l'ouragan. Mais les enfants ne s'attardent pas à cet aspect ; elle devient vite un territoire à explorer. Les grands, après avoir défini que le Sloughi pourrait servir provisoirement d'habitacle, explorent les environs. À leur retour de cette brève prise de contact, et après une prière, on commence les premiers travaux qui permettront de consolider cette “tête de pont” sur la terre ferme. Et bien que les petits soient plus dans une perspective de jeu que de travail, ils font leur part et se mettent, en s'amusant, à la recherche de coquillages (p. 61). 3 Charles-Noël Martin : la Vie et l'œuvre de Jules Verne. Paris : Michel de l'Ormeraie, 1978. Lettre de Jules Verne à Hetzel en juin 1874 : « Le sujet de Robinson a été traité deux fois. Defoe qui a pris l'homme seul, Wyss qui a pris la famille. C'étaient les deux meilleurs sujets. Moi, j'ai à en faire un troisième qui ne soit ni l'un ni l'autre. » (p. 200). 4 id. : op. cit., p. 198. Cite un article de J.H. Germonprez sur ce sujet. Mais les plus grands, qui « regrettent de ne pas être des hommes » (p. 30), pensent à l'avenir. Gordon,qui est américain et le plus respecté de tous, entame un inventaire des ressources. Il faut « ménager les biscuits et les conserves » (79) et donc tenter de se nourrir avec ce que le lieu offre par la pêche et la chasse. Mais la Nature n'est pas très accueillante : il fait froid et brumeux. Et comme nous sommes dans l'hémisphère austral, la saison du froid approche. Il faut s'installer ailleurs, et donc tenter un repérage. C'est ce que fait d'abord Briant, le Français,5 qui définit ce lieu comme une île, qu'à l'aide des cartes les enfants tentent de situer, et placent dans leur imaginaire dans la perspective de l'île où vécut Selkirk, qui a permis à Defoe d'écrire son roman. Puisqu'il s'agit d'une île, et que les moyens de rejoindre la civilisation par le moyen de la terre sont impossibles, il va falloir s'installer, ce qui entraîne la nécessité d'une exploration de groupe. La marche n'est pas facile ; il faut se frayer un chemin : « Les jeunes garçons jouaient alors de la hache comme ces pionniers qui s'aventurent à travers les forêts du Nouveau Monde. ». Mais, et c'est une différence avec Robinson, ils trouvent les traces d'un naufragé antérieur, un gué, de l'eau douce, les restes d'un canot, une date : 1807, une caverne et un squelette, qu'ils enterrent religieusement. Mais le naufragé n'a pas laissé uniquement des traces et de simples outils européens : il a dressé une carte sommaire de l'île,6 et a inscrit son nom sur un cahier. C'est un Français ; on nommera l'endroit où il s'était installé French Den. Mais il laisse aussi les enfants en présence d'une évidence : le naufragé, marin expérimenté, n'a pu rejoindre la terre ferme ; il a vécu 53 ans en ce lieu. Aucun espoir ne demeure donc d'un prompt secours : il va falloir s'organiser. L'île a cessé d'être un simple lieu: elle a acquis une existence et une forme, par la uploads/Geographie/ deux-ans-de-vacances-jules-v 1 .pdf
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- Publié le Fev 12, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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