Éditions de la Sorbonne Chapitre 1. L’homme face à Dieu et au Monde Chapitre 3.
Éditions de la Sorbonne Chapitre 1. L’homme face à Dieu et au Monde Chapitre 3. La méthode naturelle – La syncrise FORMER L’HOMME | Étienne Krotky Chapitre 2. Finalité de l’éducation : Former l’homme SEARCH INSIDE THE BOOK TABLE OF CONTENTS Chapitre 2. Finalité de l’éducation : Former l’homme p. 45-88 TEXT NOTES FULL TEXT 1Le but assigné à l’éducation par Comenius est de « former l’homme ». D’une manière ou d’une autre, beaucoup d’autres éducations visaient la même fin ; mais ce qu’elles poursuivaient, c’était d’abord la formation d’un type particulier d’homme : le citoyen-guerrier (opposé à l’esclave et à l’étranger) dans la Sparte antique ; l’orateur, l’homme éloquent était l’idéal d’Isocrate ; l’humaniste lettré et pieux était celui du XVIe siècle et l’honnête homme était l’idéal du XVIIe siècle français, etc. Comenius veut dépasser ces spécifications particulières pour former l’homme tel que Dieu l’a conçu quand il s’est proposé de façonner Adam. Qu’est-ce que Dieu avait en vue ? En répondant à cette question d’après les éléments qu’il trouve dans la Bible, notre philosophe pense découvrir les caractéristiques qui constituent l’homme en lui-même, indépendamment des spécifications particulières dont le revêt l’appartenance à une culture déterminée ; autrement dit, il pense atteindre les caractéristiques qui constituent l’homme dans sa nature même. L’éducateur aura pour tâche de façonner cette nature humaine dans chacun des individus. 2Mais cette vision n’est-elle pas une chimère ? De nos jours, en effet, tous ne croient pas qu’on puisse encore parler de nature humaine ; n’a-t-on pas écrit : « C’est une idée désormais acquise que l’homme n’a point de nature, mais qu’il a ou plutôt qu’il est une histoire » ?1 Ailleurs nous pouvons lire ceci : « Il n’y a pas de nature humaine. On ne peut déterminer aucune conduite humaine « naturelle », aucun comportement que l’on serait assuré de retrouver chez tous les hommes, aucune caractéristique spécifiquement humaine (innocence, spontanéité, perversité, indiscipline, etc.)2 Ces affirmations reflètent une certaine mentalité qui s’est formée sous l’influence de courants divers. 3Celui du marxisme d’abord. Pour Marx la nature de l’homme existe, mais elle n’est pas immuable : « En agissant sur la nature, en dehors de lui, l’homme modifie en même temps sa propore nature »3. Aussi « L’orthodoxie marxiste voit dans l’environnement le principe de toute explication de l’homme »4 ; et, dans les pays communistes, on a cru pouvoir former un « homme nouveau » et faire de l’éducateur un « ingénieur des âmes » ! Pour le Behaviorisme, l’homme se constitue par les réponses qu’il donne aux stimuli qui l’affectent. « Dans certains de ses livres », B.F. Skinner « nous assure que nous pouvons créer à volonté chez n’importe quel individu n’importe quel type de conduite sociale en mettant simplement en place le type adéquat d’environnement social pour l’éduquer »5. Pour un certain existentialisme, l’homme n’est que ce qu’il se fait. « Sartre a fait des prodiges de virtuosité pour établir que l’homme ne possède point de nature »6. L’ethnologie contemporaine, en s’intéressant à la multiplicité et à la diversité des mœurs et des comportements humains, a contribué à estomper l’idée qu’il y avait, à un niveau plus profond, des constantes et des invariants qui se retrouvaient chez les peuplades les plus diverses. Le courant culturaliste semble transposer la notion de nature humaine du niveau des structures qui constituent l’homme, au niveau des habitudes et des comportements imposés aux individus par la société : respect des tabous observés dans le clan, respect de la propriété, comportement insolent des jeunes envers les adultes, etc.7 M. Mead écrit même ceci : « Un à un, des aspects du comportement que nous avions coutume de considérer comme faisant invariablement partie de la nature humaine, se révélèrent être simplement des résultats du milieu »8. 4Que faut-il penser de toutes ces affirmations qui nient l’existence d’une nature humaine ? Certaines ne sont pas très sérieuses ; un scientifique, P.-P. Grassé, dit qu’on « ne peut les lire qu’en haussant les épaules »9. D’une manière générale, R. Vancourt semble avoir bien posé le problème quand il écrivait : « Si l’on veut dire par là (en affirmant que l’homme ne possède pas de nature) que l’être humain n’est point figé dans son développement comme l’animal et qu’il lui appartient de réaliser peu à peu les exigences de son essence, de devenir ainsi vraiment homme ou au contraire de rester en deçà de ses exigences, on énonce quelque chose d’indiscutable, mais au fond assez banal. Si, au contraire, on prétend que l’homme, au point de départ, n’a pas de structure déterminée, on profère alors un pur non-sens. L’homme, en effet, est, entre autre chose, doué de raison et de liberté ; cela fait partie de sa « nature » »10. 5Nous pourrons donc parler d’une nature humaine sans craindre de parler d’une chimère. Cependant, le recours à cette nature humaine peut parfois présenter quelque danger. On peut affirmer indûment – et on n’a pas manqué de le faire – que tels et tels comportements étaient justifés du seul fait qu’ils étaient naturels. Ainsi il serait dans la nature de certains (individus ou nations) d’entreprendre, de réussir et de dominer, comme il serait dans la nature de certains autres (individus ou nations, aussi) d’être soumis et de servir. Invoquer la nature humaine reviendrait, dans d’autres cas, à justifier le statu quo et les différences de statut social. Pire, les privilèges sociaux étant obtenus grâce aux dons naturels, sont déclarés héritables ; on a voulu même soutenir l’héritabilité du Q.I. Dans l’optique du culturalisme, on devait tout à l'éducation ou à la pression du milieu ou de la société ; ici, on doit tout aux gènes : tout s’explique et se justifie (même les injustices sociales les plus criardes) par les gènes. La sociobiologie est une illustration de cette prise de position contre laquelle R. Levontin, S. Rose et L. Kamin ont vivement protesté dans un ouvrage commun au titre significatif : « Nous ne sommes pas programmés ». – Chez Comenius, nous le verrons tout à l’heure, un tel détournement de la notion de nature humaine n’est pas possible. 6Cette hypothèque préalable étant levée, voyons comment il se représente ce qui fait l’essence de l’homme. 1- Les cinq caractères de la nature humaine 7Le propre de la nature de l’homme pour Comenius est ce qui le distingue des animaux. L’homme a été créé par Dieu à son image ; il est, de ce fait, la créature « la plus achevée et la plus excellente de toutes », dotée de certains privilèges. Les privilèges qui constituent proprement la nature humaine sont au nombre de cinq. L’homme est doué de raison ; il est capable de « faire la différence entre les choses » (donc d’analyser), de donner un nom à ces choses, de comprendre leur constitution (D.M. V, 4 à 12). Comenius s’émerveille des capacités de l’esprit humain : « l’homme, dit-il par exemple, naît apte à acquérir la connaissance de toute sorte de choses » (ibid., V, 4) ; on ne peut à son esprit aucune limite : « il s’élève aussi bien dans les deux qu’il descend dans l’abîme » (ibid. V, 4). Cette prise de possession du monde par la connaissance est possible grâce aux sens dont l’homme est doué ; les organes des sens sont « les agents secrets et les espions » de l’esprit. Aussi, « l’homme pourvu des sens et de la raison peut comprendre tout ce qui existe au monde » (ibid. V, 6). Allant de pair avec cette possibilité de connaître, « le désir de savoir est inné dans l’homme » ; et ce désir de savoir est « naturel », donné à l’homme par Dieu. Et, pour Comenius, c’est un fait remarquable que même les gens peu instruits admirent les savants. L’homme a une main, « pour exécuter tout ce que son intelligence a découvert » (Pamp. III, 7), ce qui lui permet d’agir sur le monde extérieur pour le transformer et faire servir toutes les choses à son profit (D.M. IV, 4). (Nous reviendrons sur ce sujet en parlant de la « faculté opérative »). L’homme a aussi une langue qui lui permet de communiquer avec ses semblables et d’exprimer ses pensées et ses sentiments (cf. M. L. N. I, 2) ; il possède un langage articulé dont les possibilités sont très supérieures aux possibilités d’expression des animaux. Il est capable d’une conduite morale, c’est-à-dire que sa raison lui montre ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire et que sa volonté libre se décide en conséquence : il est capable de régler ses impulsions intérieures et ses actions extérieures (DM. V, 133 à 17). L’homme possède dès sa naissance « une sorte de semence de vertu », puisqu’il « aime les vertus chez les autres (car même les hommes non vertueux admirent les vertus chez les autres) quoiqu’ils ne les imitent pas, s’imaginant qu’ils ne sauraient vaincre leurs mauvaises habitudes » (ibid. V, 14). Quand il uploads/Geographie/ document.pdf
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- Publié le Jul 20, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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