VI. Le seigle VI.1. Choix des céréales ou graines Pour s’ouvrir à un champ ou h
VI. Le seigle VI.1. Choix des céréales ou graines Pour s’ouvrir à un champ ou horizon de recherche plus large que la farine de froment et les variantes que celle-ci permet, il est utile d’aller voir ailleurs. Mais d’abord, pourquoi le froment s’est-il imposer de cette manière ? Sans pouvoir refaire l’histoire, il faut savoir que le fait qu’il soit une céréale non vêtue (c.à.d. ; sans glume ou balle à décortiquer) va l’imposer commercialement vis à vis des anciens blés (engrain & amidonnier) et de l’épeautre, le dernier froment « vêtu » a subsisté dans les emblavements céréaliers. Avant que les premiers spécialistes de l’amélioration variétale des plantes cultivées ne jettent leurs dévolus sur celui-ci (voir chap.III). La révolution française en 1793 va prôner le pain de l’égalité composé obligatoirement de ¾ de froment.1 La frontière de la culture du seigle et la proportion de celui-ci dans les cultures et pâtes va reculer vers le Nord-Est de l’Europe. La découverte de la « substance glutineuse » par l’italien Jacopo Beccari en 1745 a aidé également à prévaloir le froment déclaré scientifiquement et quantifiable à l’analyse plus intéressant que le seigle, son principal concurrent dans les graines panifiables non vêtues. Une recherche axée sur la « substance muqueuse » 2 aurait plutôt avantager le seigle. Mais on 1 Benigno CACERES, Si le pain m’était comté,p.96, éd. La Découverte, 1987, écrit « Le 26 brumaire an II (15.11.1793), la Convention fait paraître un décret sur la circulation des grains et l’approvisionnement des marchés. Prônant que la richesse et la pauvreté devant disparaître, il ne sera plus composé un pain de fleur de farine pour les riches et un pain de son pour les pauvres. » « Le pain de l’égalité sera composé de ¾ de froment et de ¼ de seigle ou ¼ d’orge dans les lieux où on ne trouvera pas une quantité suffisante de seigle ». On sait encore dernièrement en France, qu’il ne suffit pas de décréter la qualité. Sur le terrain ce décret de 1793 (200 ans avant l’autre) sera souvent à prendre comme une déclaration de bonne intention, ce qui n’est pas négatif. 2 A.A.PARMENTIER, p. 25 parle du muqueux du blé. 1 ne peut pas refaire l’histoire comme écrit précédemment. Le « consommateur » voulait sortir des périodes de « pain noir », synonymes de rationnement et de misère3. Ce pain noir, devenu complet ou riche en fibres, refait surface avec la bénédiction de la médecine préventive4. Il faut encore qu’il gagne des galons en gastronomie ou plaisir de table. Le pain pur seigle au levain passe déjà beaucoup mieux dans des « repas fromages » ou pour d’autres mets mis en évidence en tranchant et contrastant sur le goût fruité de sa mie. Dans ce cas de figure il n’est plus un pain qui « facilite le transit intestinal ». N’essayons pas d’inverser le sens dans le proverbe qui dit qu’ « après avoir mangé son pain blanc, on va manger son pain noir », la morale est trop ancrée. Tentons ici l’aventure, la découverte de plusieurs céréales et grains et même les « anciens ». DOSSIER SEIGLE Secale (I) Roggen (D) Rye (G-B) Centeno (E) Rogge (NL) 3 H.E.JACOB, cite p. 302, les aspects socioculturels qui faisaient dire aux mangeurs de froment que ceux qui consommaient du seigle étaient obtus et stupides, à quoi les mangeurs de seigle rétorquaient que le froment avait autant de valeur nutritive que l’air. Le même type d’opposition se rencontrait aussi entre les partisans du vin et de la bière. Page 24, le même auteur reprend la légende comme quoi le seigle était une mauvaise herbe semée par hasard. 4 Les entretiens de Bichat (colloque de médecine) ont souvent mis en avance les bienfaits du pain et cela après l’avoir parfois condamné comme aliment favorisant l’obésité. Voir : les bi-mensuels, Les Nouvelles de la Boulangerie, n° 351 & 352 de novembre 1990, qui en fait état. 2 VII.1.3.1. Le Seigle ; « Un reflet bleu », chez les gens du Nord La vie quelque peu sentencieuse du proverbe, « gagner son pain à la sueur de son front » est bien remplie par le pain issu de la céréale gris-vert ou « au reflet bleu ». Le seigle, c’est en effet de lui qu’il s’agit, est plus précoce et rustique, a une croissance plus courte que le froment. Il est plus résistant aux intempéries, surtout au froid hivernal, il germe encore à 1 à 2°C. Il est également bien adapté à l’acidité des sols ou aux sols plus lessivés (parce que situés en pentes) 5. Seules les céréales avoine et orge rivalisent et dépassent parfois le seigle à ces différents niveaux ou exigences. Ces deux céréales sont cependant moins panifiables. Le seigle est et reste la deuxième céréale panifiable. 90% du seigle récolté dans le Monde provient de l’Europe du Nord 6. On trouve du pain, où seul le seigle entre dans sa composition, dans les régions ou la culture des céréales est difficile (par exemple dans les Alpes, jusqu’à 2.100 mètres)7. VII.1.3.2. Dans le sillon du labour, du labeur 5 Jean-Paul CHARVET, p.71 & Corinne BEUTLER, p.169, signale qu’au sud le seigle est choisi aussi pour sa résistance à la sécheresse. 6 Wilfried SEIBEL, p.17. Heinrich Eduard JACOB, cite,p. 301, la dénomination de „Ruggi“ (mangeurs de seigle-roggen) que l‘on se donnait à l‘est de l‘Allemagne pour se différencier des mangeurs d‘avoine, céréale inférieure. 7 Werner Christian SIMONIS, p.62 à 67. Il faut avoir accompagné patiemment du semis à la récolte, les communautés villageoises vivant dans les montagnes pour comprendre la vie du pain de seigle 8. Les meilleures terres de l’ « adret » (versant ensoleillé) lui sont consacrées. Le prix du labeur, « un tour de force chaque année renouvelé » donnera le goût à ce pain. Il faut suivre l’intelligence quasi codifiée et héritée des anciens, car la force des bras (là où les machines ne peuvent travailler) n’a pas le droit de se tromper. Fruit de l’obstination, désir à peine récolté, déjà ressemé, « cette nourriture irriguait à chaque fournée, chaque bouchée, les réseaux vivants que la fonction symbolique trace dans la tête et l’espace social »9. Une nourriture excellente par et pour son mérite ! VII.1.3.3. Assez ! Fini de broyé du noir…..(et du seigle) Mais signe des temps et d’une évolution dont on ne peut séparer l’avantage du désavantage, le seigle n’a plus le vent en poupe. En France, il se situe en tonnage récolté après le blé tendre, l’orge, le mais, le blé dur et même après le sorgho 10 . 8 Claude MACHEREL, p. 79. Cet ethnologue a vécu pendant 18 mois dans la vallée du Loetschen (affluent du Rhone-CH). Lire avec le même intérêt, surtout pour le processus ; Jacques & René MAMNENT. 9 Les deux citations sont de Claude MACHEREL, p. 80 & 81. 10 Hubert FRANCOIS, p. 38 à 44. & Dominique SOLTNER, p.10 qui présente le pourcentage de la sole des cultures françaises en 1815 où le seigle représentait encore 23% pour faire partie avec d’autres de la petite portion congrue des céréales secondaires (5%) dans les années 1970. E.J.T. COLLINS, p.132, signale la présence du seigle principalement dans le Pays de Galles et le Comté de York en 1764 et date le déclin à partir de 1820. 3 En Allemagne où l’on cultivait deux fois plus de seigle que de froment avant la guerre 1940-45 11. Il y a peu de temps dans une de ses régions du seigle, la Wesphalie, les emblavements de seigle en 1987 n’était que de 38 % de la sole de seigle de 1974. Cette baisse est toutefois compensée par une meilleure rentabilité à l’hectare qui n’a fait baisser la production allemande que d’une petite moitié 12. S’implantant autrefois dans l’espace essarté par le feu, « semé dessus », s’immisçant en mélange sur le champs dans le méteil, sachant se succéder à lui-même dans les rotations de cultures, le seigle va perdre ses atouts à cause des nouvelles possibilités de culture qui profiteront au froment 13. En France, comme des sanctuaires les sols pauvres de région comme le Massif Central 14 , l’Armorique, les Landes et la Sologne ou les cultures d’altitude 11 Sigrid GROSSKOPF, p.65 qui donne un tableau comparatif sur les productions de céréales entre 1910 et 1914, dans les pays européens. La Russie cultivait autant de seigle que de froment et comparativement au froment on produisait à cette époque 7% de seigle en France, 5% aux Etats-Unis et 3% en Grande-Bretagne. Heinrich Eduard JACOB, cite lui, p.302, que les grandes exportations polonaises comportaient 2/3 de seigle et 1/3 de froment vers 1.700, et q‘un siècle après le rapport s‘inversait. 12 Peter RIETZEL, p.46 & 47, qui donne plusieurs tableaux comparatif sur l’évolution de la culture du seigle dans cette période. 13 La triticale, terme qui condense les 2 appellations latines Triticum/froment & Secale/seigle et est un hybride froment/seigle créé vers le début des années 1980. Elle va uploads/Geographie/ dossier-seigle.pdf
Documents similaires










-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 29, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3114MB