Ur ban ité s #3 – Avr il 201 4 – Pl aisi rs urb ain s Es paces d’ excitatio n :
Ur ban ité s #3 – Avr il 201 4 – Pl aisi rs urb ain s Es paces d’ excitatio n : ci ném as pornos da ns le Cen tre de Sal vado r (B rés il) Jo ão Soares Pena Pena, 2013 Le po rno da ns le ci ném a L’exhibition de corps attirants a toujours existé au cinéma, depuis ses débuts. Selon Abreu (1996)1, à la fin du XIXème siècle, ceux qui fréquentaient les cinématographes de Paris ou New York pouvaient s’amuser en observant les mouvements sensuels de femmes vêtues de négligés ou peignoirs de bain, ce qui était déjà suffisant pour éveiller les fantasmes masculins. Avec le développement du cinéma, la production de films réalisés dans le but de satisfaire des besoins sexuels et érotiques a gagné du terrain, au point de se développer en tant que genre cinématographique lucratif, avec un public spécifique. Parmi les premiers films à contenu sexuel, certains étaient connus sous le nom de stag films. Ce type de films jouissait d’une production précaire et était projeté illégalement en dehors du circuit commercial et dans des 1 Nuno César Abreu est un cinéaste brésilien également professeur à l’Université d’État de Campinas (UNICAMP), au Brésil. Il est l’auteur du livre Le regard porno : la représentation de l’obscène au cinéma et en vidéo , œuvre importante qui aborde la production pornographique depuis l’invention du cinéma jsqu’à sa production et consommation en VHS. Urbanités #3 – Avril 2014 Plaisirs urbains lieux fermés. Selon Abreu (1996), l’image seule ne suffirait pas à satisfaire le spectateur. La satisfaction serait donc recherchée en dehors du film, qui aurait seulement pour fonction première d’exciter celui qui le regarde. Pour cette raison, plusieurs stag films furent projetés dans des bordels européens afin de stimuler la libido de leurs habitués, ainsi incités à faire appel aux services des femmes qui travaillaient là. Selon l’auteur, un film français de ce type appelé Le Télégraphiste est emblématique car il se termine en faisant cette suggestion au public : “Après avoir regardé ce film, cherchez une jolie fille et prenez bien soin d’elle.” (Williams, 1989, p. 74 apud Abreu, 1996, p. 48). Ceci met en évidence une certaine relation entre les images et les pratiques sexuelles ou une influence du film sur le comportement des spectateurs. Dans les années 1940 il existait aux États-Unis le marché d’exploitation. Certains cinémas projetaient de manière pourtant légale des films à tendances érotiques, ce qui les stigmatisait de manière négative, en leur donnant la réputation de « peu recommandables ». Selon Abreu (1996), les habitués de ces cinémas ne voulant pas s’exposer, on les appellait les raincoat brigade (les brigades en imperméable). La production de ces films s’est poursuivie dans les années 1950 et était menée par un groupe d’entrepreneurs qui dominaient ce secteur, connu sous le nom “os 40 ladrões” (les 40 voleurs). Le cadre de la pornographie hard core2 est allé de pair avec le lancement en 1972 de Deep Throat (Gorge profonde), long métrage sonore et en couleur, réalisé par Gerard Damiano. Après le succès dans les salles alternatives, son format a été adapté au standard commercial et a été projeté au New Nature World Theater, un cinéma typique d’exploitation de New York. Pour la première fois un long métrage qui intégrait dans une trame narrative cohérente une série d’actions sexuelles, était projeté légalement dans le circuit du cinéma. Ce n'était évidemment pas facile car il a fallu lutter judiciairement afin d'obtenir son autorisation de projection commerciale. Grâce à son succès, ce film a fait exploser l'intérêt de l’industrie pour le porno, a marqué la rencontre du public avec le hard core phallique et a créé un style qui est devenu un modèle pour les films suivants. Le porno s’est donc affirmé comme un genre cinématographique avec ses caractéristiques particulières et a gagné de l’importance dans le circuit commercial à travers le monde, avec une production de films qui s’est accrue au fil du temps et a suivi les avancées technologiques de circulation des images, et cela aussi bien au niveau de la construction de la narration, que par rapport aux techniques de production, de distribution et de projection de ces films sur le marché. Le po rno da ns les salles de ciné ma au Bré sil Selon Abreu (1996), la trajectoire du contenu obscène au Brésil a suivi, dans une certaine mesure, la tendance internationale depuis l'époque des stag films quand, suggère l’auteur, vers 1907, ils étaient projetés 2 Abreu (1996) explique que les films ayant une thématique sexuelle sont définis fondamentalement de deux façons : soft core et hard core. Soft core fait référence aux films érotiques, c’est-à-dire, qui n’ont pas de scène de sexe explicite, seulement suggéré. Hard core quant à lui désigne les films où le sexe apparaît de forme explicite et c’est ce qui réellement « importe », compte tenu de l’excessive exhibition d’actions sexuelles, du pénis en érection et de la pénétration. 2 Espaces d’excitation : cinémas pornos dans le Centre de Salvador (Brésil) João Soares Pena dans le Pavillon international de films de genre libre ou « douteux », dont l’entrée n’était permise ni aux mineurs ni aux femmes. Le cinéma a connu à cette époque une forte croissance notamment grâce au soutien de la presse, dans le cas de Salvador, en raison du contrôle de la peste bubonique. En effet, à cause de la contagion les gens avaient tendance à éviter les lieux avec une forte concentration de personnes, comme par exemple les cinémas. Certains indices montrent que dès l’arrivée du cinématographe dans la ville de Salvador, en 1897, certains films projetés pouvaient porter atteinte à la tranquillité publique et offensaient la décence des familles, comme l’a affirmé Boccanera Júnior (2007), suggérant que ces films possédaient un contenu sexuel. Le développement de ce secteur dans le pays a accompagné la façon dont la société traitait la représentation et l'affichage du corps ainsi que les questions liées au sexe. Ainsi, au fil des ans, plusieurs films ont été produits – qui n'étaient pas forcément pornos – et l’on a également constaté une consommation clandestine de ce type de film. Cependant, ce n’est qu’à la fin du XXème siècle que ces films prirent place dans les salles de cinéma de diverses villes du Brésil. Avec une plus grande permissivité du régime dictatorial, dû à son affaiblissement à la fin des années 1970 et au début des années 1980, les films pornos se lancèrent dans les circuits d’exploitation commerciale, faisant l’usage de la force judiciaire pour garantir leur projection. Par conséquent, les films pornos étrangers entrèrent sur le marché national, concurrencèrent sérieusement la production nationale et finirent même par prendre le dessus. On soupçonne que cette permissivité quant à l’entrée du porno sur le circuit commercial pouvait être liée à une tentative de détourner l'attention de la population des questions vraiment critiques et importantes, puisque ces films plaisaient et divertissaient le grand public. Plusieurs changements sociétaux ont conduit les cinémas traditionnels à projeter des films pornos et au fur et à mesure, ceux-ci sont devenus davantage que de simples salles de projection de films, mais également des lieux de pratiques sexuelles, ce que nous aborderons de façon plus approfondie quand nous traiterons du cas du Salvador. Ce processus a été général et les cinémas de rue d'autres villes du Brésil, comme São Paulo, Fortaleza et Recife l’ont également connu. Le ci ném a dans le C ent re de Salvador Depuis la première projection de film en 1897, au Teatro Politeama Baiano, le Centre de la ville de Salvador est devenu le centre des activités liées au cinéma. Initialement, les théâtres ou les grandes maisons étaient utilisés pour la projection de films, parce qu’il s’agissait de lieux suffisamment grands pour accueillir ces événements. Toutefois, avec la consolidation du cinéma sont apparus des espaces construits spécifiquement pour que des personnes puissent voir des images en mouvement. Ainsi, en 1909 le premier cinéma de la ville a été inauguré : le cinéma Bahia, situé Rue Chile. Ceci a créé l’enthousiasme parmi les commerçants, en leur offrant une perspective de développement d’un circuit de projection de films dans la ville, qui s’est fortement 3 Urbanités #3 – Avril 2014 Plaisirs urbains concentré dans le centre. Au court des années suivantes plusieurs cinémas de rue se sont ouverts dans la ville3. Peu à peu, le cinéma est devenu de plus en plus important dans le quotidien de la ville. En 1920, Salvador comptait neuf cinémas : Politeama Baiano, Teatro São João, Guarani, Ideal Cinema, Recreio, São Jerônimo, Cinema e Teatro Olimpia, Avenida et Itapagipe. Un tel nombre nous fait remarquer que le cinéma était une option de loisir très importante, surtout si on considère qu’à cette époque, la population de Salvador était seulement de 283 422 habitants. Le Centre de la ville était en pleine effervescence dans les années 1950 avec la présence de divers cinémas et d’autres activités qui agitaient la ville. Toutefois, dans les décennies suivantes la ville uploads/Geographie/ espaces-d-x27-excitation-cinemas-pornos-dans-le-centre-de-salvador-bresil.pdf
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- Publié le Fev 09, 2021
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