CIA et initiés : le Temple et ses Loges Extrait de "Noir Chirac" (les Arènes, 2
CIA et initiés : le Temple et ses Loges Extrait de "Noir Chirac" (les Arènes, 2002) de François-Xavier Verschave pp. 68-87 29 août 2002 par François-Xavier Verschave Dans leur livre Les frères invisibles, principale référence du présent chapitre, Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre ont écrit à propos de Jacques Chirac : « des maçons de haut grade affirment qu’il a été initié à la Grande Loge Alpina, une obédience suisse très élitiste. » Ils avaient plusieurs sources, mais ils ont été aussitôt démentis par une voie un peu étonnante : la “une” des Carnets de Catherine Pégard dans Le Point , l’hebdomadaire d’un ami de Chirac, François Pinault. Comme si un communiqué de l’Élysée eût été imprudent. Les deux auteurs du propos l’ont maintenu lors de plusieurs interventions dans la presse audiovisuelle. Une confirmation de cette initiation à la Grande Loge Suisse Alpina (GLSA) m’a été fournie, venant de Suisse. L’expérience enseigne par ailleurs que les démentis de Jacques Chirac sont parfois comme ses promesses - qui, selon son adage préféré, « n’engagent que ceux qui les reçoivent. » Sans avoir de certitude absolue en la matière (l’appartenance relève en principe du secret maçonnique), je considèrerai par la suite cette hypothèse comme fort probable. D’autant que Jacques Chirac va évoluer avec une aisance stupéfiante dans une série de mondes où, à un haut niveau, l’initiation est quasi systématique : les contrats d’armement, le nucléaire, l’immobilier, la Françafrique. Il n’aurait d’ailleurs pas de quoi rougir : son grand-père, instituteur corrézien, était lui-même maçon, Vénérable d’une loge du Grand Orient ; son père, Abel-François, l’était également . Mais, commente Ghislaine Ottenheimer, « l’appartenance de certaines personnalités à la franc-maçonnerie est protégée comme un secret d’État. » Les hauts dignitaires maçons sont très hostiles à la levée du secret d’appartenance. Pour un Grand Officier de la Grande Loge Nationale Française (GLNF), « le secret est l’un des ressorts profonds de l’être humain. C’est un fantasme des plus puissants. » Les stratégies otaniennes les plus pointues exigeant un haut degré de secret, l’on comprend que certains stratèges, souvent eux-mêmes maçons, aient misé à fond sur ce ressort et ce fantasme. Ils ont parfois compliqué le jeu (la stratégie classique des cercles concentriques) en se lançant dans une sorte d’algèbre moderne des sectes ou Ordres chevaleresques, avec des personnages clés aux intersections : nul adepte ne sait que son gourou ou Grand Maître contrôle aussi plusieurs autres sectes ou Ordres. Nous entrons là dans la cuisine ésotérique, dont l’objet principal est d’être inintelligible au commun des mortels : aussi n’évoquerai-je de cette algèbre que quelques rudiments. Les frères de l’Atlantique La franc-maçonnerie moderne, dite spéculative, est apparue au XVIIe siècle en Grande-Bretagne, au XVIIIe en France et d’autres pays d’Europe. Elles se veut l’héritière de la franc-maçonnerie “opérative” du Moyen Âge, les compagnons qui construisirent les cathédrales. Elle veut construire le “Temple de l’humanité”. Une initiation par étapes, selon des rites précis, amène l’adhérent à progresser dans l’intelligence de ce Temple, à franchir des grades (33 dans le Rite Écossais). Assez vite, une bonne partie des Grandes Loges des pays latins a divergé du tronc principal britannique, en raison notamment de la référence chrétienne obligatoire (refusée par les obédiences latines, plus laïques). Mais cette franc- maçonnerie latine, dite libérale, pèse beaucoup moins que l’anglo-saxonne, ce qui rajoutera au sentiment d’infériorité des Européens du Sud dans l’Alliance atlantique. Le Royaume-Uni a longtemps été au sommet de la franc-maçonnerie mondiale, avec le Ruskin College, la Fabian Society, la Grande Loge d’Écosse. Puis le centre s’est déplacé outre-Atlantique. On doit aux francs-maçons « la création, en 1776, des États-Unis d’Amérique. De George Washington à Franklin D. Roosevelt, plusieurs générations de frères se sont succédé pour bâtir la première démocratie au monde. » Grand Maître en son pays, le Gabonais Omar Bongo confirme qu’aux États-Unis, « il y a eu de nombreux présidents maçons. » Et il ajoute une précision importante : « Aux États-Unis, le plus haut dignitaire de la maçonnerie, c’est le président, par fonction. Et en Grande-Bretagne, c’est le roi ou, à défaut, lorsque le trône est occupé par une reine, c’est le prince de Galles. » Autrement dit, deux hiérarchies, l’une officielle, l’autre parallèle, dépendent assez souvent d’une même tête. Sauf que le Président américain pèse plus que la Reine d’Angleterre. Il y a environ sept millions de maçons à travers le monde. Plus de la moitié sont Américains (4 millions). Ils le font sentir. Dans un foisonnement très complexe, je ne citerais que trois des principaux Rites : le Rite Écossais Rectifié (1782) ; le Rite Écossais Ancien et Accepté (1804), parfois appelé Rose- Croix en Angleterre, le plus pratiqué dans le monde ; le Rite Français (1784). Ce dernier est très largement majoritaire au Grand Orient de France (GO), la principale obédience française, qui compte quelque 40 000 membres. Autre obédience non reconnue par les Anglo-Saxons : la Grande Loge de France (GLF). Depuis 1945, un outsider, la Grande Loge Nationale Française (GLNF), se fait envahissant, avec un recrutement systématiquement élitiste et « une politique d’expansion tous azimuts ». Ces trois obédiences sont masculines (il en existe des féminines ou des mixtes). Sur l’axe traditionnel droite- gauche, pas forcément pertinent, la GLNF est la plus à droite, avant la GLF. La maçonnerie française dite “régulière” - du Rite Écossais Rectifié - s’était réfugiée en Suisse depuis la Révolution. Elle « va renaître grâce à la ténacité d’un membre de la Grande Loge Suisse Alpina, Édouard de Ribeaucourt. [...] Avec ses amis de la Loge Anglaise de Bordeaux, [...] il crée en 1913 la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies », un intitulé symptomatique puisqu’elle a vite pris la tête du lobby colonial, avant d’être rebaptisée GLNF. En application du Rite Écossais Rectifié, « tout candidat à la GLNF doit prêter serment sur l’Évangile de Saint-Jean et jurer fidélité à la sainte religion chrétienne. Au début de chaque “tenue” [réunion], la Bible est ouverte sur l’autel. » La GLNF va décoller au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec « l’installation du siège de l’Otan à Paris » et l’arrivée de « milliers de militaires américains, canadiens et britanniques, souhaitant pratiquer la maçonnerie de leur pays. » Indice significatif : « L’actuel siège européen de la franc-maçonnerie américaine se situe toujours à Heidelberg, QG des forces alliées occupant l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. » Dans les trois premières stratégies atlantistes (nucléarisation, stay behind, finance parallèle), la plupart des acteurs européens vont appartenir à des obédiences reconnues par les Anglo-Saxons. « Pour avoir accès aux 7 millions de frères au-delà de l’Hexagone, il faut appartenir à la GLNF. La maçonnerie libérale, elle, ne totalise que 800 000 membres. [...] “Quel que soit le pays, tu trouves un point de chute, explique un homme d’affaires maçon. L’obédience nous fournit ce qu’on appelle des “garants d’amitié”. Dans l’annuaire de la GLNF, tu trouves les coordonnées de ces “garants d’amitié” dans tous les pays. Si tu as besoin de renseignements ou d’appuis avant de te rendre quelque part, tu envoies un petit mot. Dans le pays en question, tu es invité dans une loge et tout de suite tu te constitues un réseau. Cela marche formidablement.” » « Voilà comment des hommes comme Pierre Falcone, impliqué dans la fameuse affaire de vente d’armes à l’Angola, se constituent des réseaux internationaux sans difficulté, grâce à des frères recommandés par la GLNF en fonction de leurs besoins. [...] Voilà pourquoi [...] de nombreux agents des services de renseignements extérieurs sont membres de la GLNF. » Nous reviendrons sur Pierre Falcone : ce n’est pas un homme d’affaires ordinaire, il vit aux États-Unis, est en lien avec la famille Bush, vend des armes dans des pays où les groupes pétroliers américains ont de considérables intérêts. La GLNF peut aider... Mais retournons en Suisse. L’on se souvient que le futur patron de la CIA, Allen Dulles y avait mijoté le stay behind dès 1942, redessinant les frontières idéologiques de l’Europe. Ce n’est pas un hasard. La Suisse est un bastion européen de la franc-maçonnerie “régulière”. De 1848 à 1914, tous les présidents de la Confédération ont appartenu à la Grande Loge Suisse Alpina. À partir de 1914, « il y eut toujours une majorité de membres au sein du Conseil fédéral qui fut ou membre de la Franc-maçonnerie, ou sous influence directe de cette dernière. » Cette influence va bien au-delà. En atteste un courrier courroucé de Daniel Fontaine, Grand Maître du Grand Prieuré des Gaules Ordres-Unis (GPDG) à son homologue suisse, le Grand Maître du Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie (GPIH). Cette longue lettre, datée du 27 décembre 2000, offre une excellente initiation au pouvoir maçonnique. Dans chaque pays “indépendant”, un Grand Prieuré est le gardien du Rite, le détenteur de la légitimité : il administre les trente grades supérieurs, tandis que la Grande Loge doit se contenter de gouverner les trois premiers grades. Le GPIH administre ainsi les grades supérieurs de la Grande Loge uploads/Geographie/ extrait-de-noir-chirac.pdf
Documents similaires
-
19
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 08, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0854MB