Géographie et cultures 31 | 1999 La postmodernité Les « Hespérides » de John Bu

Géographie et cultures 31 | 1999 La postmodernité Les « Hespérides » de John Buchan La rhétorique du langage et l’esthétique de l’expérience corporelle dans le Haut‑Veld sud‑africain, 1901‑1903 Jeremy Poster Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/gc/10401 DOI : 10.4000/gc.10401 ISSN : 2267-6759 Éditeur L’Harmattan Édition imprimée Date de publication : 1 juillet 1999 Pagination : 65-74 ISBN : 2-7384-7993-0 ISSN : 1165-0354 Référence électronique Jeremy Poster, « Les « Hespérides » de John Buchan », Géographie et cultures [En ligne], 31 | 1999, mis en ligne le 21 avril 2020, consulté le 30 avril 2020. URL : http://journals.openedition.org/gc/10401 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.10401 Ce document a été généré automatiquement le 30 avril 2020. Les « Hespérides » de John Buchan La rhétorique du langage et l’esthétique de l’expérience corporelle dans le Haut‑Veld sud‑africain, 1901‑1903 Jeremy Poster NOTE DE L’ÉDITEUR Article déjà publié dans Ecumene. Mes remerciements à Denis Cosgrove, Felix Driver, Peter Bishop, David Matless, Phil Crang et Gary Ferguson, membres du Groupe londonien de Géographes de l’histoire, et aux deux lecteurs anonymes pour leurs commentaires de valeur sur les premières versions de cet article. Toutes les erreurs de fait ou d’interprétation demeurent miennes. « La création et l’utilisation du paysage émergent toujours de contextes historiques et sociaux liés à une vie et à un lieu particuliers, en même temps qu’elles contribuent à la transformation ininterrompue de la vie des gens et des lieux. »1 « La chose est corrélative de mon corps et, en termes plus généraux, de mon existence, dont mon corps est simplement la structure stabilisée. »2 1 Durant l’été austral de 1902-1903, le futur homme politique John Buchan3 se trouvait dans le Woodbush, un coin éloigné du nord-est du Transvaal, territoire qui était devenu une colonie britannique six mois plus tôt. Situé à l’extrémité nord du grand escarpement qui court le long du bord oriental de l’Afrique du Sud, et jouissant d’un climat doux et variable grâce à l’ascendance de l’air humide qui circule le long de l’océan Indien, cette zone de 700 miles carrés tire son nom des riches forêts qui y ont prospéré jusqu’à la fin du XIXe siècle, date à laquelle elles ont été décimées par des bûcherons. En 1902, le Woodbush était un plateau ondulé avec de petits cours d’eau qui serpentaient au milieu de prairies luxuriantes et odoriférantes d’herbes et de fougères Les « Hespérides » de John Buchan Géographie et cultures, 31 | 1999 1 arborescentes, avec des forêts subtropicales confinées dans les vallées et sur les versants menant au Bas-Veld au-dessous. Buchan, qui était alors un avocat de 26 ans à peine, tomba amoureux de cette région, la décrivant comme « un paradis terrestre » ; jusqu’à sa mort quarante ans plus tard, il s’en rappelait comme de « vraies Hespérides ». Il était si enchanté par la région qu’il décida d’y revenir vivre un jour : « Sur le devant, j’aurai un jardin de fleurs, où toutes les fleurs tempérées et tropicales figureront, et dans un creux abrité, un verger d’arbres à feuilles caduques et une plantation d’orangers. Le bétail des hautes terres... divaguera sur les versants des collines. Mes fenêtres de derrière surplomberont de 4000 pieds les tropiques, celles de la façade donneront sur la longue perspective des prairies avec le mont Iron Crown pour que le soleil se couche derrière. »4 2 Buchan rapporte ses intentions dans un livre intitulé The African Colony : Studies in Reconstruction, partie oubliée aujourd’hui de son importante œuvre littéraire, et qui fut publiée quelques mois à peine après son retour à Londres5. Il avait été invité en Afrique du Sud par Lord Alfred Milner, haut-commissaire pour la région6, à rejoindre ce qu’on appelait le Kindergarten de jeunes étudiants idéalistes frais émoulus d’Oxford que le proconsul impérial avait choisis pour l’aider à restaurer le gouvernement civil dans les Républiques boers récemment annexées après la guerre d’Afrique du Sud7. Cette guerre avait transformé la région. Largement provoquée par les politiciens impérialistes de Londres et d’Afrique du Sud, pour lesquels les bassins aurifères du Transvaal avaient un prix considérable, c’était devenu un conflit dans lequel tous ceux qui vivaient dans le sous-continent, qu’ils soient blancs ou noirs, avaient été forcés de choisir leur camp. Dans les décennies qui suivirent, la guerre devait apparaître comme l’événement singulier de loin le plus important pour dessiner l’État sud-africain blanc ; la politique de Milner avait fourni une base solide à ce processus8. Pendant ce temps, en Grande- Bretagne, la guerre avait aussi remis en cause les stratégies agressives qui avaient jusqu’alors été utilisées pour accumuler les possessions impériales ; elle était devenue le catalyseur d’une réévaluation profonde des notions longuement acceptées d’identité et de mission nationales, et avait entraîné l’introduction d’une nouvelle phase de l’impérialisme britannique. 3 Quand la paix fut déclarée en mai 1902, l’intérieur du sous-continent était dans le chaos et l’œuvre de reconstruction à laquelle devaient faire face Milner et son Kindergarten était formidable. Les résultats de la politique de terre brûlée - fermes incendiées, bétail abattu à la mitrailleuse, récoltes déterrées et vergers abattus - étaient partout visibles dans le Veld sur les deux rives de la rivière Vaal ; il fallait rétablir dans leurs fermes des milliers de Boers emprisonnés. Les mines d’or du Witwatersrand, la ressource économique essentielle de la région, restaient fermées faute de main-d’œuvre et à cause des dommages qu’elles avaient subis ; dans le même temps, dans les zones rurales, seuls les chemins de fer étaient encore en état de marche car ils étaient si vitaux pour le contrôle britannique qu’ils avaient été férocement gardés. L’information cartographique sur la région était limitée à un fouillis de croquis de fermes boers levés à la main, de relevés ferroviaires et de cartes militaires des zones stratégiques9. La manière qu’avait Milner de concevoir la reconstruction était subtile et pénétrante, dans la mesure où elle était en accord avec la prise de conscience qui était en train de s’effectuer : l’avenir de l’Empire devrait être basé beaucoup plus sur la liberté que sur la force. Estimant que, seule l’influence civilisatrice de l’impérialisme apporterait la paix à l’Afrique du Sud et assurerait sa position de colonie britannique, Milner cherchait à restaurer la vie civile et économique, et eut raison des décennies de chauvinisme Les « Hespérides » de John Buchan Géographie et cultures, 31 | 1999 2 rampant dans la région. Il avait aussi de plus larges ambitions : il voyait dans les anciennes Républiques boers une occasion de créer un modèle de « pays pour l’homme blanc », un prototype pour les autres colonies « néo-impérialistes », modèle qui pourrait, en temps voulu, être exporté vers le reste de l’Empire. En conséquence, ses plans pour la reconstruction des nouvelles colonies étaient empreints des représentations idéalistes relatives à la culture, la société et l’environnement qui étaient alors courantes dans l’establishment en Grande-Bretagne, et qui « confondaient la salle des professeurs de Ali Souls (College) et le Veld en une même réalité psychique » 10. 4 Buchan était arrivé en Afrique du Sud à la fin de 1901, alors qu’on en était encore à gagner la guerre11, et devint rapidement l’assistant apprécié de Milner. Après avoir travaillé à améliorer les conditions dans les camps de concentration, il fut amené à s’occuper du rapatriement des Boers et à attirer les colons britanniques dont Milner pensait que leur présence serait cruciale pour que la région devienne une partie prospère et loyale de l’Empire. En tant que chef du Nouveau Département de colonisation (Land Settlement Department), Buchan ne fut pas seulement responsable de la préparation de plusieurs ordonnances clefs ; il dut aussi voyager à travers toute la région pour contrôler le retour dans leurs terres des gens déplacés et pour étudier les zones pour la nouvelle colonisation. Ce sont ces voyages - échappées bienvenues aux 16 heures quotidiennes de travail au bureau à Johannesburg ou à Pretoria - qui furent la base de The African Colony. Ils le menèrent dans le Transvaal occidental, dans la vallée du Limpopo, dans le Haut-Veld et à l’escarpement du Drakensberg. Les itinéraires étaient pénibles (et parfois dangereux) ; ils commençaient aux têtes de ligne les plus reculées des chemins de fer et passaient à travers des régions éloignées et à peine habitées12 (Figure 1). Les trois sections de longueur à peu près égale de The African Colony traitent successivement de l’histoire de la région, de son état actuel et de ses perspectives futures. Toutes les parties de l’ouvrage sont toutefois pénétrées de longs passages de description lyrique de paysages, ce qui conduit à se demander si l’ouvrage était conçu pour être lu comme un sobre document politique destiné à promouvoir la consolidation néo impériale, ou comme un morceau de récit de voyage impressionniste. Les « Hespérides » de John Buchan Géographie et cultures, 31 | 1999 3 Figure 1 : Carte de la colonie du Transvaal en 1906, montrant les grandes divisions altitudinales qui déterminaient la perception de ce qui était colonisable par les Blancs à l’époque. Le Woodbush est uploads/Geographie/ gc-10401.pdf

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