ANNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES Mathématiques ENRICO GIUSTI Les méthodes des
ANNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES Mathématiques ENRICO GIUSTI Les méthodes des maxima et minima de Fermat Tome XVIII, no S2 (2009), p. 59-85. <http://afst.cedram.org/item?id=AFST_2009_6_18_S2_59_0> © Université Paul Sabatier, Toulouse, 2009, tous droits réservés. L’accès aux articles de la revue « Annales de la faculté des sciences de Toulouse Mathématiques » (http://afst.cedram.org/), implique l’ac- cord avec les conditions générales d’utilisation (http://afst.cedram.org/ legal/). Toute reproduction en tout ou partie cet article sous quelque forme que ce soit pour tout usage autre que l’utilisation à fin strictement person- nelle du copiste est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou im- pression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright. cedram Article mis en ligne dans le cadre du Centre de diffusion des revues académiques de mathématiques http://www.cedram.org/ Annales de la Facult´ e des Sciences de Toulouse Vol. XVIII, n◦Sp´ ecial, 2009 pp. 59–85 Les m´ ethodes des maxima et minima de Fermat Enrico Giusti(∗) 1. Introduction Une des difficult´ es qui se pr´ esentent ` a ceux qui veulent ´ ecrire sur l’histoire des sciences, et particuli` erement des math´ ematiques, c’est de reconstruire le parcours id´ eal qui a amen´ e un auteur des premi` eres ´ ebauches ` a l’œuvre accomplie. Car, d’habitude, le math´ ematicien nous offre une th´ eorie dans son ´ etat final, sans se soucier de nous mettre au courant des probl` emes qu’il a dˆ u r´ esoudre, des d´ etours qu’il a ´ et´ e oblig´ e de suivre, des impasses qu’il a prises et qu’il a dˆ u abandonner. Normalement, le premier pas consiste en l’´ etablissement d’une chronologie ; on s’aidera des diff´ erentes r´ edactions d’un texte, en les comparant entre elles pour les ranger en bon ordre, on lira la correspondance pour y trouver des r´ ef´ erences ` a des moments diff´ erents du d´ eveloppement de la doctrine. ` A la fin de ce travail, l’historien aura ` a sa disposition non plus des ouvrages math´ ematiques atemporels, mais des textes dou´ es de profondeur historique, o` u il pourra lire en filigrane les ´ etapes successives de leur g´ en´ eration et, par ce moyen, arriver ` a une compr´ ehension plus profonde de la pens´ ee de son auteur. Tout cela est particuli` erement difficile ` a r´ ealiser en ce qui concerne l’œuvre de Fermat sur les maxima et les minima et sur les tangentes. D’abord, tous les textes importants semblent avoir ´ et´ e compos´ es dans une p´ eriode tr` es courte, qui va de la publication de la G´ eom´ etrie de Descartes en automne 1637 jusqu’` a l’´ et´ e 1638 ; un laps de temps trop court pour qu’il y ait une v´ eritable maturation d’id´ ees et de m´ ethodes. Deuxi` emement, tous les textes dont nous disposons, ` a l’exception d’un seul, nous sont parvenus sous forme de copies, souvent tr` es tardives et issues elles-mˆ emes d’une copie pr´ ec´ edente ; il nous manque donc toute l’«´ epaisseur » des manuscrits ori- ginaux. Mais, ce qui est plus important, tous ces textes ne t´ emoignent pas du moment de la d´ ecouverte, mais plutˆ ot de celui de la communication. (∗) Dipartimento di matematica, Universit` a di Firenze. Recherche effectu´ ee dans le cadre du programme « Storia delle matematiche » du MIUR. – 59 – Enrico Giusti Il est bien connu, en effet, que Fermat ´ etait depuis quelque temps en pos- session de sa m´ ethode1, et que seulement la publication de l’ouvrage de Descartes avec sa solution du probl` eme des tangentes l’a d´ etermin´ e ` a dif- fuser un certain nombre d’´ ecrits, dont on ne sait pas avec certitude la date de composition, pour affirmer au moins son ind´ ependance de la m´ ethode cart´ esienne. La composition et le contenu de ces ´ ecrits ne correspondent donc pas ` a des moments successifs d’´ elaboration scientifique, mais ` a une strat´ egie de communication qui d´ epend des rapports entre Fermat et le des- tinataire – formels avec Descartes, amicaux avec Roberval et Mersenne – et qui seule d´ etermine le niveau et le contenu des textes. Pour cette raison, une classification temporelle des ´ ecrits qui nous restent, mˆ eme si elle ´ etait possi- ble, nous donnerait tr` es peu de lumi` eres sur la d´ emarche fermatienne, moins encore sur l’enchaˆ ınement des id´ ees : la chronologie mat´ erielle ne co¨ ıncide pas avec la chronologie de la pens´ ee. Le premier volume des Œuvres2 recueillit sept ´ ecrits de Fermat con- cernant la m´ ethode des maxima et des minima. Il s’agit des textes qui occupent les pages3 133 ` a 172, de diff´ erentes longueurs et de contenus, mais tous ´ ecrits, ` a l’exception du dernier, Analysis ad refractiones, beaucoup plus tardif, entre la fin de 1637 et le milieu de 1638. Nous en donnons la liste, en conservant les titres des Œuvres : I. Methodus ad disquirendam maximam et minimam. De tangentibus lin- earum curvarum. Envoy´ e ` a Descartes par l’interm´ ediaire de Mersenne, d´ ecembre 1637. II. Centrum gravitatis parabolici conoidis, ex eadem methodo. Probablement envoy´ e ` a Roberval par l’interm´ ediaire de Mersenne. Il contient une allusion ` a une remarque de Descartes («semper fallit ista methodus ») que Fermat a re¸ cue en mars 1638. III. Ad eamdem methodum (Volo mea methodo . . . ) Sans date, mais tr` es semblable ` a I. On y trouve la solution d’un probl` eme d’Apollonius mentionn´ e par Pappus, et la tangente ` a l’ellipse au lieu de celle ` a la parabole. (1) Dans sa correspondance avec Mersenne et Roberval, en particulier dans une lettre ` a Roberval du 22 septembre 1636 (Œuvres, II, 71-74), Fermat dit avoir donn´ e sa m´ ethode ` a Despagnet il y a environ sept ans, donc il la poss´ edait en 1629. (2) Œuvres de Fermat, publi´ ees par les soins de MM. P. Tannery et Ch. Henry. Paris, Gauthier-Villars, 4 volumes + Suppl´ ement, 1891-1922. (3) On doit excepter l’´ ecrit Problema missum ad reverendum patrem Mersennum, dat´ e 10 novembre 1642 (pp. 167-169) qui bien que traitant d’un probl` eme de maximum, n’utilise pas la m´ ethode de Fermat. – 60 – Les m´ ethodes des maxima et minima de Fermat IV. Methodus de maxima et minima. Date inconnue. On y trouve une allusion ` a la lettre de Descartes ` a Mersenne du 18 janvier 1638. Les probl` emes sont les mˆ emes que dans I et III. Cette pi` ece fut transmise par Mersenne ` a Michelangelo Ricci et Evangelista Torricelli lors du voyage du minime en Italie en 1644, avec V et peut-ˆ etre III. V. Ad methodum de maxima et minima appendix. Sans date. Il traite des maxima et minima de quantit´ es renfermant des radicaux. VI. Ad eamdem methodum (Doctrina tangentium . . . ) Seule pi` ece dont on a l’autographe. Fermat fait r´ ef´ erence au probl` eme d’Apollonius en III, et ` a la m´ ethode des maxima et minima «jamdu- dum tradita ». Il y a aussi une allusion au fait que sa m´ ethode avait ´ et´ e jug´ ee un peu trop concise. On y traite le probl` eme des tangentes dans deux cas : quand la courbe est d´ ecrite en termes des coordonn´ ees, et quand elle est donn´ ee par des courbes, ce deuxi` eme cas ayant ´ et´ e jug´ e difficile par Descartes (lettre de Descartes ` a Fermat, 25 septem- bre 1638). VII. Analysis ad refractiones. Pi` ece tr` es tardive, envoy´ ee par Fermat ` a M. de la Chambre en 1662. ` A ces morceaux il faut ajouter les pi` eces extraites de la correspondance, toujours dans la p´ eriode consid´ er´ ee, qui sont pour la plupart li´ ees ` a la dis- cussion sur la m´ ethode entre Descartes d’un cot´ e, Fermat et Roberval de l’autre, presque toujours conduite par l’interm´ ediaire de Mersenne4. 2. Origine et d´ eveloppements de la m´ ethode de Fermat Nous examinerons d’abord les ´ ecrits mentionn´ es plus haut. ` A premi` ere vue, ils se partagent en deux cat´ egories distinctes, les quatre premiers con- cernant les fondements de la m´ ethode, et les trois suivants des d´ eveloppe- ments plus avanc´ es. Le dernier, tr` es tardif comme on a dit, se trouve li´ e ` a V du point de vue math´ ematique, mais il semble se situer ` a un ´ etage pr´ ec´ edent de la th´ eorie. En effet, un examen plus attentif conseille de s´ eparer II des autres, car il ne s’agit l` a ni de maxima et minima ni de tangentes, mais (4) Cette correspondance a ´ et´ e publi´ ee plusieurs fois, d’abord dans les Œuvres de Fermat, puis dans celles de Descartes et, plus r´ ecemment, uploads/Geographie/ giusti-fermat-max-min.pdf
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- Publié le Apv 27, 2022
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