PORTRAIT 1920-1958, deux dates importantes dans la vie d’une grande personne. I
PORTRAIT 1920-1958, deux dates importantes dans la vie d’une grande personne. Il s’agit de Boucif Mokhtar dit Kadda fils de Mohamed et de Bounab Zina de la région de Mascara. C’est par devoir de mémoire que votre serviteur a décidé d’écrire cet article dans le but de retracer le parcours de cette personne avec un maximum de détails tirés de témoignages de parents (es) d’amis et d’anciens élèves. Originaire d’une famille issue de la tribu Ouled Sidi Kadda Ben Mokhtar, celle aussi de l’Emir Abdelkader, habitant un bourg appelé Nesmoth dans la périphérie du village Sidi Kadda (Mascara), aux terres arides où la subsistance était des plus difficiles, il y grandit au milieu d’une fratrie composée de Ahmed, Djillali, Bekhada, Abderahmane, Kaltouma, Fatma et Khedidja tout en profitant de la chaleur familiale. Le jeune Kadda s’attela d’abord à « voler » aux colons le Savoir. Il savait que sans cela, l’accès parmi l’élite même du Second Collège était impossible, sachant que le Premier Collège était réservé exclusivement aux européens ; enfin aux nantis. Son passage dans le cycle primaire et secondaire à Mascara ne se déroula pas sans difficultés. Son père Si Mohamed, fellah de son état, le plaça malgré les difficultés de la vie quotidienne chez une parente dénommée Melouka Bent Boughrara dans le quartier indigène Bab Ali en contrepartie de remise de produits de la terre selon la pratique (Eretba) de l’époque. Caressant l’espoir de devenir enseignant, à cette époque un grand statut, il fit de brillantes études à Bouzareah à Alger avec son frère ainé Ahmed et feu Djillali le cadet disparu en 1949 dans des conditions tragiques au cours d’un séjour à l’étranger. Grâce à son bagage intellectuel, il comprit la problématique des algériens et adhéra tout jeune au mouvement nationaliste pour s’imprégner des principes de la décolonisation et de l’affranchissement des peuples. Il suivait l’actualité internationale et avait suffisamment remarqué que la discrimination imposée aux algériens était devenue insupportable ; La politique des deux poids, deux mesures était ostensiblement répugnante. En ce qui concerne le jeune instituteur Si Kadda, il est affecté dans les années 40 comme instituteur à Terga village de la circonscription d’Ain Témouchent, région connue par son implantation en viticulteurs français après avoir pris comme épouse Aoumria Bent Ahmed Belguendouz notable de la tribu de Ouled Sid Ahmed Bénali qui était déjà marié avec sa tante maternelle Setti Bent Bounab. Après une période relativement courte, il est muté à Ain Hadjar dans le département de Saida en qualité de directeur instituteur. Il passa plusieurs années dans cette région où ses anciens élèves gardent encore de lui de très bons souvenirs. Dans sa lancée, il se voit confier la direction de l’école primaire de la ville de Palikao actuellement Tighennif dépendant de Mascara. Ses élèves et ses anciens collègues de travail, pour les uns encore en vie, pour les autres plus de ce monde, lui vouèrent un grand respect. Nous sommes le 1er Novembre 1954. La Révolution Algérienne, pour libérer l’Algérie du joug colonialiste français présent depuis 1832, venait de commencer. Ceci, le jeune Kadda pour la famille et Mokhtar pour l’état civil, le savait parfaitement. Son âge mûr, son niveau intellectuel conjugué à son militantisme avéré lui donnait suffisamment de conviction que le colonialisme devait quitter son pays. En d’autres termes, il était prêt au sacrifice suprême sachant tout de même que toute créature humaine aspire à rester en vie. Après son passage à Palikao, il est muté à Thiersville actuellement connue sous le nom de Ghriss dans la région de Mascara. La ville de Thiersville était dirigée à l’époque de la guerre d’Algérie car c’en était une et non une série événements comme certains cercles veulent le faire croire, par un sinistre colon du nom de Félix Vallat. Cette personne était connue par ses relents racistes à l’endroit des arabes, fut-il, le directeur d’une Ecole de la République Française. Si Kadda, grâce à son militantisme assorti de son bagage intellectuel avait déjà compris l’objectif recherché par ce type de colonialiste et consorts pour terroriser la population afin de la faire renoncer à son idéal fait de liberté. En face, l’autre objectif tracé par les initiateurs de la Révolution Algérienne Larbi Ben M’hidi, Boudiaf, Bouchaib, Zabana et tous les autres l’imprégnait profondément. Pour lui, il fallait résister même au prix du sacrifice suprême, la mort. Intelligent qu’il était, il avait « conquis » le Savoir et comprenait le bien-fondé de la demande de l’Indépendance de son pays. Sa force d’analyse, il la tirait de sa passion pour la lecture. Cette soif de la lecture était étanchée par des revisites attentionnées d’écrits sur l’Emir Abdelkader, Simon de Bolivar, l’Emir Khaled et l’Etoile Nord- Africaine, le combat des Indochinois, la Révolution des officiers libres en Egypte etc… sans pour autant négliger Rousseau, Pascal, Baudelaire, Racine, et beaucoup d’autres écrivains. Il fallait donc faire passer le message à ses élèves « indigènes » et casser ainsi cette vision étriquée de sous-hommes que les français collaient injustement à ses compatriotes. Féru de culture française, il ne négligea pas pour autant de connaitre davantage la richesse de la culture arabo- musulmane. Son professionnalisme avéré associé à une fine psychopédagogie était reconnu pas tous ses collègues européens, hommes et femmes aux dires de ses anciens amis. Voyons ce que dit, un de ses anciens élèves, Dali Tayeb cadre fiscal à la retraite : « Un jour, Si Kadda demanda avec insistance à un élève de bien fournir un dossier pour entrer à l’Ecole des Cadets de Koléa. Il fit le nécessaire pour qu’il quitte Ghriss du fait qu’il était un élève brillant. Un jour, ayant appris que ses parents avaient refusé de le laisser partir pour un avenir meilleur, il lui fit part de son mécontentement en l’apostrophant sévèrement comme le fait un père envers son fils. L’élève, ayant atteint l’âge adulte, comprit que Si Kadda voulait déjà préparer les cadres de l’après- indépendance de l’Algérie ». Comme le dit l’adage : « le Savoir Faire s’acquiert par la pratique de ce qui est appris… » Habité par la pensée de mieux servir son pays une fois libéré du joug colonialiste, il n’avait de cesse d’haranguer, le mot n’est pas fort, ses élèves algériens pour acquérir le maximum de connaissances. Il savait le faire à sa manière. Une fois, ajouta Dali Tayeb : « il fit sortir tous les élèves français en sus des filles pour nous dire ouvertement qu’il n’est pas sûr de voir l’indépendance de l’Algérie. Par contre, il était convaincu que nous les jeunes avions beaucoup d’espoir de jouir de cette indépendance. Pour assumer cet avenir, il fallait étudier malgré toutes les contraintes. A cette époque, les « gueux » que nous étions aux yeux des français de notre âge arrogants et se sentant plus civilisés que nous, devaient s’orienter vers les métiers et en particulier agricoles ; pas plus ». Dali Tayeb, très ému quand il parle de son instituteur, ajouta que le domicile de Si Kadda était ouvert aux élèves arabes et en particulier les nécessiteux studieux. A l’époque, sa femme gavait ses élèves algériens par des friandises et autres mets succulents que seule, elle, savait le faire. Et il en était parmi. Il disait souvent à l’adresse de ses « indigènes » qu’ils sont d’origine plus noble que ces colons racistes sans par autant occulter que le peuple algérien avaient des amis (es) parmi le peuple français. Il disait aux élèves algériens qu’il faut se transcender pour réussir ses études. Pour ce faire, il fallait étudier, rien qu’étudier, mieux étudié que les autres. Tel était son leitmotiv. Il était très content quand nous obtenions, sans tricher, bien sur de très bonnes notes. Ses enfants qui étaient avec nous dans la même classe n’avaient aucune faveur ; bien au contraire, ils étaient corrigés lorsqu’ils ne travaillaient pas assez. Il faisait de son mieux, même si il fallait se battre avec le diable pour faire passer l’écueil dressé délibérément contre les « gueux » par le système ségrégationniste. Il s’appliquait, néanmoins, à ne pas verser dans l’injustice envers les élèves français. Pour lui, c’était l’Ecole Publique même si certains (nes) de ses collègues européens versaient sournoisement dans la discrimination à l’endroit des petits algériens. A cette époque, Si Kadda avait un confort matériel que beaucoup lui enviait même parmi les européens. Aider autrui, de sa famille ou pas, était un devoir pour Si Kadda. Humble et généreux qu’il était, il n’osait jamais dire non. Directeur d’école à cette époque lui conférait un statut élevé. Il avait une voiture de type Peugeot 203 qu’il mettait souvent à la disposition de toute sa famille. Plus tard, son gendre Ali Boukaroucha aujourd’hui décédé connu sous le nom de guerre de Boubekeur, utilisera cette voiture pour convoyer avec la complicité de son épouse Fatima Bent Tâalbi des armes, des munitions, des tenues militaires, des médicaments et des denrées alimentaires aux moudjahidines ; ceci se pratiqua plusieurs années jusqu’à l’arrestation de ce dernier qui fut torturé bestialement. Il en uploads/Geographie/ hommage-aux-chouhada.pdf
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- Publié le Jan 07, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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