La France punira la discrimination fondée sur l’accent Agence France-Presse à P
La France punira la discrimination fondée sur l’accent Agence France-Presse à Paris 27 novembre 2020 Des députés témoignant d’une « forme de racisme » ou de « moqueries » : le Parlement français a adopté jeudi à une très large majorité une proposition de loi réprimant la discrimination fondée sur l’accent, avec le soutien du gouvernement. Le texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale par 98 voix contre 3 vise à inscrire l’accent comme une des causes de discrimination réprimées par la loi, au même titre que l’origine ethnique, le sexe ou le handicap. La peine prévue s’élève à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende. La loi proposée par le député de l’Hérault, Christophe Euzet, a donné lieu à un débat animé et empli d’émotions. Les minorités “audibles” sont les grandes oubliées du contrat social fondé sur l’égalité — Christophe Euzet La députée de Polynésie française, Maina Sage, a dénoncé une « forme de racisme » en évoquant les difficultés que peuvent rencontrer les personnes parlant, comme elle, avec des intonations d’outre-mer. Patricia Mirallès, fille de rapatriés d’Afrique du Nord, a évoqué le souvenir douloureux des « moqueries » envers l’accent pied-noir, qu’elle a brièvement repris dans son intervention. D’autres élus ont dénoncé le fait, par exemple, que des journalistes au fort accent soient relégués « à la chronique rugbystique ou au bulletin météo ». À l’inverse, Jean Lassalle a affirmé qu’il ne voterait pas le texte. « Je ne demande pas la charité, je ne demande pas à être protégé parce que je suis comme je suis », a-t-il lancé, avec son fort accent du sud-ouest de la France. Emmanuelle Ménard, élue d’extrême droite de Béziers, a, elle, jugé « inconvenant » de placer l’accent au même titre que le handicap au titre des motifs de discrimination. Le ministre de la Justice et ancien avocat, Éric Dupond-Moretti, lui, s’est dit « archiconvaincu » par le texte. « À l’heure où les minorités “visibles” bénéficient de la préoccupation légitime des pouvoirs publics, les minorités “audibles” sont les grandes oubliées du contrat social fondé sur l’égalité », a plaidé M. Euzet. Cette loi entend promouvoir « la diversité de prononciation de la langue française » en « prohibant les “discriminations par l’accent” que l’on constate factuellement dans les fonctions impliquant, tout particulièrement, une expression publique », selon son exposé des motifs. M. Euzet a précisé qu’il s’agissait de réprimer les discriminations dans le travail en particulier, mais pas le simple « humour » sur les accents locaux. https://www.ledevoir.com/monde/europe/590475/la-france-punira-la-discrimination- fondee-sur-l-accent Jean-Michel Aphatie : "C'est une forme de discrimination insupportable" https://www.youtube.com/watch?v=JyBY29CRdRo L’accent est-il un motif de discrimination ? Motivez votre réponse. Glottophobie : comment le français "sans accent" est devenu la norme 22/11/2020 (MIS À JOUR À 08:03) Par Benoît Grossin Entretien |Depuis la Révolution, deux grandes phases d’unification ont conduit à la marginalisation des accents régionaux. L’imposition du modèle de la bourgeoisie parisienne, en tant que langue de référence, aboutit à des discriminations. L'inventeur du terme glottophobie, Philippe Blanchet, y revient. Entre 1911 et 1914, en pleine imposition du français, le linguiste Ferdinand Brunot, au centre de la photo, a collecté dans différentes régions des scènes sonores, ici dans les Ardennes, en étant attentif aux moindres nuances d'accent.• Crédits : BNF L’accent sera-t-il ajouté dans l’article 225-1 du code pénal qui interdit les discriminations en France ? C’est ce que demande le député héraultais Agir Christophe Euzet dans une proposition de loi pour combattre la glottophobie, soit toutes les discriminations linguistiques . Un Français sur deux estime parler avec un accent, selon un sondage IFOP publié en janvier 2020. Plus d'un quart d'entre eux affirment être régulièrement l’objet de moqueries dans leur quotidien. Et d'après les résultats de cette étude, quelque 11 millions de Français auraient été victimes de discriminations lors d'un concours, d'un examen ou d'un entretien d'embauche, à cause de leur accent. Deux grandes époques, deux grandes phases d’unification ont conduit à la stigmatisation des accents régionaux : l'imposition du français après la Révolution à la fin du XVIIIe siècle et l’imposition, à partir du XXe siècle, d’une même prononciation. Le modèle de la bourgeoisie parisienne a été, depuis 1789, le modèle de référence. Au début du XXe siècle, le français n’est encore parlé que par une minorité de la population. D’autres langues, le provençal, le breton, le catalan ou encore le flamand restent majoritairement utilisés, de région en région. Le français ne s’installe que progressivement, quand la monarchie devient absolue au cours du XVIIIe siècle. C’est à partir de la Terreur que la langue s'officialise, selon l’idée alors de créer une nation unie autour du français, la langue du bassin parisien, celle de la capitale, dans le cadre de la mise en place d’un système centralisé. Avec l’école puis les médias comme acteurs-clés, la stigmatisation des langues régionales, lors de l’imposition du français, a évolué depuis les années 1970 vers une stigmatisation des accents qui aboutit parfois à des phénomènes de discrimination. Entretien avec Philippe Blanchet, professeur de sociolinguistique à l’université de Rennes 2 et auteur de Discriminations : combattre la glottophobie. L’ordonnance de Villers- Cotterêts n’a pas imposé le français au XVIe siècle mais conduit, selon Philippe Blanchet, à remplacer le latin, dans les régions, par une langue locale : l’occitan, le breton, le provençal, le gascon... • Crédits : Philippe Blanchet Comment le français "sans accent" est-il devenu la norme dans l’Histoire ? Avant le XVIIIe siècle, la question ne se pose pas. Le royaume de France est constitué de provinces extrêmement diverses avec des statuts très différents les unes par rapport aux autres. Plusieurs sont réputées étrangères et disposent de très fortes autonomies. Le fait qu’on n’y parle pas français et qu’on y utilise d’autres langues est alors considéré comme banal. Au XVIe siècle, le français n’était parlé que dans la région parisienne et ses alentours. Il était à peu près totalement inconnu ailleurs à l’oral. L’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 ne cherchait pas à imposer le français mais seulement à mettre en place l’utilisation d’une langue, écrite et parlée, compréhensible par les administrés et les justiciables. Et tout au long du XVIe siècle, cette ordonnance a été comprise comme prescrivant qu’on utilise la langue locale. Et finalement à cette époque, le latin a été remplacé par l’occitan, le breton, le provençal, le gascon... Progressivement, le français a été imposé comme langue de l’écrit et uniquement comme langue de l’écrit. Personne ne le parlait et cela ne venait à l’idée de personne de le parler. Tout le monde trouvait normal que chacun parle sa langue. Le français, comme langue écrite, est mis en place à partir du XVIIe siècle, avec la création notamment en 1635 de l’Académie française, chargée d’élaborer une langue normative, une langue de pouvoir. Cela a conduit à une généralisation de l’usage du français par les aristocrates de la Cour, au XVIIIe siècle Pour combattre le latin et pour affirmer le pouvoir du roi, à la place du pouvoir de l’église, le français est alors imposé dans les textes juridiques et administratifs. Gravure représentant Louis XIV recevant en 1694 les membres de l'Académie française, chargée d’élaborer sous la forme d’un dictionnaire, “une langue normative, une langue de pouvoir”. • Crédits : BNF A quelle époque le français s’est-il répandu, en tant que langue parlée ? A la Révolution française, la grande bourgeoisie, la partie les plus aisée du tiers état, prend le pouvoir à la place de l’aristocratie. Et comme la Révolution, évidemment, se déroule principalement dans la capitale, c’est donc la grande bourgeoisie "parisienne", qui prend le pouvoir, avec l’aide de certains aristocrates "éclairés", comme Mirabeau et de membres du clergé, comme l’Abbé Grégoire. La grande bourgeoisie parisienne prend le pouvoir en récupérant parmi ses attributs, la langue française. Une deuxième étape intervient lors de la mise en place du régime de la Terreur, à partir de 1793. La Révolution se transforme en dictature, en écrasant les "fédéralistes", les Girondins, ceux qui voulaient une France unie dans sa diversité. Les Jacobins, pour une France très centralisée, avec pour modèle - le modèle parisien - prennent alors le pouvoir, avec la volonté de faire de la langue française, un outil emblématique pour unifier le pays, en lui donnant une même langue, une seule et même langue. Par la loi, le français est imposé et les autres langues sont interdites. Une série de dispositions sont prises en 1793 et 1794, en relation avec le rapport de l’Abbé Grégoire sur la nécessité de l’éradication de ce qu’ils appelaient à l’époque les dialectes et les patois, sur la nécessité d’universaliser l’usage de la langue française. Gravure d’un comité révolutionnaire sous la "Terreur", régime qui impose le français par la loi, dans le cadre de la mise en place d’un système centralisé, avec pour référence, le modèle de la bourgeoisie parisienne. • Crédits : BNF C’est un outil de pouvoir et un outil pour mettre en place une certaine forme d’unification nationale. Au lieu de former un pays constitué d’entités, de composantes ayant uploads/Geographie/ l-x27-accent-francais.pdf
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- Publié le Fev 19, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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