Diasporas, développements et mondialisations Éditeurs scientifiques: Rosita Fib

Diasporas, développements et mondialisations Éditeurs scientifiques: Rosita Fibbi, Jean-Baptiste Meyer Numéro 22 autrepart Déjà parus: Les Arts de la rue dans les sociétés du Sud, Michel Agier et Alain Ricard Familles du Sud, Arlette Gautier et Marc Pilon Variations, 1997 Empreintes du passé, Edmond Bernus, Jean Polet et Gérard Quéchon Communautés déracinées dans les pays du Sud, Véronique Lassailly-Jacob Échanges transfrontaliers et Intégration régionale en Afrique subsaharienne, Johny Egg et Javier Herrera Variations, 1998 Drogue et Reproduction sociale dans le Tiers Monde, Éric Léonard La forêt-monde en question, François Verdeaux Les identités contre la démocratie, René Otayek Variations, 1999 Le sida des autres. Constructions locales et internationales de la maladie, Claude Fay Survivre grâce à… Réussir malgré… l’aide, Bernard J. Lecomte, Jean-David Naudet Logiques identitaires, logiques territoriales, Marie-José Jolivet Variations, 2000 Afrique noire et Monde arabe: continuités et ruptures, Emmanuel Grégoire, Jean Schmitz Des écoles pour le Sud: stratégies sociales, politiques étatiques et interventions du Nord, Marie-France Lange Les jeunes: hantise de l’espace public dans les sociétés du Sud, René Collignon, Mamadou Diouf Variations, 2001 Les fonctionnaires du Sud entre deux eaux: sacrifiés ou protégés?, Marc Raffinot, François Roubaud Gérer la ville: entre global et local, Élisabeth Dorier-Apprill, Sylvy Jaglin Couverture: atelier graphique des éditions de l’Aube Illustration: © Mabel Zarama Vasquez © Éditions de l’Aube, IRD (Institut de recherche pour le développement), 2002 ISBN 2-87678-748-2 ISSN 1278-3986 Sommaire Rosita Fibbi, Jean-Baptiste Meyer: Introduction. Le lien plus que l’essence ............................................................................................................ 5 Chantal Bordes-Benayoun: Les diasporas, dispersion spatiale, expérience sociale ................................................................................................................................ 23 Claude Denjean: L ’espace et la diaspora juive méridionale et ibérique (XIIe-XVe siècles) ...................................................................................................................................... 37 Annick Mello: La communauté judéo-marocaine: diaspora et fuite des élites ............................................................................................................ 53 Jean-Luc Maurer: Les Javanais de Nouvelle-Calédonie: des affres de l’exil aux aléas de l’intégration ............................................................... 67 Claudio Bolzman: De l’exil à la diaspora: l’exemple de la migration chilienne .................................................................................... 91 Guillaume Lanly: Les associations de migrants internationaux dans trois communautés rurales mexicaines ................................................................ 109 Jules Bagalwa-Mapatano, Laurent Monnier: Les sociétés de transfert de fonds entre la Suisse et la République démocratique du Congo ...................................................................................................................................................... 129 Mihaela Florina Nedelcu: L ’utilisation d’un espace virtuel par une communauté de professionnels immigrés: vers une nouvelle forme d’organisation diasporique? ......................................... 147 Mercy Brown: Intellectual Diaspora Networks: their Viability as a Response to Highly Skilled Emigration ........................................ 167 Notes de lecture ......................................................................................................................................... 179 Résumés/Abstracts ................................................................................................................................. 187 Introduction Le lien plus que l’essence Rosita Fibbi *, Jean-Baptiste Meyer ** Diasporas, développements et mondialisations…, cherchez l’intrus! Le triptyque semble asynchrone tant ses termes renvoient à deux époques différentes en sciences sociales. En effet, si le premier et le troisième sont aujourd’hui couramment utilisés, ils ne l’étaient guère au moment où le second faisait florès, quelques décennies pas- sées. Ce dernier correspond au projet moderniste, national, de la décolonisation, tan- dis que les deux autres servent souvent de référents à des approches postmodernes, ou sont surtout mobilisés pour interpréter des phénomènes très récents et trans- nationaux. Entre diaspora et mondialisation, la notion de développement paraît aussi incongrue qu’une tache de Miro sur des rayures de Buren. Pourtant, au-delà de leurs contextes culturels différents, les trois termes ont une caractéristique commune: une extrême polysémie qui défie jusqu’à présent toute tentative d’accord universel sur les notions qu’ils recouvrent. Si cette richesse sémantique est l’occasion de débats conceptuels intéressants, elle ne favo- rise guère, cependant, l’exportation et l’usage opératoire de ces concepts dans d’autres champs de la pensée et de l’action. Il y a donc là plus qu’un problème de terminologie: les controverses sur les sens à attribuer nuisent à la clarté nécessaire à leur utilisation constructive. Ce numéro d’Autrepart est un pari: celui de lier et de traiter ces trois termes, dans leur interdépendance, établie sur le constat empirique de la juxtaposition fré- quente des situations qu’ils traduisent. La diaspora est un thème ancien mais récemment redécouvert, avec la multiplication de formes d’expatriation résultant de migrations nombreuses, tout particulièrement celle du siècle dernier 1. Le déve- loppement, à l’inverse, tombe en désuétude alors même que sa problématique (en creux, le sous-développement) reste d’une brûlante actualité. Enfin, le terme de mondialisation capture le phénomène d’intégration planétaire à la fois dans son his- toricité (le phénomène s’enracine loin et profond) et dans sa contemporanéité (c’est aujourd’hui que l’on s’en sert pour qualifier la forme sociétale en émergence). Les trois sont souvent associés et s’éclairent mutuellement. Le lien entre eux pourrait Autrepart (22), 2002 : 5-21 * PD à l’Institut d’anthropologie et sociologie de l’université de Lausanne, chef de projet au Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population, université de Neuchâtel. ** Chercheur IRD, UR travail et mondialisation. 1 Cf. le colloque 2000 ans de diaspora, Migrinter, Poitiers, février 2002. se formuler ainsi: l’actuelle prolifération des formes « diasporiques » résulte d’une mobilité humaine indissociable des différentiels de développement alignés sur deux axes, Sud-Nord et Est-Ouest, à l’échelle planétaire. Les trois substantifs ont été mis au pluriel pour souligner la multiplicité des formes qu’ils recouvrent, afin d’aller au-delà de leurs définitions – controversées pour chacun des trois – et porter ainsi le regard davantage sur leurs interrelations que sur leurs contenus isolés. Ce texte, ainsi que tous ceux qui suivent, ne prétend point clôturer les discussions portant sur ces termes fort chargés. Mais ils mettent ces derniers, d’une part, en perspective par leurs associations et, d’autre part, en contexte par leur liaison descriptive de situations originales rapportées empirique- ment. Le pari est que cette triangulation donne un relief accru à chacun de ces concepts et des capacités explicatives supplémentaires pour certains phénomènes très récents auxquels ils correspondent. Les paragraphes qui suivent visent à syn- thétiser ces apports combinés. Diasporas: produits de l’histoire Notre environnement quotidien, nos villes changent et se colorent avec la pré- sence – devenue désormais habituelle – de visages originaires d’ailleurs qui s’ins- crivent progressivement dans le paysage local. Avant-hier, ils venaient du sud de l’Europe, hier, du sud de la Méditerranée, aujourd’hui du sud du Sahara ou de l’est et du sud-ouest de la planète. La diversité des provenances mène à penser que le phénomène migratoire et le foisonnement de ses modalités présentent une ampleur jusqu’ici inégalée ainsi que des traits tout à fait inédits. Pour apprécier si cette perception est correcte, il convient d’interroger la réalité des chiffres. Le nombre de migrants internationaux à long terme (c’est-à-dire résidant à l’étranger pendant plus d’un an) n’a cessé de croître, pour atteindre 150 millions de personnes en l’an 2000, selon les estimations de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). L ’appréciation d’un tel développement nécessite cependant une mise en perspective historique: sur la longue période en effet, les migrations internationales « sont quantitativement seulement le double qu’au début du siècle, tandis que pendant le même laps de temps la population mondiale a quadruplé » [Marmora, 1997]. Mais les évolutions de ces deux grandeurs connaissent une forte variabilité: si de 1965 à 1975 les migrations ont augmenté moins vite que la popula- tion mondiale (1,16 contre 2,04 par an), la relation s’est inversée entre 1985 et 1990 (2,56 contre 2,59). En dépit de cette accélération, moins de 3 % de la population mondiale vit de manière stable en dehors de son pays d’origine [OIM, 2000 : 5]. La visibilité accrue des migrations est dès lors imputable au double phénomène de leur montée en puissance démographique ainsi qu’à la superposition, la copré- sence de divers flux migratoires, la multiplicité des provenances juxtaposant des populations qui pouvaient largement s’ignorer auparavant. C’est dans ce contexte que l’on peut situer l’émergence renouvelée des diasporas aujourd’hui. Les communautés « diasporiques » représentent les sédimentations actuelles de phénomènes historiques anciens ou récents. Traditionnellement, le terme diaspora a été réservé aux juifs tragiquement dispersés suite à l’événement politique qui a sanc- tionné la fin de leur organisation politique autonome au premier siècle après J.-C.; 6 Rosita Fibbi, Jean-Baptiste Meyer il a été étendu à d’autres groupes, notamment les Arméniens, ayant connu un destin dramatique semblable plusieurs siècles plus tard. Par conséquent, la notion de diaspora paraît indissociablement liée à la cause première, dramatique du phéno- mène, de nature politique et à la préservation d’une identité commune malgré la dis- persion. Cet usage a quelque peu oblitéré l’étymologie grecque du terme ainsi que le signifié originel de « dissémination » « dispersion de la semence »; ce mot désignait les colonies établies par les résidents des villes-États grecques en dehors du territoire hellène, en Asie mineure et dans la Magna Grecia italique, ainsi que les rapports de nature économique et politique entretenus par ces colonies avec leur mère patrie. Au cours des vingt dernières années, le champ sémantique de ce terme s’est for- tement dilaté jusqu’à désigner toutes sortes de communautés d’expatriés de bien plus récente constitution, à savoir celles dérivant des migrations du siècle dernier, et ce indépendamment des motifs à l’origine de la mobilité géographique de ces popu- lations. Aux migrations pour raisons politiques, notamment des réfugiés, se sont ajou- tées les migrations poussées par des catastrophes économiques ou écologiques mais surtout les migrations de travailleurs uploads/Geographie/ majalah-diaspora.pdf

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