Traduction intégrale Et commentaires des professeurs Rodolphe Kasser Marvin Mey

Traduction intégrale Et commentaires des professeurs Rodolphe Kasser Marvin Meyer Gregor Wurst L’ÉVANGILE DE JUDAS Avec la collaboration de François Gaudard Traduit de l’américain par Daniel Bismuth Les citations de la Bible sont empruntées à la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) Titre original : The Gospel of Judas © 2006, National Géographie Society Pour la traduction française : © Flammarion, 2006 SOMMAIRE 1 - Introduction par Marvin Meyer 2 - L’Évangile de Judas Traduit du copte par Rodolphe Kasser, Marvin Meyer et Gregor Wurst, avec la collaboration de François Gaudard 3 - Commentaires 4 - Histoire du Codex Tchacos et de l'Évangile de Judas par Rodolphe Kasser 5 - Le christianisme mis sens dessus dessous : l'Évangile de Judas, une autre vision par Bart D. Ehrman 6 - Irénée de Lyon et l’Évangile de Judas par Gregor Wurst 7 - Judas et la secte gnostique par Marvin Meyer 8 - Bibliographie sélective 9 - Note de la National Géographie Society 10 - Les auteurs 1 INTRODUCTION Au fil du temps, les sables d’Égypte ont livré d’innombrables trésors et merveilles archéologiques, et voilà qu’ils viennent de révéler une autre trouvaille spectaculaire : l’Évangile de Judas, récemment découvert et publié ici pour la première fois. Le titre même du texte, l’Évangile de Judas - Judas l’Iscariote - est choquant. Dans les Évangiles du Nouveau Testament (Matthieu, Marc, Luc et Jean) et l’essentiel de la tradition chrétienne, Judas l’Iscariote est décrit comme le fourbe par excellence, celui qui trahit son maître Jésus en le dénonçant aux autorités romaines, et son personnage offre peu de traits permettant de l’associer à l’Évangile, la « bonne nouvelle », de Jésus. Dans l’Évangile de Luc, il est dit que Satan entre en Judas et le pousse à commettre son acte méprisable, et, dans l’Évangile de Jean, Jésus s’adresse aux douze disciples et déclare que l’un d’eux, Judas, est un diable. D’après le Nouveau Testament, la fin de Judas est aussi ignominieuse que ses actions. Il reçoit des autorités le salaire du sang pour avoir trahi Jésus, et, selon Matthieu, il va se pendre, ou bien, selon les Actes, son ventre se déchire et il connaît une mort épouvantable. L’art chrétien montre souvent Judas en train d’accomplir ce qui lui a valu une réputation d’infamie : trahir Jésus par un baiser - le baiser de Judas. Cependant, même dans le Nouveau Testament, la figure de Judas l'Iscariote recèle quelque chose de captivant. Le récit de la trahison de Jésus par Judas demeure une histoire puissante et poignante : Jésus est dénoncé par un de ses plus proches amis. Dans les Évangiles canoniques, Judas appartient au premier cercle des disciples de Jésus, et selon l’Évangile de Jean il occupe la fonction de trésorier du groupe, auquel sont confiés les fonds dont pouvaient disposer Jésus et les disciples. En outre, lors du dernier repas, Jésus lui-même n'a-t-il pas enjoint à Judas de faire ce qu’il avait à faire, et de le faire sans tarder ? Tout cela ne participait-il pas du plan divin - que Jésus dût mourir pour les péchés du peuple et se lever d’entre les morts le troisième jour ? Sans Judas et son baiser, la crucifixion et la résurrection auraient-elles même eu lieu ? L’énigme de Judas l’Iscariote, le disciple de Jésus qui l’a trahi, a été explorée par nombre de ceux qui se sont interrogés sur ce personnage et ses mobiles. La littérature sur Judas est riche et comprend des œuvres bien connues, tant dans le domaine de la recherche académique que dans celui des œuvres contemporaines - Trois versions de Judas de Jorge Luis Borges, Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, Judas. Ein Jünger des Herm de Hans-Josef Klauck, Judas. Betrayer or Friend of Jésus de William Klassen, Judas Iscariot and the Myth of Jewish Evil de Hyam Maccoby, et Judas, la pièce de théâtre de Marcel Pagnol. Dans la comédie musicale rock Jésus Christ Superstar, Judas l’Iscariote est près de voler la vedette aux autres protagonistes, et sa présence, alliée à la musique qu’il joue, éveille une certaine sympathie pour la profondeur de sa dévotion à Jésus. Dans sa chanson With God on Our Side (« Avec Dieu de notre côté »), Bob Dylan chante à propos de Judas : You’ll have to décide À vous de décider Whether Judas Iscariot Si Judas l’Iscariote Had God on his side. Avait Dieu de son côté. Le Judas l’Iscariote de l’Évangile de Judas est celui qui a trahi Jésus mais il en est en même temps le héros. Il dit à Jésus : « Je sais qui tu es et d’où tu es venu. Tu es issu du royaume immortel de Barbèlô. Et le nom de qui t’a envoyé, je ne suis pas digne de le prononcer. » Dans le monde spirituel de l’Évangile de Judas, confesser que Jésus est issu « du royaume immortel de Barbèlô » revient à confesser qu’il est un être divin, et le fait de déclarer ineffable le nom de qui a envoyé Jésus revient à professer que le vrai Dieu est l’Esprit infini de l’univers. Contrairement aux autres disciples, qui se méprennent sur Jésus et ne peuvent supporter de se tenir face à lui, Judas comprend qui est Jésus, il prend place devant lui et il apprend de lui. Dans l’Évangile de Judas, Judas finit par trahir Jésus, mais il le fait en connaissance de cause, et pour répondre à la demande sincère de Jésus. Faisant allusion aux autres disciples, Jésus déclare à Judas : « Mais toi, tu les surpasseras tous. Car tu sacrifieras l’homme qui me sert d’enveloppe charnelle. » Jésus est un sauveur non pas en raison de l’enveloppe de chair mortelle qui l'habille, mais parce qu’il est capable de révéler l’âme ou la personne spirituelle qui se trouve à l'intérieur, et sa véritable demeure n’est pas le monde d'en bas, imparfait, mais le monde divin de la lumière et de la vie. La mort n’est pas une tragédie pour le Jésus de l’Évangile de Judas, pas plus qu’elle n’est un mal nécessaire apportant le pardon des péchés. Dans cet évangile, Jésus sourit beaucoup, ce qui ne se produit guère dans ceux du Nouveau Testament. Il sourit des faiblesses de ses disciples et des absurdités de la vie humaine. La mort, simple issue de cette absurde existence physique, n’a pas à être crainte ou redoutée. Loin de constituer un sujet de tristesse, elle est le moyen par lequel Jésus est libéré de la chair, ce qui va lui permettre de regagner sa demeure céleste ; et en le trahissant, Judas aide son ami à se défaire de son corps et à délivrer son moi intérieur, le moi divin. Cette perspective diffère à bien des égards de celle des Évangiles canoniques. Durant la période de formation de l’Église chrétienne, de nombreux évangiles ont été composés en plus de ceux du Nouveau Testament (Matthieu, Marc, Luc et Jean). Parmi ces évangiles « autres » qui nous sont parvenus, en totalité ou en partie, se trouvent l’Évangile de Vérité et les Évangiles de Thomas, de Pierre, de Philippe, de Marie, des ébionites, des nazoréens, des Hébreux et des Égyptiens, pour n’en nommer que quelques-uns, qui tous démontrent la riche diversité des perspectives déployées à l’intérieur du christianisme primitif. L’Évangile de Judas fut encore un autre de ces évangiles écrits par les premiers chrétiens à l’époque où ils tentaient de définir qui était Jésus et comment le suivre. Il peut être classé dans ce qu’on a coutume d’appeler les évangiles apocryphes gnostiques. Composé selon toute probabilité vers le milieu du IIe siècle, très vraisemblablement à partir d’idées et de sources bien antérieures, il représente une forme première de spiritualité qui privilégie la gnose (gnôsis) ou « connaissance » la connaissance mystique, la connaissance de Dieu et de l’unicité essentielle du moi avec Dieu. Cette spiritualité est communément décrite comme « gnostique », mais l'usage de ce terme a été très débattu dans le monde ancien, et il continue de l’être aujourd’hui parmi les spécialistes. Une approche aussi directe de Dieu, comme celle qu’on trouve dans la spiritualité gnostique, ne requiert nul intermédiaire - après tout. Dieu est l’esprit et la lumière au-dedans -, et les témoignages de l’Église primitive et des hérésiologues (chasseurs d’hérésies) lui appartenant indi- quent que les prêtres et les évêques ne goûtaient guère ces gnostiques qui pensaient librement. Les écrits des hérésiologues fourmillent d’accusations envers eux : ils nourrissent des pensées malignes, ils s’adonnent à des activités illicites. La polémique n’est jamais une entreprise aimable, et ces documents à visées polémiques ont souvent pour objet de discréditer l’adversaire en éveillant des soupçons sur son mode de pensée et sa façon de vivre. Gnostique, l’Évangile de Judas réplique en accusant les chefs et les membres de l’Église orthodoxe émergente de toutes sortes de comportements scandaleux. Selon lui, ces chrétiens rivaux ne sont que la valetaille du Dieu qui gouverne ce monde d’en bas, et leurs vies reflètent ses menées répugnantes. Dans l’Évangile de Judas, il uploads/Geographie/ l-x27-evangile-de-judas-kasser-meyer-wurst.pdf

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