LA LANGUE BERBERE: PRECIEUX LEGS DE L'ANTIQUITE MAGHREBO-AFRICAINE Par le Profe
LA LANGUE BERBERE: PRECIEUX LEGS DE L'ANTIQUITE MAGHREBO-AFRICAINE Par le Professeur Abdelaziz Benabdallah A l'occasion du Séminaire de l' Association des Ecrivains du Maroc sur l'écriture en berbère Le Berbère, véhiculé dans maints pays africains, constitue, pour le Maroc, une langue à double composante : l'Amazigh, parlée dans le Grand et Moyen Atlas ainsi que le Rif et le Tachalhit de l'Anti- Atlas (pays des Chleuhs). Le Berbère est donc une des constantes de notre identité, une des assises de notre patrimoine national. Certes, la langue arabe est la langue commune à tous citoyens marocains, prépondérante en tant que langue du Coran et véhicule cultuel et liturgique. Mais le berbère est la forme parlée, devant être écrite, du langage propre à un vaste milieu que d'aucuns qualifie de majoritaire. Néanmoins, parmi ces berbérophones, bon nombre pratiquent l'arabe, ce qui incite les staticiens à avancer le taux de 50 à 60 % pour les Arabes et les Berbères arabophones et le pourcentage 40 à 50 %, pour les purs Berbères. C'est très aléatoire, car parmi ces Berbères -et j'en suis peut-être - un grand nombre maîtrisent l'arabe et parmi eux, quoique classés purs Berbères, il y aurait des Arabes purs qui corroborent leur souche, en se réclamant, en plein Atlas, descendants du Prophète. Le régionalisme n'est donc guère un critère sûr ; le brassage, à la fois dogmatique, culturel et patriotique, a toujours amalgamé un peuple uni, quelle que soit sa zone natale. J'ai toujours préféré, personnellement, au mot berbère, pris en mauvaise part, depuis l'Antiquité, par les Grecs et les Romains, les termes Amazigh et Chleuhs. Le Protectorat colonial, tout en maintenant ce terme péjoratif, tenta de jouer sur l'ethnicité, pour semer la discorde et désagréger l'unité de la Nation marocaine. Cependant, d'éminents anthropologues et historiens, comme André Julien (1), se sont élevés contre les implications ethniques. On ne saurait nier une certaine ethnie, en l'occurrence, mais sans s'ingénier à en tirer des conséquences séparatistes. C'est donc un problème créé de toutes pièces, par le colonialisme, et qui ne fut jamais soulevé, tout le long de notre histoire. Les deux langues arabe et berbère, ont toujours servi, conjointement, de véhicules, à tel points qu'elles furent employées, parfois simultanément, non seulement dans certaines liturgies foncières, tel l'adhâne, mais sur un plan général ; toujours écrites, l'une et l'autre, en caractères arabes. Le protectorat a défié l'histoire, en latinisant la transposition du berbère. Notre ami Mohammed Chafiq a relevé ce défi, dans son dictionnaire Amazigh-Arabe (2) dont il a vocalisé les termes berbères, les rendant plus proprement accessibles. Il n'a fait qu'enregistrer une modalité classique, avec une systématique clarté. En effet, la "Mourchida" d'Ibn Toumert est un compendium théologique en berbère (Al-Istiqça, T.1. P. 133). Ibn Idhâri rapporte dans son "Bayân" (T.3, P.97, édit. Rabat) que le Cheikh Mohammed ben Omar, chef de l'expédition almohade en Andalousie, (à la fin du VI ème Siècle de l'hégire) prononça deux allocutions, l'une en arabe et l'autre en berbère, en présence du Khalif Youssef ben Abdel Moumen ; et ce, dans la ville de Wabda (Huete actuelle dite cité d'Alphonse, vielles citadelle nommée Julia-Opta par les Romains). Cet historien souligne, d'autre part, (p. 267) qu'avant le Khalif Idriss Al-Mamôun , fils d'Al Mansour, l'appel à la prière (Taslît) se faisait, aussi en berbère, depuis l'avènement almohade. Abdellah b. Yahya el Hâmidi élabora un commentaire du Borda (éloges du Prophète en berbère Bibl. G. de Rabat, 1098 D). Jamâa ben Mohammed ben Ali Ighîl (décédé en 1387 h/ 1966 ap.J.), originaire du village Touzounîne (Aqqa, à Souss), avait composé une poésie en tachelhît (3). (Mohammed Kaïs est un poète amazigh .dont l'oeuvre est cataloguée à la Bibliothèque hassanienne de Rabat (no 9356). Un autre poète, Hammou Almazighi, chanta les exploits de Sidi Ahamadou Moussa, dans une qacida (poème) (photocopiée en trois exemplaires dans la Bibliothèque générale de Rabat, sous le n° 1321 D). Le Cheikh SaÏd Tanani (décédé en l'an 1343 h/1924 ap.J.), traduit en tachelhÎt le Recueil de l'Egyptien AI- AmÎr sur le fiqh (droit musulman) (entre 1308 et 1316 de l'ère hégirienne). Le Cheikh Ali Derqaoui, père de notre ami Si Mokhtar Soussi, (décédé en l'an 1328 h/1910 ap.J), traduit en berbère le premier quart de ce Recueil. C'est ce Cheikh qui avait traduit en tachelhÎt, le fameux recueil des adages, et normes soufis, élaboré par le grand mystique d'Alexandrie, Ibn 'Atâa Illah. Ce recueil, véritable compendium de l'éthique du soufisme, devait être constamment lu, chaque jour par les disciples du Cheikh Derqaoui. Le souverain alouite, Sidi Mohammed Ben Abdellah, s'adressait à ses sujets berbères, en leur langue (Istiqça, T. 4, p. 118). Ce ne sont la que des spécimens, devenus classiques, étayés par d'autres oeuvres isolées, écrites dans les deux langues. Ces élaborations qui enrichissent notre patrimoine national, doivent être éditées et étudiées dans le cadre scientifique des thèses universitaires. Références : - A. Basset : (I) La langue berbère dans les Territoires du Sud, 1941, p. 62 (2) La langue berbère au Sahara, Cahiers Charles Foucould, 1948. - A. Bernard et P. Moussard, Arabophones et Berbérophones au Maroc, Annales de géographie, 1924. - E. Brémond -Berbères et Arabes. La Berberie est un pays européen : C.R. des séances de l'Ac. des Sciences. C.. 2 avril 1943 (21 8-9). E.M., Af. Madrid, nov. 1951. - E. Laoust. Mots et choses berbères, notes de linguistique et d'ethnographie. Dialectes du Maroc, Paris, 1920. - Quedenfeldt Répartition de la population berbère au Maroc, trad. par Simon, Alger, 1904. - St. Quentin -3000 ans avec les Berbères - Delagrave, 1949 (220 p.) - H. Raynaud -Les Berbères sont-ils des barbares ? R.G. m. N° 4 (1946). - D.P. Barrows. Berbers and Blocks ; impressions of Morocco, Timbuktu and Western Sudan. New- York and London. - Fournel, Les Berbères, Paris ( 1875-81) (2 vol). - P. Crucy -En pays berbère, in Europe, 1928 (15 sept, et 15 oct.) - Mtouggui Lhoussine. Vue générale de l'histoire berbère -Larose (200 p.) - H. Basset, Influences puniques chez les Berbères. RAF, 1921. - R. Montagne, la vie sociale et la vie politique des Berbères, Paris, 1931 (p. 9) - Olivier, Recherches sur l'origine des Berbères, Bull. Acad. d'Hippone, 1868. - E. Leblanc, le Problème des Berbères, 1931. (1) Dans son ouvrage "Histoire de l'Afrique du Nord" (2) Edité {en deux volumes) par l'Académie du Royaume du Maroc. (3) AI-Maasoûl, Mokhtar Soussi, T. 16, p. 261). uploads/Geographie/ la-langue-berbere-precieux-legs-de-l-x27-antiquite-maghrebo-africaine.pdf
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- Publié le Fev 11, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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