LE COMMERCE DE DÉTAIL À ROCHE FORT. LA DUALITÉ CENTRE-PÉRIPHÉRIE Bull. Assoc. G
LE COMMERCE DE DÉTAIL À ROCHE FORT. LA DUALITÉ CENTRE-PÉRIPHÉRIE Bull. Assoc. Géogr. Franc., Paris, 1993 - 3 Jean SOUMAGNE * (RETAIL COMMERCE IN ROCHEFORT. THE TOWN CENTRE-PERIPHERAL AREA DUALITY) Rochefort (Charente-Maritime) est un cas original entre Loire et Gironde. Il s'agit d'une ville créée de toutes pièces dans le dernier tiers du dix-septième siècle pour des raisons militaires. L'arsenal et la base navale ont fait vivre la ville jusqu'à l'Entre-deux-guerres et, malgré la fermeture du premier en 1926, il reste des activités importantes, quoique déclinantes, liées à la Défense. Rochefort est ainsi une des rares villes de tradition industrielle en Poitou-Charentes, où un vieux tissu de banlieue s'est développé depuis le dix-huitième siècle. C'est une ville entrée en crise après la première guerre mondiale et qui n'en est sortie que dans les années 70, crise sociale, économique, démographique et urbaine qui a réduit le potentiel tertiaire. Le redémarrage se fonde sur une vigoureuse politique d'urbanisme, un sursaut économique, une valorisation touristique. Aujourd'hui le tissu socio-économique de cette agglomération de 35 000 habitants est quadruple : une fonction industrielle en partie issue des reconversions, en tout environ 3 000 emplois, peu liés au port; une vieille fonc- Maître de Conférences, Université de Poitiers. 184 J. SOUMAGNE tion portuaire, autour des deux pôles de Tonnay -Charente et de Rochefort mais de niveau modeste : moins d'un million de tonnes par an ; une fonction militaire héritée avec plusieurs bases-écoles mais aux effectifs globaux en baisse ; des fonctions tertiaires plus banales : sous- préfecture, hôpital, lycées... et commerce de détail. Au total, grâce à une politique active (zones industrielles, ateliers-relais, cadre urbain) la situation rochefortaise est plus saine aujourd'hui qu'il y a vingt ans. Il y a eu diversification de l'activité et de l'emploi. Néanmoins, compte tenu des « dégraissages », en particulier dans le secteur militaire, Rochefort constitue, comme La Rochelle, une des poches de chômage dans la France atlantique (17 % pour une moyenne départementale de 12 %). Longtemps isolée côté terre, entourée de marais (marais de Rochefort et de Brouage) à l'économie extravertie, la ville n'a maîtrisé qu'une aire de chalandise moyenne, compte tenu des attractions vers La Rochelle, Saintes, Royan, trois villes moyennes encadrant Rochefort et placées entre 30 et 40 km, ou vers Surgères, Tonnay-Boutonne, Pont-l'Abbé-d'Arnoult, Marennes, petits centres plus proches. Le commerce rochefortais a cumulé les handicaps d'une inadaptation en quantité et en qualité : un marasme économique d'un demi-siècle limitant le potentiel d'achat, un appareil marchand correspondant à une clientèle extérieure disparue. Dans les quinze dernières années le défi de la modernisation a été tenu. 1. Long déclin puis renaissance du potentiel commercial Rochefort constitue un cas exceptionnel par l'ampleur et la durée du déclin commercial. Au début du siècle, Rochefort comptait plus de 1 100 commerces de détail (1923 : 1 131, soit 3,84 pour 100 habitants). Ceci est alors lié à l'imposante clientèle de marins et de soldats de l'infanterie coloniale et se traduit entre autres dans le nombre énorme : 222 d'hôtels, débits et cafés, restaurants et auberges, soit 19,6 % du total. En 1975, Rochefort avec 750 établissements, a perdu un tiers du potentiel en un demi-siècle. La densité commerciale est tombée au même niveau que dans les autres villes moyennes de Charente- Maritime (Royan excepté), soit 2,35 à 2,74, selon que l'on compte ou non la population militaire). Le potentiel reste marqué par un poids élevé des commerces alimentaires (23 %) - dont 48 épiceries sur 173 magasins de la catégorie -. L'équipement de la personne a fondu en valeur absolue et en valeur relative : 82 établissements - 11 % au total -, poids bien plus limité qu'à La Rochelle, Saintes ou Royan ; cette évolution est une anomalie parmi les villes moyennes. Le secteur hôtels-restaurants-cafés (« ho-re-ca ») a beaucoup baissé aussi, tombant à une proportion courante (13 %). Ont progressé la catégorie loisirs (9 %) qui reste cependant inférieure aux autres villes, les services (22 % en 1975 contre 12% en 1923). Le potentiel marchand rochefortais est en 1975 assez terne, peu marqué par l'anomalité, héritier d'une longue évolution régressive, adapté à une cité dont les populations n'ont qu'un pouvoir d'achat limité et où sévit une rude concurrence de La Rochelle et de Saintes auprès des couches moyennes et aisées. LE COMMERCE DE DÉTAIL A ROCHEFORT 185 Fig. 1. Structure commerciale de l'agglomération rochefortaise en 1979 et en 1992 (nombre d'établissements) Fig. 1. Structure commerciale de l'agglomération rochefortaise en 1979 et en 1992 (nombre d'établissements). En 1980 se remarque la continuation du dégraissage du potentiel : 692 établissements, -7,7 % entre 1975 et 1980. Mais cet affaissement masque une modernisation structurelle déjà remarquable : c'est la catégorie alimentation qui a principalement baissé, tombant à 15 % du total, par suite de la construction de grandes surfaces périphériques; les épiceries se sont effondrées (16 seulement contre 48) tandis que les autres catégories alimentaires spécialisées connaissaient seulement des tassements. En revanche l'équipement de la personne et plus encore l'équipement de la maison ont progressé. Ces gains vers l'anomalité commerciale sont d'autant plus significatifs que plusieurs des nouveaux magasins sont de grande taille et installés en périphérie. Une nouvelle capacité d'influence externe du commerce rochefortais s'est donc mise en place. Il y a synergie entre modernisation structurelle et modification spatiale de l'appareil commercial. Les autres catégories marchandes, dont l'«ho-re-ca », sont à peu près stables. Pendant cette période 1975-1980 la capacité de Tonnay-Charente, commune de l'agglomération, s'est encore affaiblie : de 105 à 85 établissements. La structure est peu moderne (beaucoup d'alimentaire, peu d'équipement de la personne), mais l'équipement de la maison s'accroît car Tonnay-Charente commence à servir d'exutoire à Rochefort dans ce domaine. En 1992, Rochefort apparaît avec 717 établissements sur une dynamique positive. Le commerce a de nouveau augmenté sensiblement : + 3,6 % entre 1980 et 1991, davantage en surface. Cette évolution témoigne du succès des efforts pour attirer la clientèle vers de nouvelles plates-formes le long des grandes radiales externes, pour renouveler l'image du centre-ville, pour faire jouer à la ville un rôle de carrefour touristique. 186 J. SOUMAGNE La structure catégorielle est marquée par les signes du renouveau : - L'alimentaire a encore baissé en valeur absolue et relative tout en s'affi- nant (développement d'alimentation fine et diététique, briocherie, traiteurs). - L'équipement de la personne monte beaucoup plus vigoureusement depuis 1980 que dans les années 70. C'est devenu, avec 15,6 % et 112 magasins, la deuxième catégorie derrière les services qui, eux, n'ont que légèrement augmenté. - Trois catégories restent stables : l'équipement de la maison, les services, les loisirs. - La catégorie « ho-re-ca » reprend sa progression après plusieurs décennies de déclin puis de stagnation. Ce regain correspond à des créations de restaurants. Dans la commune suburbaine de Tonnay-Charente une progression globale est enregistrable : le nombre d'établissements monte de 85 à 104, les gains s'opérant dans le secteur combustibles- transports et l'équipement de la personne. Au total l'agglomération de Rochefort compte donc 821 établissements commerciaux de détail contre 777 en 1980 (+ 5,7 %). L'équipement en grandes surfaces a progressé rapidement depuis 20 ans. A la fin des années 60 Rochefort ne comptait encore qu'un magasin populaire Prisunic implanté depuis 1934 en centre-ville et dont la surface (1 350 m2) n'a pas bougé depuis. Dès 1970 s'installait un petit supermarché Entrepôt à Tonnay-Charente (450 m2), en 1971, sur la commune de Rochefort un grand supermarché Leclerc (1 800 m2), puis, en 1974, un supermarché Coop de même taille. En 1975 l'agglomération ne totalisait que 5 600 m2 de grandes surfaces, chiffre qui stagna jusqu'aux années 80. Trois supermarchés furent construits en 1982-1983 : deux Intermarchés de 1 200 m2 et un Super U de 850 m2. En 1985, moyennant divers ajustements, on totalisait 10 500 m2 de grandes surfaces dans l'agglomération. Si depuis lors il n'y a pas eu de nouvelles implantations, les augmentations de superficies ont fait monter le total à 12 000 m2 : 2 hypermarchés de 3 100-3 200 m2 chacun (Leclerc et Intermarché), 1 grand supermarché Coop de 1 800 m2, 1 moyen Intermarché (1 200 m2), deux petits Unico et Timmy (850 et 750 m2), le Prisunic (1 640 m2). Avec 0,35 m2 de surface de vente par habitant (0,16 en 1980), l'agglomération rochefortaise est aussi bien dotée que les autres de la région. Les années 80 ont également vu se multiplier les surfaces spécialisées dans le bricolage (5 totalisant 7 250 m2 de surface de vente) et les jardineries. 2. L'évolution spatiale du commerce Le commerce de l'agglomération rochefortaise obéit dans son organisation spatiale à une série de contraintes qui tiennent au milieu et au cadre urbanistique : - un centre-ville constitué d'une grille rigide de rues orthogonales, assez LE COMMERCE DE DÉTAIL À ROCHEFORT 187 larges mais peu différenciées, au sein desquelles l'hypercentre se distingue mal ; - une banlieue traditionnelle, le « Faubourg », à l'ouest du centre, constituée d'un habitat bas le long de rues sans originalité ; - un blocage à uploads/Geographie/ le-commerce-de-detail-a-roche-fort.pdf
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- Publié le Jul 14, 2022
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