LE MABINOGI DE KULHWGH k OLWEN PAR M. J. LOTH Professeur à la Faculté des Lettr
LE MABINOGI DE KULHWGH k OLWEN PAR M. J. LOTH Professeur à la Faculté des Lettres de Rennes SAINT-BRIEUC IMPRIMERIE-LIBRAIRIE-LITHOGRAPHIE L. & R. PRUD'HOMME 1888 i l LE MABINOGI DE K U L H W C H & O L W E N # (Extrait de la Revue de Bretagne et de Vendée, Mars, Avril, Mai 1888) » LE MABINOGI DE KULHWGH k OLWEN PAR M. J. L O T H Professeur à la Faculté des Lettres de Rennes SAINT-BRIEUC IMPRIMERIE-LIBRAIRIE-LITHOGRAPHIE L. & R. PRUD'HOMME 1888 ANCIENS CONTES DES BRETONS D U PAYS DE GALLES LE MABINOGI (1) DE KULHWCH ET OLWEN INTRODUCTION On entend par Mabinogion un certain nombre de récits en prose de nature et d'origine diverses, contenues dans le célèbre manuscrit connu sous le nom de Livre Rouge, à cause de la couleur de sa couverture. Ce manuscrit, aujourd'hui la propriété du collège de Jésus à Oxford, est une sorte de Corpus de la littérature galloise. Il se compose de 362 folios de parchemin, à deux colonnes, et remonte, presque en entier, à la fin du xivB siècle. Lady Charlotte Ouest a publié, en 1838, en trois volumes, pour la première fois (2), le texte et la traduction de ces Mabinogion, avec des notes explicatives, (1) Ce mot est expliqué dans l'Introduction. Prononcez Le Mabinoghi de Kulhouc'h et Olouënn; dans le breton du pays de Galles le g et le c sont tou- jours durs. (2) Mentionnons pour mémoire que le célèbre Owen Pughe, auteur d'un dictionnaire gallois, encore indispensable à consulter malgré ses défauts, avait préparé une édition avec notes explicatives des Mabinogion. Il ne semble pas qu'il ait jamais terminé son travail. Un fragment du roman de Pwyll a été traduit dans le Cambrian Register, I, p. 177 (17. T> et 1796), et. reproduit dans le Cambro-Briton, II, p. 221 et suiv. (1821). Il est assez curieux de constater que les mêmes passages ont été supprimés dans cette traduction et dans celle de lady Guest. La pruderie est, on le voit, chose déjà ancienne chez les Gallois. 4 en laissant de côté ceux qui n'étaient que des traductions de romans français. Le texte gallois sur lequel repose son œuvre est une copie du texte des Mabinogion du Livre Rouge, faite par un littérateur gallois, John Jones, plus connu, comme la plupart de ses compatriotes, par son pseudonyme de Tegid. La traduction de lady Guest est une œuvre remarquable, faite avec une grande conscience, témoignant d'une rare pénétra- tion d'esprit; mais elle a eu à lutter, non-seulement contre les obscurités du texte, mais encore contre les défectuosités de la copie qu'elle avait sous les yeux. Il est visible, en maint endroit, que l'auteur ne se sent pas sur un terrain bien sûr; l'expression est parfois flottante, et le même mot traduit différemment, suivant le contexte. Là où les dictionnaires ne lui foui dissent aucune lumière, et le cas se présente souvent, lady Ouest n'a pas toujours été bien inspirée. Il eût fallu sur le texte un travail critique préparatoire qui lui a forcément manqué. La traduction corrige néanmoins le texte en maint endroit; le commentaire qui l'accompagne est précieux pour l'intelligence des traditions galloises; en somme, c'est une œuvre dont l'apparition marque une ère nouvelle dans l'histoire de la littérature galloise et l'étude des traditions bretonnes. Outre un certain nombre d'erreurs et d'inexactitudes dues au texte et à l'état imparfait des dictionnaires, la traduction de lady Guest présente des inexactitudes et des lacunes volon- taires. Elle a supprimé les passages qui lui paraissaient sca- breux ou choquants, et singulièrement atténué des crudités de langage et des brutalités de mœurs qui ne sont cependant pas sans intérêt ni sans importance pour l'histoire et la cri- tique. On ne saurait l'en blâmer si on songe qu'elle considérait les Mabinogion comme destinés à l'amusement et à l'édification de la jeunesse, en particulier de ses deux enfants, auxquels sa traduction est dédiée. Si ces raisons, sans parler du prix élevé de l'œuvre de lady Guest, ne suffisaient pas à justifier un nouvel essai de tra- duction, l'apparition en 1877 d'une nouvelle édition du texte gallois des Mabinogion (1), œuvre de MM. John Rhys et (1) The text of the Mabinogion from the red Book of Hergest, by John Rhys and J. Gwenogvrvn Evans, Oxford. J. Gwenogvrvn Evans, 7 Clarendon Villas, -1877. — 3 — J. Gwenogvryn Evans, en démontrerait l'opportunité et jus- qu'à un certain point la nécessité. Nous possédons désormais un texte sûr, reproduction exacte des Mabinogion du Livre Rouge, jusque dans leurs verrues et leurs moindres défauts. La tâche du traducteur n'en reste pas moins singulièrement lourde: c'est en effet une édition diplomatique des Mabino- gion, et non une édition critique. Or, à part certains frag- ments, la source des Mabinogion jusqu'ici édités est unique; on n'a pas la ressource des variantes. Avant d'entreprendre notre traduction, nous avons du, en quelque sorte, faire pour notre usage, une édition critique du texte gallois. La méthode que nous avons employée, est celle qui a renouvelé l'intelli- gence des textes latins et grecs: éclairer les Mabinogion par eux-mêmes, chaque expression ou ternie obscur ou douteux, autant que possible, parles passages correspondants, soit des Mabinogion, soit des textes en prose et même en vers de la même époque. Des notes critiques à la suite de chaque récit, renvoyant à la page et à la ligne du texte gallois de Rhys- Evans, et à la page de notre traduction, indiquent les correc- tions au texte, ou nos hésitations, avec les différences qui nous séparent de lady Guest. Pour la traduction, nous avons voulu la rendre aussi lisible que possible, sans rien sacrifier de l'exactitude que l'on est en droit de demander avant tout à un traducteur. En fait de traduction, littéral n'est pas synonyme d'exact. Traduire par exemple l'expression galloise myned a orug, par aller il fit, au lieu de il alla, serait aussi peu exact que de décomposer donnerai en j'ai à donner. Ce qu'on a appelé la naïveté ou la simplicité des conteurs gallois, ne nous a guère préoccupé non plus. Outre que n'est pas naïf qui veut, ce serait prêter aux auteurs ou arrangeurs de ces récits une qualité à laquelle ils n'avaient aucun droit et vraisemblablement aucune prétention. Ce qu'on a pris pour de la naïveté est une certaine négligence et familiarité de style, qui s'explique facilement par la provenance orale de C'est le premier volume d'une collection annoncée sous le nom de Old Welsh Texts. Les auteurs ont ajouté aux Mabinogion des triades du Livre Rouge, un index des noms propres. Ils ont laissé de coté la vie de Taliessin qui ne regarde pas le Livre Rouge et que lady Guest avait insérée à tort dans son œuvre. _ 4 - ces récits. Poétique et remarquablement imagée dans l'ex- pression, la langue des Mabinogion est d'une trame un peu lâche dans la contexture~du récit; les répétitions sont fré- quentes, la période par juxtaposition se présente à chaque instant: l'auteur semble écrire sous la dictée d'un conteur peu pressé d'arriver au terme de son récit. Cette prose des Mabinogion, avec ses brillantes qualités poétiques et ses gau- cheries de construction; "est, loin assurément de la perfection qu'elle atteindra au xvIIIe siècle avec le Bardd Cwsg d'Elis Wynn (1), dont la langue a la vivacité d'allures, l'intensité d'images de la meilleure poésie, et la netteté de la meilleure prose. Elle n'a pas non plus la précision philosophique et la structure nerveuse des lois, surtout, peut-être, des lois de, Gwynedd ou Nord-Galles, dans leur manuscrit le plus ancien qu'Aneurin Owen, dans son édition d'ailleurs si recomman- dable, a maladroitement alourdi par de prétendues variantes complémentaires qui ne font que défigurer la plupart du temps l'œuvre primitive. S'il y a une impression que ne donne pas la littérature galloise du moyen-âge, c'est bien la naïveté et la simplicité: la langue des poètes gallois, par exemple, témoigne d'une culture raffinée; elle est aussi intraduisible en français que du Pindare. Ce qui a le plus contribué à donner aux Mabinogion un vernis de naïveté, sans parler de l'étrangeté et du merveilleux des récits, c'est le titre lui-même de Mabinogion, auquel on a attribué le sens de contes d'enfants. Le mot dérive en effet de mab (fils), mais mab s'applique aussi bien à un jeune homme qu'à un enfant. D'ailleurs Mabinogi est dérivé immédiatement de Mabinog, terme qui désigne, comme l'a très justement remarqué M. Rhys dans sa préface aux Mabinogion, un ap- prenti littérateur, un étudiant de la section de poésie, un aspirant barde. Le barde qui avait ses grades, dont la science avait été reconnue officiellement, devait prendre avec lui trois disciples, Mabinogion ou Mebinogion: avant de pouvoir se présenter aux concours poétiques qui leur donnaient, après trois victoires, le titre de barde à chaire, ils avaient à passer (1) On pourrait ajouter aus=i les Brutusiana de David Owen (Brutus) de nos jours, mais à un moindre degré. par trois degrés dont les noms sont connus et pour chacun desquels il fallait des uploads/Geographie/ le-mabinogi-de-kulhwch-et-olwen.pdf
Documents similaires
-
21
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 18, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 12.8991MB