Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine 108-2 | 2020 Refugié·es
Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine 108-2 | 2020 Refugié·es et montagne Le refuge ariégeois : atout et diversité d’une topographie de l’accueil William Berthomière et Christophe Imbert Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/rga/7003 DOI : 10.4000/rga.7003 ISSN : 1760-7426 Traduction(s) : The Ariege ‘Refuge’: Advantage and Diversity of a Host Topography - URL : https://journals.openedition.org/rga/6947 [en] Éditeur : Association pour la diffusion de la recherche alpine, UGA Éditions/Université Grenoble Alpes Référence électronique William Berthomière et Christophe Imbert, « Le refuge ariégeois : atout et diversité d’une topographie de l’accueil », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 108-2 | 2020, mis en ligne le 13 octobre 2020, consulté le 08 décembre 2022. URL : http:// journals.openedition.org/rga/7003 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rga.7003 Ce document a été généré automatiquement le 8 décembre 2022. Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ Le refuge ariégeois : atout et diversité d’une topographie de l’accueil William Berthomière et Christophe Imbert Introduction 1 En reprenant, près de 30 ans après, sa thèse sur les Pyrénées ariégeoises, Michel Chevalier (1985) a renoncé à exclure le piémont de cet ensemble « en raison des multiples liaisons qui existent entre la montagne pyrénéenne proprement dite et l’avant-pays pré-pyrénéen » (p. 16). Il est vrai que le département de l’Ariège présente une très grande diversité de lieux de vie plus ou moins fortement associés à la montagne : le nord aux franges de l’aire urbaine toulousaine, l’axe urbain Foix-Pamiers, le bassin de Saint-Girons où convergent vallées du piémont et vallées montagnardes, des villages de piémont et de moyennes montagnes plus ou moins redynamisés par l’arrivée de nouvelles populations (Cognard, 2010), des hameaux perchés du Plantaurel et des vallées de moyenne et de haute montagne où s’ancrent des modes de vie plus ou moins « en marge » (Mialocq, 2020). 2 Aussi divers que soient ces espaces ariégeois, ils ont en commun d’avoir tissé et maintenu un lien particulier avec l’idée de refuge et d’hospitalité montagnarde, que résume ce mot d’ordre rappelé par Cristina Del Biaggio et Charles Heller : « En montagne comme en mer, on ne laisse personne en détresse ! »1. Même dans un village aussi éloigné des crêtes frontalières que l’est le Mas d’Azil2, dans les mémoires habitantes subsistent un lien fort entre montagnes et réfugié·es, enraciné dans des histoires familiales traversées par des épisodes de maquis montagnard ou par celui de la Retirada, dont les témoins directs se font rares. 3 Ce mot d’ordre garde aujourd’hui toute sa force et trouve à s’exprimer avec vigueur en Ariège alors que nombre d’acteur·es politiques dépeignent l’Europe comme une « forteresse assiégée » et multiplient les appels pour bloquer les frontières, « fermer la Le refuge ariégeois : atout et diversité d’une topographie de l’accueil Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 108-2 | 2020 1 montagne » (Berthomière, 2017 ; Le Maquis, 2017 ; Lendaro, 2018 ; Del Biaggio, 2019). Les vallées de montagne, comme l’espace piémontais du Mas d’Azil, ont récemment accueilli des populations néo-rurales, qui sont aujourd’hui au centre de l’engagement pour la cause des exilé·es3 (Berthomière et Imbert, 2020). Ainsi, le sens de la mémoire des épisodes tragiques qui se déroulèrent dans les cimes pyrénéennes au cours du XXe siècle (Figure 1) est réactivé par de nouveaux habitant·es cherchant à y inscrire leur action politique (Stuppia, 2016). Figure 1. Plaque commémorative à la mémoire des passeurs ariégeois (Oust, Ariège) Cliché auteurs, novembre 2019. 4 Partant de ce constat, cet article4 vise à montrer une territorialité complexe qui, selon les espaces considérés, produit des formes de mobilisations singulières et distinctes, héritées des histoires migratoires passées et des réseaux sociaux qui relient montagnes, vallées, villes de piémont et agglomération toulousaine (Pouzenc et Barthe-Baldellon, 2003). Comparativement à la situation alpine (Giliberti, 2018) et à d’autres zones frontalières (Guenebeaud, 2015 ; Casella Colombeau, 2019), l’originalité pyrénéenne ariégeoise repose sur le fait que la question des exilé·es est dans une large mesure séparée de celle du franchissement de la frontière. Ces exilé·es sont pour la plupart passés par des centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) des villages et villes environnants (Le Carla-Bayle et Foix) ou bien arrivés directement de Toulouse. Alors qu’ielles sont menacés d’expulsion, ielles se retrouvent dans les territoires de piémont et de montagne après avoir été mis·es à l’abri par l’activation de réseaux militants et d’interconnaissances entre l’agglomération toulousaine et des villages ariégeois ou bien encore sur la base d’initiatives locales engagées par des associatifs ou collectifs fortement (re)mobilisés depuis 2015. Le refuge ariégeois : atout et diversité d’une topographie de l’accueil Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 108-2 | 2020 2 5 C’est ainsi que des mobilisations locales, ayant permis d’aménager des lieux de refuge pour des exilé·es, ont évolué entre 2015 et 2020 vers une organisation originale qui, selon notre hypothèse, s’est étendue à l’ensemble du département. Notre enquête a montré que d’un côté, des initiatives de mise à l’abri de débouté·es de l’asile5 prennent place sur la base de contextes locaux spécifiques, de l’autre, que ces initiatives sont reliées les unes aux autres et rendues complémentaires, grâce à un ensemble d’acteur·es-clé, caractérisé·es par la grande diversité des formes de capital qu’ils peuvent mobiliser (enseignant de yoga, chef d’entreprise, agriculteur, etc.). Si cette évolution s’est faite grâce à des liens de co-affiliation partagés par certain·es membres appartenant à plusieurs associations et collectifs (Pette et Eloire, 2016), il reste à montrer de quelle manière celle-ci a pris appui sur l’organisation socio-spatiale du territoire. 6 Notre hypothèse sera appréhendée à partir d’une recherche de terrain menée depuis septembre 2017 en Ariège auprès des aidant·es. L’objectif initial de l’enquête étant d’évaluer la contribution des migrations internationales au changement social dans les campagnes françaises, celle-ci s’est orientée vers plusieurs sphères d’activité particulièrement investies par ces aidant·es, qui sont aussi pour nombre d’entre elleux, des nouveaux et nouvelles arrivant·es. Nous avons assisté à cinq réunions publiques et assemblées générales, et rencontré dix-huit membres de trois « collectifs » dont nous avons reconstitué les parcours de vie : une association basée dans une vallée montagnarde du Couserans comprenant une trentaine de membres ; un collectif d’un village du piémont animé par une dizaine de membres actifs, mais regroupant plus d’une centaine de sympathisants ; une association basée dans la ville de Pamiers, qui fédère plusieurs dizaines de membres résidant dans tout le département. 7 Plus spécifiquement, nous allons voir que l’originalité de cette organisation complexe tient à ce que la montagne procède, d’une part, du même type d’espace de refuge permettant de se mettre à l’écart des formes d’oppression étatiques (Scott, 2013) et se caractérise, d’autre part, pour reprendre les mots de Ph. Hanus sur le Vercors, « comme un espace inventif, avec des massifs interconnectés, dont les habitants mutualisent les compétences » (2006 :43). Après avoir dégagé quatre inscriptions territoriales d’aide aux exilé·es, nous montrerons qu’au-delà de leurs fortes spécificités, elles se trouvent prises dans un réseau départemental d’acteurs de la solidarité. Le refuge ariégeois : atout et diversité d’une topographie de l’accueil Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 108-2 | 2020 3 Figure 2. Cartographie des espaces du refuge ariégeois Réalisation : auteurs Le piémont urbanisé : Pamiers, un avant-poste de la mobilisation 8 Structuré par l’axe Pamiers-Foix, le piémont ariégeois se définit comme un espace stratégique des acteurs de la mobilisation en faveur des exilé·es. La proximité avec les ressources urbaines de la conurbation de la vallée de l’Ariège, où interagissent des acteurs associatifs et publics qui sont concernés par la question des réfugié·es (préfecture, centres d’hébergement, hôtels, tissu associatif de la solidarité6), a façonné le piémont en un avant-poste de la mobilisation. 9 Face à l’urgence des situations que vivent les débouté·es de l’asile – impliquant le relogement de familles menacées d’expulsion, la fourniture d’aide matérielle et psychologique –, l’accessibilité et la variété des ressources du piémont (distribution de nourriture, aide juridique, hôtels et appartements disponibles, équipements de santé) ont fait l’objet d’une capitalisation sur la base de la force des liens existants au sein du secteur associatif et de savoir-faire, hérités en partie d’expériences professionnelles précédentes (développement de politique sanitaire dans la lutte contre le SIDA ou les toxicomanies ou bien encore gestion financière et comptable dans l’économie sociale et solidaire). La réussite de la création d’une solution d’hébergements de type « Cent pour un toit »7 à Pamiers incarne cette dynamique sociale de la solidarité et la trajectoire militante et professionnelle d’Annie en souligne les ressorts. Lorsqu’en 2014, Annie, ariégeoise de retour après une carrière de médecin généraliste en région parisienne, souhaite exprimer sa solidarité avec les exilé·es, elle perçoit très rapidement la Le refuge ariégeois : atout et diversité d’une topographie de l’accueil Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 108-2 | 2020 4 nécessité d’articuler les compétences des acteurs en place. Après avoir pris part aux actions des antennes locales du Réseau éducation sans frontières (RESF) uploads/Geographie/ le-refuge-ariegeois.pdf
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- Publié le Nov 27, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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