Histoire Culturelle Le théâtre indépendant à Buenos Aires Sébastien Tadiello Pa

Histoire Culturelle Le théâtre indépendant à Buenos Aires Sébastien Tadiello Page 1 de 12 Cours : Histoire Culturelle d’Amérique Latine Olivier Compagnon Le théâtre indépendant de Buenos Aires Vie, mort et héritage Sébastien Tadiello a ciudad con más teatros del mundo. Con alrededor de 400 obras en cartel y 187 salas, Buenos Aires se impone ante París y Nueva York. (La ville avec le plus de théâtres au monde. Avec autour de 400 piѐces à l’affiche et 187 salles, Buenos Aires s’impose avant Paris et New York) L’on pouvait lire ce titre le 26 novembre 2008 dans la section ‘espectáculos’ du quotidien porteño La Nación. Confirmer la véracité de cette affirmation n’est pas chose difficile, ainsi il suffit d’une escapade Avenida Corrientes non loin de la 9 de Julio pour constater l’engouement argentin pour l’art dramatique. Les sources de cet enthousiasme se trouvent dans l’histoire nationale. C’est l’une d’elles que nous nous proposons d’étudier : le théâtre indépendant. Celui-ci s’inscrit dans l’historiographie théâtrale argentine en tant qu’élément indissociable de l’évolution de la vie dramatique nationale. Afin de comprendre son orientation et les raisons de son émergence il convient tout d’abords de procéder à une remise en contexte historique dans le cadre de l’Argentine de la fin du XIXѐme et du début du XXѐme siѐcle. A la fin des années 1800 l’Argentine vit une importante vague d’immigration de populations provenant principalement du continent européen. Ces migrants représentaient une quantité considérable de main d’œuvre qui se concentrait principalement dans les zones urbaines et tout particulièrement dans la capital Buenos Aires. Ainsi en 1914 les étrangers comptaient pour 30,3% de la population résidente et si le taux d’urbanisation était de 37% en 1890 il passa à 53% en 1910. Cette période fut celle des mouvements de grѐves et de protestation des classes inférieures de la société mais aussi de l’essor en politique du radicalisme avec notamment la création de la Union Cívica Radical. Parallèlement l’on voit émerger puis disparaître le théâtre gaucho et le genre des sainete qui lui perdura jusque dans les 1930. Le théâtre gaucho amѐne à la scѐne un personnage emblématique argentin : le gaucho, qui s’est déjà vue représenté est popularisé par le passé avec le poѐme narratif Martin Fierro (1872) de José Hernandez. La piѐce Juan Moreira (1886) d’Eduardo Gutierrez est vue par certaines critiques comme l’œuvre fondatrice du théâtre argentin. L’histoire est celle des confrontations d’un courageux gaucho à l’oppression de son employeur et de la police. Le personnage joui alors d’une grande popularité et inspira de nombreux auteurs qui écrirons des piѐces comprenant les éléments du premier succès. L’importance de Juan Moreira est telle qu’elle est vue comme le premier exemple de théâtre L Histoire Culturelle Le théâtre indépendant à Buenos Aires Sébastien Tadiello Page 2 de 12 national. Cependant le mouvement gaucho s’estompe au milieu des années 1890 au profit d’un autre genre théâtral héritier fruit de l’immigration espagnole ; le sainete. En effet le sainete, qui prend la forme d’une farce à acte unique, s’inspire du género chico espagnol et est rapidement devenu un genre apprécié par la population. Celui-ci avait la capacité à reproduire de maniѐre humoristique la vie des éclectique d’un Buenos Aires mélangeant immigrants de toutes parts et populations locales. S’il émerge à la fin des années 1890 l’un des sainete les plus connu est Los dientes del perro (Les dents du chien) écrit en 1918 par José Gonzalez Castillo et Alberto T. Weisbach. Ce qui le rend connu est l’inclusion dans la piѐce d’un tango Mi noche triste (Ma triste nuit) et l’influence qu’il a eu sur les créations d’autres dramaturges qui imitèrent le style de Castillo et Weisbach. Le sainete évoluera jusqu’à comprendre trois sous-genres qui se distinguerons par les techniques théâtrales qu’ils privilèges (burlesques, dramatiques, opéra). Le sainete est le genre théâtral le plus populaire et le plus présent jusqu’à la fin des années 1920 où il s’essouffla. Le sainete s’inscrit dans l’Age d’Or du théâtre en Argentine, c’est-à-dire les deux premiѐres décennies du XXѐme siѐcle. Les créateurs et intellectuels de l’époque ont su capturer les nouvelles idées sociales et les conflits de classes qui émergeaient. Ainsi Florencio Sanchez avec Barranca Abajo (Le ravin en bas) en 1905 émet une critique de l’appareil judiciaire en place mettant en scѐne une expropriation sur fond de manœuvres illicites. En 1908 José Maturana montre la dureté de la vie provinciale dans sa piѐce La flor del trigo (La fleur du blé). La grande majorité des piѐces sont écrites et jouées à Buenos Aires contenant le public nécessaire. La présentation des différents archétypes de la société argentine du temps ; gaucho, femmes, estancieros, classes moyennes, bourgeoisies ; rend la création prolifique. Cependant l’Age d’Or se termine au début des années 1920 face aux forts changements politiques qu’endure le pays avec l’arrivée au pouvoir des radicaux ainsi que la persécution croissante des classes défavorisées et de forts désaccords au sein du milieu intellectuel. C’est au début des années 1930 dans un contexte difficile qu’émerge le théâtre indépendant à Buenos Aires. C'est-à-dire un théâtre autonome des productions commerciales ou des politiques culturelles de l’Etat qui se différencie par des caractéristiques singuliѐres et tout à fait originales. L’expérience argentine est vue par les historiens comme la premiѐre du genre dans le continent sud-américain. Comment expliquer l’émergence du théâtre indépendant à Buenos Aires en 1930 ? Et quelles sont les raisons de sa disparition trente ans plus tard ? Un courant de cette ampleur ne peut être sans répercussions sur le théâtre argentin, quels héritages peuvent êtres constatés ? Nous tenterons d’élaborer, dans le développement qui suit, des réponses à ces interrogations. El Teatro del Pueblo les origines du théâtre indépendant Le courant théâtral indépendant est indissociable de l’expérience de ce théâtre fondé en 1930 par Leonidas Barletta. Il a inspiré un grand nombre de théâtres qui se sont crées, et ceci jusque Histoire Culturelle Le théâtre indépendant à Buenos Aires Sébastien Tadiello Page 3 de 12 dans les années 1960 et aura influencé durablement la vie dramatique argentine lui conférant l’un de ses caractères les plus originaux. Leónidas Barletta est un homme de lettre du courant intellectuel de Boedo avec des hommes tel que l’écrivain Roberto Arlt. Le groupe de Boedo s’opposait à celui de Florida dont Jorge Luis Borges faisait parti. Cette opposition était à l’image des lieux géographiques qu’ils opposaient. Ainsi le groupe de Boedo était originaire du quartier populaire et politisé de Boedo au sud de Buenos Aires. Celui de Florida était rattaché aux quartiers huppés de Buenos Aires d’où la référence à la trѐs chic rue de Florida. Le groupe de Boedo avait la volonté de changer la société dans laquelle ils vivaient selon principes inspirés de l’expérience russe du bolchévisme. C’est à partir des années 1920 que le groupe de Boedo s’intéresse au théâtre. Ceci est en grande parti due à la traduction du Théâtre du peuple de Romain Rolland (prix Nobel de littérature en 1915) qui traite des expériences théâtrale d’avant-garde du continent européen tel que celles de Copeau, Antoine, Piscator ou Stanislavski. Barletta fut beaucoup influencé par The Independence Theatre Society (1891) de Grande-Bretagne ou encore Le theatre libre d’Antoine (1887-1894). Ce dernier était une création d’André Antoine comédien et metteur en scѐne qui introduit une mise en scѐne novatrice et un jeu d’acteurs divergent du style de boulevard de l’époque. Son expérience de théâtre libre inspira des théâtres semblables à Berlin, Munich et Londres. On retrouvera dans les idéaux et les pratiques menés par Barletta des similitudes avec ces essais européens. Si Barletta réussi en 1930 à mettre en œuvre un pratique particuliѐre du théâtre il n’est pas le premier à le tenter. Plus tôt dans les années 1920 ses compagnons de Boedo ; Florencio Sanchez, Armando Discepolo et Franciscon Defilipis Novoa ; ont chacun tenter d’implanter une formation théâtrale indépendante. Il est donc le dépositaire d’idéologies et de pratiques antérieures dont il a sut profiter. Le 30 novembre 1930 Leónidas Barletta fonde el Teatro del Pueblo qui est « un agroupement au service de l’art ». Ce dernier est le premier théâtre indépendant d’Amérique Latine. Il intervient dans un contexte tout particulier où tous les niveaux du pays sont en crise, tant politique, sociale, économique que culturel. En effet sur le plan théâtral on assiste à un véritable essoufflement du genre des sainetes qui fut si populaire au début du siѐcle. A partir de la fin de la Premiѐre Guerre Mondiale l’on constate un déclin de l’intérêt porté au théâtre par la population argentine. Pour faire face à cette baisse de fréquentation les salles commencent à proposer des représentations à faible valeur artistiques tel que des spectacles de cabaret, des musicaux ou encore du teatro de horas qui se multiplient. Ce dernier est une tentative de revigorer le genre des sainetes si populaire auparavant. Cependant des effets pervers émergent et les quantités sont revêtues de plus d’importance que la qualité artistique des productions. Le contexte politique est tout aussi défavorable. En effet le 6 septembre 1930, uploads/Geographie/ le-theatre-independant-a-buenos-aires.pdf

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