PHILIPPE DESMAZES. AFP NORMAL! •1,50 EURO. DEUXIÈME ÉDITION NO9637 LUNDI 7 MAI

PHILIPPE DESMAZES. AFP NORMAL! •1,50 EURO. DEUXIÈME ÉDITION NO9637 LUNDI 7 MAI 2012 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,60 €, Grande­Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €, Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays­Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA. François Hollande est élu président de la République avec 51,67% des suffrages. 6mai2012,laBastille H LIBÉRATION LUNDI7 MAI2012 2 •EVENEMENT Des milliers de personnes ont fêté sa victoire à Paris. effervescente «Merci, peuple de France ici rassemblé», a déclaré François Hollande hier soir place de la Bastille. PHOTO ALBERT FACELLY ParNICOLASDEMORAND Enfin La joie. La joie immense. Celle de voir une parenthèse se refermer, une malédiction se dissiper. Et de quelle manière! François Mitterrand n’aura pas été une anomalie de l’histoire mais le premier président de gauche. Il y en a désormais un deuxième: François Hollande. Pour le peuple de gauche, 2012 fait renaître 1981, redonne de la vie et des couleurs à ces images vieillies, sépia, qui semblaient condamnées aux livres d’histoire. Aux souvenirs intimes des anciens ou des gosses que certains d’entre nous étaient alors. 2012 efface aussi le 21 avril 2002, cette brûlure, cette blessure. Dix ans plus tard, le traumatisme d’avoir vu, un soir, la gauche rayée du paysage politique français est réparé. Qu’est-ce que voter à gauche? C’est se dire, en dépit de l’individualisme des sociétés contemporaines, qu’un «nous» existe. Que des idées comme la justice, l’égalité, le partage et la solidarité peuvent et doivent organiser la vie publique. Comme ces institutions et ces biens publics, créés par le Conseil national de la résistance, qui nous préexistent et nous survivront après nous avoir façonnés. Qu’il est possible, donc, d’aller contre les valeurs de l’époque pour faire vivre ce qui rassemble, au lieu de suivre la pente naturelle, d’écouter la petite voix qui parle en chacun de nous et engage à ne vivre nos vies que pour défendre des intérêts individuels. Dans une France abîmée, qui aurait pu faire le choix de se barricader derrière des frontières fantasmatiques en ressassant son passé, la victoire de François Hollande démontre que le pays aura préféré l’espoir. Regardé devant et non derrière. Savourons ce moment où un peuple décide de faire un tel choix. Et de regarder l’avenir. Car telle est désormais la tâche qui attend François Hollande. Réparer le pays, bien sûr. Refaire la société, évidemment. Réduire les inégalités de destin entre les Français, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. Mais pour que tout cela advienne: dessiner, surtout, l’avenir. Montrer que la France n’est pas qu’un patrimoine, une histoire, une grandeur passée. Qu’elle peut aussi se projeter dans le futur et se réinventer. Cette page blanche, inquiétante par bien des aspects, exaltante par beaucoup d’autres, doit commencer à s’écrire. De manière résolue, impérative, pour ne pas décevoir ce vote et la confiance qu’il manifeste encore dans la capacité de la politique à changer les choses, à défaut de la vie. Le travail ne fait que commencer et il sera rude, dès demain. Mais aujourd’hui, soyez heureux et vivez pleinement ce joli mois de mai. ÉDITORIAL LIBÉRATION LUNDI7 MAI2012 H • 3 De la place de la Bastille au Capitole à Toulouse en passant par la place de la Victoire à Bordeaux, le peuple de gauche a célébré hier soir la victoire de Hollande, trente et un ans après celle de Mitterrand. «Un moment historique» C oupes à champagne en plastique, scènes de joie, embrassades: bien avant 20 heu- res, la foule s’était massée place de la Bas- tille, à Paris, devant le siège du Parti so- cialiste, dans les rues… Et ce fut pareil à Lyon, à Marseille, à Lille, partout en France. Tour d’hori- zon dans la fête d’un soir historique. Paris A la seconde où l’image de François Hollande s’est affichée sur l’écran installé place de la Bastille, une immense clameur a fusé de la foule, dans une forêt de bras levés, suivie instantanément par des fumigènes. Des rues autour, bloquées à la circula- tion, des renforts humains hilares ont afflué vers la place. Elise, 22 ans, célèbre son premier vote présidentiel une bière à la main. Un homme fend la masse compacte avec un sac d’où il sort un djembé, entamant en rythme un «Sarko, dé- gage!» Des centaines de personnes regardent avec jubilation le discours du président défait, poussant des «wouhouh!» réprobateurs. On entend un «ca- botin!» un «il fallait y penser avant!» La question du soir: Hollande viendra-t-il faire un discours? La scène de concert finit d’être préparée. Premier air téléphoné: Ça, c’est vraiment toi. Ça danse un peu, l’Irakienne Walaa évoque «une fissure dans le front conservateur», une grande perche aux allu- res de soixante-huitard dit: «C’est quand même mieux qu’il y a cinq ans, quand on se tapait dessus avec les flics.» «Ce soir, on fait la fête, poursuit le vieux briscard. Demain, on retourne au turbin, et on le surveille.» De l’autre côté de la place, dès 19h30, le second étage du socle de la colonne de la Bastille était pris d’assaut et le drapeau du Parti communiste était agité avec énergie. Un original s’est confectionné un fanion à deux faces: un côté bleu-blanc-rouge et un autre rouge, frappé de la faucille et du mar- teau. «It’s a big story», note Bruno Waterfield, re- porter au Daily Telegraph. «Un grand pays européen bascule à gauche.» A 20 heures, le 51,90% s’affi- che. C’est la liesse. Un peu plus tard, au Café de l’opéra, juste après le discours de Hollande. Maïa, 20 ans, étudiante: «J’ai voté pour Hollande à cause de son discours sur l’éducation. Quand je vois ma mère avec ses classes de 35 élèves “primo-arrivants”, il faut donner les moyens.» Lucile, 20 ans: «Moi, c’est pour plus de justice sociale, arrêter de faire peur avec les étrangers.» A quelques stations de métro de là, sur les trottoirs déserts du canal Saint-Martin, ce sont d’abord leurs drapeaux rouges et verts qu’on repère. Oli- via, 66 ans, Jean-Claude, 77 ans, militants au Front de gauche et au Réseau Education sans frontières, marchent vers Bastille, certains de revivre un mo- ment historique, mais sans illusion. L ’arrivée des socialistes au pouvoir, c’est la «certitude qu’il va falloir se battre», dit Olivia. «On veut la régularisa- tion de tous les sans-papiers, et ça, on ne l’aura pas comme ça. On sait aussi que les marchés vont réagir contre la France, qu’il va falloir empêcher des usines de fermer.» Ils étaient tous deux présents en mai 1981. «Ça n’a rien à voir, prévient Jean-Claude, ancien ingénieur au CNRS. Nos espoirs ont été déçus dès 1983!» Même impression de victoire en demi- teinte pour Eric, facteur quinquagénaire. «Le seul programme qui vaille, c’est celui d’une gauche unie, qui se bat pour le partage des richesses. Sans ce pro- jet, les nationalistes seront au pouvoir en 2017. Ne lâchons rien!» Du côté de la rue de Solférino, siège du Parti socia- liste, l’ambiance était survoltée dès 17 heures. A partir de 19 heures, plus rien ni personne ne passe: ni réseaux, ni sympathisants, ni caciques du PS, tant la foule est dense. Peu importe, les leaders so- cialistes affichent une mine réjouie, y compris Ju- lien Dray, que l’épisode de l’anniversaire rue Saint-Denis ne semble pas avoir banni des festivi- tés. Le comédien Jacques Weber est venu en fan, Sur la Grand­Place de Lille, hier soir. PHOTO OLIVIER TOURON Rue de Solférino, à Paris. PHOTO VINCENT NGUYEN.RIVAPRESS n LIBÉRATION LUNDI7 MAI2012 4 • EVENEMENT Place de la Victoire, hier soir, à Bordeaux. PHOTO RODOLPHE ESCHER «Merci, peuple de France ici rassemblé», a déclaré François Hollande, hier soir, place de la Bastille. PHOTO ALBERT FACELLY enthousiasmé par François Hollande. «Au début, j’étais pour Mélenchon. Et puis l’homme m’a peu à peu convaincu. Aujourd’hui, c’est un type construit, qui a la stature d’un chef d’Etat.» Beaucoup de res- ponsables européens sont présents. Le vice-Pre- mier ministre irlandais et leader du Labour, Ea- mon Gilmore ne cache pas son envie d’aller danser à la Bastille: «Pour nous, c’était très important que Hollande soit élu, on a besoin de lui pour renégocier le traité en y intégrant plus de croissance.» Même satisfaction pour le député européen Thijs Ber- man: «La gauche européenne attend Hollande avec impatience, il y en a assez du fétichisme de l’austé- rité.» Et d’oser ce joli jeu de mots: «Moi, Néerlan- dais, je suis très heureux que, ce soir, la majorité des Français soient hollandais!» Clichy­sous­Bois Les larmes de Zoulika à 20 heures: «C’est fini. On va se sentir à nouveau chez nous.» Et puis des rires, des embrassades avec ses amis du collectif d’ACle- Feu, qui organisait une garden-party à Clichy- sous-Bois (Seine-Saint-Denis). uploads/Geographie/ liberation-n09637-lundi-07-mai-2012.pdf

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