Discours prononcé devant les membres du Conseil Français des Investisseurs en A
Discours prononcé devant les membres du Conseil Français des Investisseurs en Afrique (CIAN) Paris, France 15 juin 2005 Par le Professeur Louka Katseli Directrice du Centre de Développement Monsieur le Président, Chers convives, Distingués membres du Conseil Français des Investisseurs en Afrique, Mesdames et Messieurs, Je tiens tout d’abord à vous remercier, et à remercier en particulier Monsieur Gérard Pellisson, Président du Conseil Français des Investisseurs en Afrique, pour l’honneur qui m’est fait de pouvoir m’adresser à une assemblée de représentants de premier plan du secteur privé français ainsi que pour l’opportunité qui m’est donnée, en qualité de Directrice du Centre de Développement de l’OCDE, de pouvoir échanger points de vue et analyses avec des investisseurs privés actifs sur le continent africain. Cet échange prend un relief tout particulier en cette année 2005, qui peut, sans emphase excessive, être considérée comme l’année de l’Afrique : en effet, en mars dernier, la Commission pour l’Afrique remettait son rapport intitulé « Our common interest » ; en juillet prochain, l’Afrique sera au cœur des discussions des pays du G8 lors du sommet qui se tiendra à Gleneagles, en Écosse ; enfin, en septembre, il ne fait pas de doute que l’Afrique tiendra à nouveau une place toute particulière dans le cadre de la revue des progrès réalisés en matière d’Objectifs de développement pour le millénaire organisée par les Nations-Unies. Notre rapport Perspectives Économiques en Afrique, dont la 4ème et dernière édition 2004/2005 vient d’être publiée, constitue un jalon essentiel de cette réflexion, plus que jamais nécessaire, sur le devenir de l’Afrique et sur la manière dont les différents partenairesstakeholders, y compris les investisseurs et les gouvernements des pays les plus riches, peuvent contribuer au développement économique et social du continent. Parce qu’il relate et analyse les développements économiques, sociaux et politiques intervenus dans pas moins de 29 pays africains ; parce qu’il est élaboré en partenariat avec une institution africaine, la Banque africaine de développement, et parce qu’il s’appuie sur l’expertise conjuguée d’experts appartenant à l’OCDE, à la BAD et à un vaste réseau d’instituts d’études et de recherche africains, ce rapport est en mesure d’apporter un éclairage à la fois large dans son approche, rigoureux dans ses analyses et objectifs dans ses recommandations, sur les enjeux qui structurent aujourd’hui le débat sur l’avenir du continent. Or ce débat, nul ne saurait, pas davantage aujourd’hui qu’hier, en nier la nécessité, sinon l’urgence. Certes, et c’est une des évolutions mises en exergue par l’édition 2004/2005 de notre rapport, l’Afrique a enregistré ses meilleures performances macro-économiques depuis longtemps, avec une croissance au plus haut depuis 8 ans, et une inflation au plus bas depuis 25 ans. On voudrait voir dans ces bons résultats un présage favorable pour l’avenir. Et de fait, ces performances encourageantes ne sauraient être réduites au seul impact positif d’un environnement international relativement favorable, en particulier une croissance mondiale dynamique et des prix des matières premières bien orientés. Des facteurs internes y ont en effet également contribué. La gestion macroéconomique des pays africains n’a cessé de s’améliorer au cours de la décennie écoulée tandis que l’instabilité politique recule comme en témoigne la normalisation progressive de la situation politique dans la Région des Grands Lacs, en Sierra Leone et en Guinée Bissau. 1 Pourtant, ces performances positives, qui éclairent d’une lumière favorable cette année 2005 riche en évènement, ne doivent pas masquer les incertitudes et les défis auxquels le continent ne manquera pas d’être confronté dans les 20 années qui viennent. Certains de ces défis ne datent pas d’aujourd’hui. Les décideurs politiques africains ne sont encore que trop rarement parvenus à élaborer et à mettre en œuvre une vision crédible de ce que devra être le développement de l’Afrique au cours des années à venir, c'est-à-dire un développement fondé sur une mobilisation efficace des ressources physiques, techniques, financières et humaines du continent et sur des modalités de gouvernance transparentes et stables. Dans ce contexte, l’Afrique a pris du retard si l’on en juge par son intégration des plus restreintes au commerce mondial ; en retard également, à la fois à l’échelle mondiale et en termes de calendrier, si l’on considère sa progression en matière de réalisation des Objectifs de développement pour le millénaireDM. Or le rattrapage ne sera pas aisé. Car l’Afrique n’est pas seulement en retard, elle est également vulnérable. Vulnérable à des chocs internes tels que la sécheresse et les inondations, l’instabilité politique et les conflits, ou encore le fléau du VIH-SIDA. Vulnérable à des chocs externes, tels que la volatilité des prix des matières premières et des taux de change des principales devises internationales. Vulnérable, l’Afrique est également mal préparée pour faire face aux défis nouveaux, et à certains égards déjà bien actuels, que constitue par exemple l’émergence de nouveaux acteurs et concurrents féroces, tels que la Chine et l’Inde. D’une part ces derniers ne manqueront pas de créer des turbulences au niveau de l’environnement économique international, qu’il s’agisse d’une plus grande volatilité des taux de change, des taux d’intérêt et des prix des matières premières, qui ne sera pas sans affecter les économies vulnérables d’Afrique. Par ailleurs, Surtout, comme l’illustre ce qui se passe actuellement dans le secteur du textilee l’habillement, la concurrence chinoise et dans une moindre mesure indienne pourrait rendre difficile condamner d’avance les tentatives de diversification entreprises par certaines économies africaines. Mais le défi ne consiste pas seulement à faire face aux risques que l’émergence de la Chine et de l’Inde suscite. Il s’agit également pour l’Afrique de mettre à profit les opportunités qui lui sont associées, en particulier une forte demande de matières premières, le développement de flux d’investissements chinois et indien en direction des autres pays du Sud, en particulier dans le domaine des infrastructures, et une redéfinition des chaînes de valeurs internationales autour de ces deux pays. Ainsi, les pays africains exportateurs de matières premières doivent s’efforcer de mettre à profit les surcroît de revenus, parfois exceptionnels comme l’illustre le cas des pays pétroliers, tirés des ressources naturelles demandées par la Chine et l’Inde pour diversifier leurs économies, investir dans les infrastructures, ainsi que dans les secteurs sociaux prioritaires tels que l’éducation et la santé. Pour l’ensemble des pays africains, l’enjeu est également d’être plus compétitif pour trouver leur place, et pas seulement comme fournisseur de matières premières, dans les chaînes de valeur qui se mettent en place au niveau international. Le Centre de Développement s’est d’ailleurs engagé dans le cadre de son Programme de travail 2005/2006 dans un projet destiné à évaluer l’impact de l’émergence de la Chine et de l’Inde sur le continent africain et à dessiner les contours de politiques publiques permettant à ce dernier d’en tirer parti. Pour répondre à ces défis anciens et nouveaux et ainsi créer les conditions d’un développement qui permette de s’attaquer efficacement au problème de la pauvreté, la mise en place « d’amortisseurs de chocs » et de moteurs internes de croissance doit constituer une priorité. Certes, l’augmentation de l’aide publique au développement du continent, déjà constatée ainsi que planifiée sur les prochaines années, et les récentes annulations de dette décidées dans le cadre du G8 la semaine dernière sont importantes et vont dans le bon sens. Mais elles ne sauraient être suffisantes. Leur rôle est bien davantage celui d’un catalyseur, un catalyseur du développement des secteurs privés locaux. Car, 2 Autrement dit, l’accent doit être mis, au cours des prochaines années, sur le développement des capacités productives des pays africains, sur l’émergence d’un secteur privé dynamique, sur la diversification des économies et des exportations. Cet intérêt porté au développement du secteur privé en Afrique devrait être, à n’en pas douter, largement partagé dans cette enceinte ! Mais il est également, sachez-le, de plus en plus largement partagé par nos homologues de la Communauté communauté des bailleurs bilatéraux et multilatéraux, ainsi que par les décideurs africains. Faut-il y voir un nouveau et énième credo à la mode en matière de réflexion sur le développement ? Nous ne le pensons pas. Il part plus simplement du constat que les réponses apportées à au défi du développement d’un secteur privé dynamique en Afrique sont jusqu’à présent demeurées trop timorées alors que les enjeux qui lui sont associés sont immenses : création d’emplois et réduction de la pauvreté ; diversification et résistance aux chocs; compétitivité et insertion dans le commerce international. Or en la matière, vous, investisseurs, pouvez apporter une contribution décisive. Mais force est de constater que jusqu’à présent, les investissements directs étrangers en Afrique n’ont pas contribué de manière significative à la mise en place d’une croissance stable, durable et surtout favorisant la réduction de la pauvreté en Afrique. La concentration des investissements directs étrangers dans les secteurs des matières premières n’est pas étrangère à cette situation : 14 pays, tous producteurs de pétrole, de gaz ou de minerais, ont attiré à eux seuls 70 pour cent des investissements directs étrangers destinés à l’Afrique en 2003. (Chiffre AEO, table 10). Dans ce contexte, les investissements directs étrangers ont en particulier peu contribué à l’émergence uploads/Geographie/ monsieur-le-president-et-derniere-differents-y-compris-les-gouvernements-des 2 .pdf
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