CHAPITRE II GUILLAUME DUFAY. - GILLES BINCHOIS. - JOHN DUNSTABLE. Il n'est pas
CHAPITRE II GUILLAUME DUFAY. - GILLES BINCHOIS. - JOHN DUNSTABLE. Il n'est pas encore possible de déterminer où et quand naquit Guil- laume Dufay. S'on nom est trop répandu, pour qu'il soit permis de le relier aux personnages de son temps qui s'appellent comme lui. Il serait vain, Rans preuves supplémentaires, de le rattacher à la famille de ce Regnault. du Faï qui enrichit l'église Saint-André à Saint-Quentin, d'une fondation dite «, cantuaire » (1423) (1), ou bien de le croire apparenté à Jean du Fay, chapelain à Saint-Amé de Douai, mentionné entre 1408 et 1424 (Nord, G 15, fol. 4 v o , 47, 51 v o , 102, etc.). Et il ne suffirait pas, pour établir qu'il était de Cambrai, de rappeler que Jacques de Fayl fut chaIl aine à Sainl-Géry de celle ville en 1361 (2), que Jean dou Fayt répara pour 12 sous des « tuyaux » à la cathédrale en 1380' ou 1381 (Nord, G 3831, fol. 11 va), et que Gillot du Fay, quarant.e ans plus tard, veilla hors des parles de la cité (Arch. corn. de Cambrai, CC 47, l419-1420). Le plus ancien document où Guillaum,e Dufay semble être désigné est un compte d'après lequel Jean de Hesdin prêtre de Noyon reçut 77 sous pro gubernatione cujusdmn lVillelmi, antequam fuit receptus ad officium ,altaris (G 1414; 1409-1410). Celle année-là Nicolas Malin, m.aître des enfants de chœur, avait fait deux voyages pour chercher des élèves, el s'était rendu à Douai, à Lille, el à Béthune (ibid.). Dans un compte commencé à la Saint Barnahé de 1109, il est noté que, par la réception de Willemet, le nombre des enfanls est de 6 vers la fin d'aoftt, et que le nouveau venu fut pourvu d'une chape noire où 2 aunes 1/2 de drap furent employées. Un Doctrinale lui ful acheté pour 20 sous (G 1416; 1411-1412), et le Grecisrnnm de 12 sous acquis l'année suivante pour un enfant d'autel lui fut peut-être destiné (G 1417). Bientôt après, (1) L. P. CollieLLe, MénL pour servir à l'hist. de la provo de Vermandois, III, 1772, p. 51. (2) Ursrner Berlière, Jean Demier de FayL, UJ07, p. 11 (cf. pp. 21-22). ~ 1 ..• ~ 4 ~ ,~ '4 , .4 ,~ .~ .. ~ .~ .~ .~ ~ '. 4 ~ .. . '. 4 ~ '. :',j • • ',~ :t , ,t 'J , '4 :4 '~ , ~ , 1 ~ , ~ :, ~ , , ~ , j ,'~ . .~ GUILLAUME DUFAY 55 3 francs valant 72 sous furent accordés à Willermus ùu Fa)'t, clerc d'au- tel, pour obtenir les leUres de possession d'une chapellenie (G 1418; 1413-1414). Le chant de la cathédrale était alors renommé (1). Nicolas Malin qui le dirigeait, servait déjà au chœur en 1390 (Cambrai, ms. 1054, fol. 55 VO). Un double mariage qui unissait les familles de Bourgogne et de Hainaut avait été célébré avec éclat à Cambrai en 1385 (2). L'année précédente, un certain Joh. de Haspre fut reçu petit vicaire à Notre- Dame. Depuis 1397, Pierre d'Ailly, ancien chancelier de l'Université de Paris, était évêque, et il n'était pas insensible à la musique (3). En 1408, Nicolas Grenon avait été chargé d'enseigner la grammaire aux enfants (G 1412-1413). Il venait de Laon où il gouvernait les enfants de la cathédrale depuis 1403. Auparavant, il avait séjourné à Paris, comme chanoine du Saint-Sépulcre, église qui dépendait (lu chapitre parisien. Il y avait reçu en 1399 la succession de son frère défunt (Arch. nat., LL 108 B, p. 18). Quand le duc de Bourgogno eut hesoin d'un maître pour ses petits choristes, Grenon fut choisi (141'2; Bibl. nat., Coll. de Bourgogne, 57, fol. 138). Grenon quilla Cambrai quelques semaines avant que Dufay fô.L inscrit parmi les choristes, mais quand il était déjà nourri aux frais des cha- noines. En 1408, il avait été décidé de ne plus garder que douze des pe- tits vicaires qui chantaient avec les six enfants (ms. 1055, fol. 9 VO). Des auxiliaires étaient admis auprès d'eux. En 1409-1410, un'e gratifica- tion de quatre sous fut accordée, pro infirmitate sua, à François le Ber- toul, jrequentanti chorum (G. 1414). Quelques chansons et un m,otet sont attribués à un compositeur de ce nom (Oxford, ms. Canon ici , mise. 213), œuvres écrites avec plus de facilité que de talent, et où se manifest.e une certaine prétention à la diversité rythmique (le molet a été publié par M. van den Borren, Polyphonia sacra, 1932, p. 273). Parmi les chanoines, le goût de la musique était répandu : chez Er- noul de Halle, que ses confrères du chapitre tenaient pour être charilable n l'excès, il y avait huit harpes, t.rois luths, trois guitares, trois vielles (violes), un rebec et un psalLérion (testament de 1417). L'art profane prospérait donc à Cambrai, sous la tutelle de l'Eglise. Aussi bien, le maÎlre qui remplaça Malin en 1413 tenait de près au siècle : Richard de Loquevi.lle était marié, el avait servi le duc de Bar (1) J. Houdoy, lIist. artistique cie la cathédrale cie Cambrai, 1880, p. 59. (2) Intern. Ces. f. Mus. /Vis!!., [(onurcssuericltL, 11);30, p. 5G. (3) Mitteilungen der in/. Ces. f. Mw. II, 1930, p. 30. fiG lIISTOIllE DE LA MUSIQUE comme joueur de harpe, en même temps qu'il enseignait le chant reli- gieux aux enfants de chœur (Meuse, B 2G33, fol. 29 VO). Il est proba- ble que cc musicien s'était for:m,é à Paris, car le duc Robert, qui avait épousé la fille du roi de France, voulait entrelenir en son château les usages de la cour royale. Loqueville a laissé des chansons à trois voix (Oxford, ms. cité). Dans l'une, la mélodie est entièrement syllabique au soprano. Deux instruments, sans doute de sonorité différente (les croise- ments semblent l'indiquer), accompagnent le récit de la vie hasardeuse que mènent les artistes errants. « Quand compagnons s'en vont jouer » çà ct là en plusieurs pays, il n'ont pas chaque jour à ~anger chapons ou « gras connins » et, dépourvus d'argent, ils risquent de terminer leur aventure avec deux « ceps» aux pieds (foL 90) : composition fort simple où la 3° partie complète vaille que vaille l'harmonie et subvient au faux bourdon des' cadences. Les instruments onL plus d'importance en quatre autres pièces profanes, où leurs préludes sont \Ilettemen~ reconnaissa- hIes, et d'autres interventions admissibles. Com~e l'auteur fut harpiste, on peut êtr~ tenté de supposer qu'il destinait à son instrument. le COrt- tl'alenol' de Je vous prie que j'aie un baiser, où se trouvent des notes répétées par petils groupes (fol. 91 VO). Celle cantilène de mai a le même caractère d'improvisation gracieuse que les autres chansons de Loque- ville. Dans l'un de ses deux Et in terra, les versets sont répartis entre deux groupes de chanteurs, 2 soprani étant opposés au chorus à trois voix (Bologne, ms. 37, fol. 60). Dans l'autre, le premier superius et le second dialoguent en un discours rapide (Polyph. sacra, p. 134). Le texte d'un Patrem omnipotentem s'écoule de même, modulé tour à tour par deux enfants de chœur sur des tenues instrumentales (Bol. ms. 31, fol. 18). Il y a plus de richesse mélodique et de densité dans le Sanctus vivens secundum Loqueville (Bol. ms. 37, n° 22), écrit à quatre voix. Celui qui a brisé les portes de la mort y est célébré par une ample interpo- lation, et· Loqueville ne craint pas d'y ajuster des motifs doublés à l'octave. Les dièses qu'il introduit en ce contrepoint archaïque en renfor- cent l'âpreté majestueuse, et ily use du hoquet (in-exccl-sis). Son motet 1.\ Saint-Yves (0 flos in divo arc, Bol. 37, n° 280) est construit sur un teHor dépourvu de paroles, el présenlé deux fois, la seconde par marche rétrograde. Deux lignes vocales floUent avec une certaine élégance au- dessus de ce thème à l'apparence liturgique. NIais la mesure en est un peu saccaùée ct avec intention, quand le compositeur sépare certains mols (legum-juris) pour les ~ieux marquer. Lorsque les britagena modula- GUILLAUME DUFAY 57 mina sont évoqués, les notes figurent des arpèges. Si c'était une allusion il la m~lsique de la nretagne, elle aurait bien du prix, puisque rien ne subsiste des anciens lais bretons, qui furent si vantés. On a aussi con- servé de Loqueville 0 rcgina clcmcntissima (1). En somme, le principal mérite de ce ménestrel admis au sanctuaire serait peut-être d'avoir en- couragé, ou IIl,ême guidé le jeune Dufay, et le témoignage de son œuvre a celle valeur particulière, d'être daté avec assez de précision. Car, en 1410, Loqueville n'était que clerc de chapelle chez le duc de nar (Meuse, B 32G7), et un compte établi dans l'année commencée le 25 juin 1418, mentionne les quatre cierges que sa veuve paya pour sa messe de Requiem (Nord, G 38(7). Vincen t Breion était son successeur au commencement de 1419 (G 1423). Quand Loqueville mourut, l'évêque de Cambrai, Pierre d'Amy, avait peut-être éloigné Dufay de ses premiers IIl,aîtres. Il serai l du moins uploads/Geographie/ pirro-histoire-de-la-musique.pdf
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- Publié le Fev 07, 2021
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