Revue d'histoire des sciences La lettre de Torricelli à Roberval d'octobre 1643

Revue d'histoire des sciences La lettre de Torricelli à Roberval d'octobre 1643 Jean Itard Résumé RÉSUMÉ. — Traduction française et commentaire détaillé de la lettre d'octobre 1643 par laquelle Torricelli entre en contact avec Roberval et lui communique son opinion et les résultats obtenus concernant le centre de gravité de la parabole, les paraboles semi-générales, l'aire de la cycloïde et son histoire, le solide de révolution engendré par une conique et le solide hyperbolique aigu. Abstract SUMMARY. — French translation and detailed annotations of a letter dated October 1643, by which Toricelli gets in touch with Roberval and reports to him about his views and results on the centre of gravity of the parabola, the semigeneral paraboles, the surface of the cycloid and its history, the solid of revolution generated by a conic and the hyperbolic acute solid. Citer ce document / Cite this document : Itard Jean. La lettre de Torricelli à Roberval d'octobre 1643. In: Revue d'histoire des sciences, tome 28, n°2, 1975. pp. 113- 124; doi : https://doi.org/10.3406/rhs.1975.1131 https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1975_num_28_2_1131 Fichier pdf généré le 08/04/2018 REV. HIST. SCt. 1975-XXVIH/2 La lettre de Torricelli à Roberval d'octobre 1643 RÉSUMÉ. — Traduction française et commentaire détaillé de la lettre d'octobre 1643 par laquelle Torricelli entre en contact avec Roberval et lui communique son opinion et les résultats obtenus concernant le centre de gravité de la parabole, les paraboles semi-générales, l'aire de la cycloïde et son histoire, le solide de révolution engendré par une conique et le solide hyperbolique aigu. SUMMARY. — French translation and detailed annotations of a letter dated October 1643, by which Toricelli gets in touch with Roberval and reports to him about his views and results on the centre of gravity of the parabola, the semigeneral paraboles, the surface of the cycloid and its history, the solid of revolution generated by a conic and the hyperbolic acute solid. Je publie ci-dessous une traduction française de la lettre de Torricelli à Roberval, datée du 1er octobre 1643. Je l'avais demandée à Mlle Dominique Trétare, que je remercie de sa collaboration. Cette lettre, dont le texte latin est publié au tome XII de la Correspondance du P. Marin Mersenne (p. 328-333), est la suite logique du feuillet communiqué par Torricelli au P. J. F. Nicéron vers mai ou juin 1643 (Corr. Mers., XII, p. 201-209), et de la lettre de Roberval au P. Mersenne, datée hypothétiquement de juillet {Corr. Mers., XII, p. 252-267). Pour faciliter la compréhension du commentaire qui suit la version française je me suis permis de sous-titrer la partie mathématique de la traduction que j'ai ainsi subdivisée en cinq parties. Rappelons que Torricelli (1608-1647) publiera durant l'été 1644 le seul ouvrage mathématique imprimé qu'il ait produit : Opera Geometrica. Nous le citons d'après les Opere di Evangelista Torricelli, 4 t., Faenza, 1919-1944. Les citations seront indiquées par Opere, suivi de l'indication du tome. La correspondance de Torricelli sera citée d'après Opere ou d'après Corr. Mers. T. XXVIII. — 1973 8 114 REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES TRADUCTION FRANÇAISE Au très illustre Roberval, avec les salutations distinguées d'Evangelista Torricelli. Je veux m'entretenir avec vous sans intermédiaire, illustre confrère (qui pourrait vous dénier ce titre ?) et, bien que votre lettre soit adressée au fameux Mersenne, je ne puis refréner l'élan de mon esprit pour courir à vous, je ne puis l'empêcher de se consacrer tout entier à vous, comme à l'Apollon des géomètres. Certes, je dois aujourd'hui estimer bien heureux le sort des bagatelles que j'ai écrites, et de ne plus les compter pour rien désormais, puisqu'elles vous ont paru dignes de subir votre jugement et d'être enrichies par vos observations. Centre de gravité de la parabole (texte latin, 1. 9 à 12) Vous me demandez d'abord si je considère le centre de gravité de la parabole a priori, comme un problème résolu ou si, l'ignorant, je le cherche. Je rougirais, en vérité, de placer un théorème non démontré au milieu de mes autres petites propositions dont la démonstration est faite. J'ai exposé ce théorème à l'aide d'une démonstration unique et concise. Les paraboles semi-générales (texte latin, 1. 12 à 23) Mais, à cette occasion, j'ai pu admirer la fécondité de votre esprit touchant tant de paraboles et leurs solides, considérés non seulement d'un point de vue géométrique, mais aussi d'un point de vue mécanique et rédigés pour en rendre possible la mesure et la connaissance. Sur ce point, je n'ai — et n'aurai sans doute jamais — rien à dire. Si, d'une part, j'estime qu'un théorème de cette sorte est — sauf erreur de ma part — d'un examen très difficile, d'autre part je n'ai pas pour habitude de m'arrêter à des figures qui ne soient pas courantes, ni à des solides qui, même s'ils sont nouveaux, n'aient au moins pris naissance de figures planes connues depuis longtemps ; et ceci essentiellement parce que le résultat de mes travaux lorsque tout a été réussi selon le désir de l'esprit, doit pouvoir obtenir l'approbation unanime des hommes cultivés, et qu'il ne doit y avoir personne pour être jaloux de figures que j'aurais trouvées moi-même. Aire de la cycloïde. Son histoire (texte latin, 1. 24 à 50) La mesure de la cycloïde (car c'est le nom que donna, voilà 45 ans, le fameux Galilée à une figure qui, peut-être, n'est connue de vous aujourd'hui que sous le nom de trochoïde) se présenta d'elle-même à moi sans que je l'espère, je dirais presque sans que je la cherche. Je l'ai ensuite démontrée cinq fois, et chaque fois à l'aide de principes différents. En ce qui concerne les solides je ne sais rien. La tangente de la ligne en question m'avait déjà été montrée par le jeune Florentin Vincenzo Viviani, élève du fameux Galilée. Quant à l'inventeur de cette figure, j'imagine que votre esprit si pénétrant et si fertile a pu observer celle-ci par lui-même, J. ITARD. — ■ TORRICELLI A ROBERVAL (OCTOBRE 1643) 115 sans avoir besoin qu'on la lui signale ; une ligne de cette sorte est en effet familière dans la nature et elle provient de la composition de deux mouvements, rectiligne et circulaire. Cependant on trouve aujourd'hui encore des témoins à qui autrefois Galilée fit part de ses travaux infructueux sur cette figure ; il reste même quelques pages du fameux mathématicien où, déjà, dans sa jeunesse, il avait dessiné des figures et amorcé des tentatives d'explication sur ce sujet. Il y a bon nombre d'années, il proposa le problème à notre admirable géomètre Cavalieri et lui dit ce qu'il m'a confirmé ainsi qu'à beaucoup d'autres, savoir que jadis il avait fait une expérience. Il suspendait des aires matérielles à une petite balance pour connaître le rapport de l'aire de la cycloïde à celle du cercle qui lui donnait naissance ; le résultat, par je ne sais quelle fatalité, était toujours moins que le triple. C'est pourquoi il avait abandonné cette entreprise, craignant qu'il n'y ait quelque incommensurabilité ; que si, l'erreur étant inconstante, il avait trouvé tantôt moins du triple, tantôt plus, alors le perspicace mathématicien affirmait qu'il aurait poursuivi son observation, rejetant les variations sur les inégalités de la matière, et sur les barbes du découpage. Solide de révolution engendré par une conique (texte latin, 1. 51 à 57) J'établis la proposition relative au solide décrit par toute section conique tournant autour de son axe et au centre de gravité de ce même solide, dans une seule et brève démonstration qui ne suppose qu'une connaissance modeste d'Apollonius. A la vérité, j'ai rejeté ce double théorème parmi ceux d'intérêt secondaire ; il n'aura en effet aucune place dans les petits ouvrages que je dois publier très bientôt où j'accorde la plus grande importance à l'unité du sujet. Solide hyperbolique aigu (texte latin, 1. 58 à 75) Quant au solide hyperbolique, qui ne m'appartient déjà plus — il est à vous — , que je meure si je conserve l'espoir d'en voir une démonstration assez remarquable et assez savante pour mériter d'être comparée à la vôtre. Je recueille aujourd'hui le fruit le plus précieux de mon travail simplement parce que vous, si illustre et si brillant, vous avez daigné relever ma bagatelle par des démonstrations si pénétrantes et avec une telle abondance de connaissances. Je commence par vous en remercier bien vivement ; ensuite, pour satisfaire à votre demande, je vous apprendrai que ma méthode de démonstration pour ce solide est tout à fait différente de la vôtre. Une de mes voies d'accès procède de la doctrine des indivisibles qui, si on avait toujours affaire à un lecteur éclairé, pourrait s'exposer en quelques mots. L'autre qui procède des figures inscrites et circonscrites, à la façon des Anciens, n'est à la vérité pas aussi rapide, mais elle est simple et peut être digne de curiosité. Je n'ai trouvé dans votre écrit qu'une chose qui s'accorde avec mes procédés : c'est la construction à effectuer pour diviser un segment du solide hyperbolique dans un rapport donné. A part cette construction qui est la même, les démonstrations sont très différentes. uploads/Geographie/ rhs-0151-4105-1975-num-28-2-1131.pdf

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