GÉOGRAPHIE ANCIENNE DE L'ALGÉRIE LES PREMIERS ROYAUMES'BERBERES ET 1,\ GrEI\RE'

GÉOGRAPHIE ANCIENNE DE L'ALGÉRIE LES PREMIERS ROYAUMES'BERBERES ET 1,\ GrEI\RE' DE .JUGURTIIA PAl: LE COMMANDANT RI NN .t:l;CISl'f CHEF DU SERYICE CE~Tr..\I. DES ,\FF.\IRES I~DI(}ÈNES CONSEILLER DE GO~YERXEMENT ALGEB ADDLPHE .JOURDA~, LIBRAIRE-:ÉDI'} EL'K BlPRBlEt"R-LIBIUIRE DF. L'ACADÉMIE lBS."'> ./ EXTRAIT DES PUBLICATIONS DE LA REVUE AFRICAINE Rullelin de la Société hülol'ique Algé"irnne GÉOGRAPHIE ANCIENNE DE L'ALGÉRIE • :: Il : LES PREMIERS ROYAUMES BERBERES ET LA GUERRE DE JUGURTHA PAR LE COMMANDANT RI N N 10022916 ANCIER CHEF DU SERVICE CENTltA'l. DES AFF.H~S INDIGBNES . CONSEILLER DE GOUVERNEMENT ___~::I_MceoB7!J!MQ _ ALGER ADOLPHE JOURDAN, LIBRAIRE-ÉDI'IEUR UIPRIXBOR-LIBBAlll.B DE L'ACADÉMIE 1885 j 1 1 , 1 1 1 1 _1 1 1 1 1 1 1 ..~ 1 1 1 1 1 •.1 1 1 1 1 ·1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 GÉOGRAPHIE ANCIENNE DE L'ALGÉRIE LES PREMIERS ROYAUMES BERBÈRES ET LA GUERRE DE JUGURTHA Cette étude était écrite, avant la publication, dans le bulletin de la Correspondance a/ricaine, de l'article de M. de la BIanchère, intitulé «'Ia Molochat » (1884.). Mon intention était de ne la donner à la Revue africaine qu'après avoir eu l'occasion de faire, à Krencbela, un nou- veau voyage spécialement consacré à une exploration des environs. L'insertion de l'article de mon collègue, M. Tauxier, m'a déterminé , à faire paraître plus tôt ce travail qui donne. sur ce sujet, des aper- çus assez diff-!l'ents de ceux déjà parus. Est-ce à dire que je veuille démontrer qu'il n'y a pas eu une Moloka pouvant être identifiêe avec la Moulouïa ou avec l'oued Mokta? Nullement; il y a eu autant de JfoÛJka dans l'antiquité qu'il y a aujourd'hui d'oued El-Kebir et c'est là précisément la cause des confusions et contradictions des anciens auteurs. Mais ces Moloka occidentales ne sont pas, à mon avis, la Moloka de liJallaste. La plupart des géographes ou historiens modernes qui ont eu à parler de l'Afrique ancienne ont identifié jusqu'ici la Moulouka avec la Moulouia actuelle; et, donnant cette dernière rivièré comme limite occidentale des États .de Sifaks, ils ont identifié: Siga, première -2- capitale de ce prince, avec la Siga carthaginoise, puis Municipe romain, située dans la province d'Oran, en face l'îIe de Rachgoun, près l'embouchure de la Tafna, au lieu dit Takembrit. Cette opinion, déjà émise au siècle dernier par le savant voyageur anglais Schaw, a été, depuis, examinée, dis- cutée et même combattue, sans que. cependant on soit ~rrivé à une conclusion tout à fait probante (1). Cette incertitude vient de ce que, au lieu de chercher les preuves dans l'étude même du terrain et dans celle de l'histoire, on est allé les demander aux textes incor- rects et contradictoires des géographes grecs ou latins. C'était oublier que ces géographes n'avaient pas été en situation de controle\' les renseignements qu'ils avaient consignés, en d'indigestes compilations, sur une contrée qu'ils n'avaient pas vue, et dont ils ignoraient le premier mot. De là, chez eux, ces noms berbères défigurés ou mal traduits, ces confusions si nombreuses à propos des dénominations homophones de lieux différents, comme aussi à propos des appellations multiples d'un même endroit. Dans leur ignorance, ils n'ont même pas su compren- dre les historiens les plus clairs et les plus précis, et leur géographie fantaisiste ou erronée, loin d'aider à l'intelligence des textes historiqu~s, ne fait que les obs- curcir et les dénaturer. Par contre, depuis 55 ans que nous occupons l'Algérie, nous avons recueilli assez de données linguistiques et autres pour pouvoir appliquer, avec certitude, sur le terrain, les récits des historiens anciens; aussi bien ceux de Salluste et de Procope qui ont vu le pays, que ceux (1) Voü' bulletin de la Co·rrespondance africaine, 1884, fascicule 2, un article ùe M. ùe la Blanchère, intitulé « Malva, Mulucha, Molo- chath; » Ret'ue africaine, nO 169, janvier-février 1885, un autre article de notre collègue, M. Tauxier, qui identifie la Moloka avec la Makta. • ~3~ de Tite-Live ou de Tacite qui ont toujours apporté, dans le choix des matériaux par eux employés, un esprit de critique et un discernement dont manquent trop souvent les géographes grecs ou latins, du moins en ce qui con- cerne l'Afrique (1). Nous allons essayer de prouver ce que nous avançons en recherchant la situation de la Moloka et de Siga. Pour cela, nous reprendrons d'abord, en le résumant, le texte même de Salluste, et nous appuierons nos conclusions de dis~ussions faisant ressortir la signification et la valeur réelle des dénominations ethniques ou géogra- phiques employées. Ces dénominations ont en effet été, jusqu'ici, assez mal dégagées parce qu'on a voulu expli- quer par le latin, le grec, l'hébreu ou le punique, des appellations que, seule, la langue berbère pouvait aider à élucider. 1 LES EXPÉDITIONS MILITAIRES CONTRE JUGURTHA D'APRÈs SALLUSTE C'est avec raison que les Anciens comptaient Salluste parmi leurs quatre grands historiens et que Tacite le citait comme un maître. Le récit de" la guerre de Jugur- tha est conçu et exposé d'une façon réellement supé- rieure, et on ne sait ce qu'il faut le plus admirer de la forme ou du fond. Familiarisé avec la géographie de la Numidie qu'il a parcourue comme lieutenant de César avant de l'admi- (il TI Y a même .plus, dans bien des cas, la connaissance du pays rapprochée des textes des historiens et des indications de la lin- "guistique pennet de retrouver la cause première des erreurs des géographes. -4- nistrer comme gouverneur, Salluste parle des hommes et des lieux avec une indiscutable compétence. D'ail- leurs, admirablement doué comme écrivain, il sait tou- jours rester clair, précis et complet malgré la conci- sion voulue de certains passages. Très explicite dans ses aperçus philosophiques ou politiques, comme aussi dans les détails topographiques ou militaires nécessaires à l'intelligence des événements ou à la mise en relief de ses personnages, il reste eependant toujours préoccupé de ne pas allourdir son récit. Aussi passe-t-il rapide- ment sur les menus faits de guerre qui n'amènent aucun changement appréciable dans la situation des belligé- rants. C'est en effet ainsi qu'il faut raconter la guerre d'Afri- que qui, depuis des siècles, est restée la même. De petits combats incessants, des alertes, des surprises, des razzia~ des pointes audacieuses, des épisodes glo- rieux et brillants qui font grand bruit, puis, en même temps, plus effacée, mals faisant une besogne non moins utile et quelquefois plus durable, « la colonne» qui pèse sur le pays, force les indécis à se prononcer, chasse . les récalcitrants, prend des otages, lève des goums, per- çoit des contributions, procure des vivres, des moyens de transports, etc. Ces périodes « où l'on fait colonne» ne se racontent pas en détail, pas plus aujourd'hui qu'au temps de Salluste: l'historien ne' peut y consacrer que quelques mots qui souvent résument des mois entiers de faligues pour le soldat, et d'habile direction de la part du général. Salluste, dans plusieurs passages (1), a dit, en fort bons termes, ce qu'est cette guerre; mais il s'est bien gardé de faire l'énumération de toutes les marches et contre-marches auxquelles se livrèrent les Romains: cela eût été sans intérêt pour les lecteurs. (1) Jugurtha XX - XXXVI - LIV - LV - LXXXVIII - LXXXXIX, cie. -5- Cette brièveté, pleine de tact, lui a été reprochée par ceux qui, ne connaissant pas l'Algérie, n'ont pu com- prendre l'économie générale de la lutte engagée contre Jugurtha; mais, celui qui a suivi de près nos colonnes opérant en Tunisie et dans la province de Constantine, lira toujours couramment dans Salluste et n'y trouvera aucun passage obscur. Une courte analyse des faits militaires de la guerre de Jugurtha va nous en fournir la preuve. An 110 av. J.-C., 1re expédition (t) (BASSE MEDJERDA). - Le consul Calpurnius Bestia amène, en Ifrikia, par Rhege et la Sicile, les troupes composant la t re expédi- tion. « Ses subsistances assurées, il entre brusquement Il en Numidie, enlève de vive force quelques villes et 1) fait de nombreux prisonniers. » Mais il ne va pas plus loin, car c'est il VACCA (Beja) qu'il termine sa campagne et que, par un infâme marché, il vend la paix à Jugurtha. An 110 av. J.-C., 2e expédition~ TUNISIE CENTRALE (SBEITLA) (2). - Le consul Albinus part avec beaucoup d'entrain, décidé à en finir, avant les comices, par n'im- porte quel moyen. Il essaie tout d'abord des négocia- tions, mais Jugurtha « se joue de lui, ajournant tantôt Il la guerre, tantôt la paix. » Albinus rentre à Rome sans avoir rien fait. Son frère Aulus, propréteur, prend le commandement, reste assez longtemps dans l'inaction, puis Il part en expédition au mois de janvier et, après de J) longues marches~ par un rude hiver, arrive à SVTVL 1) (Sbeitlaj (3) où étaient les tresors du roi. J) Il en fait (1) Chap. XXVIn et XXIX. (2) Chap. XXXVI à XXXIX inclus. (3JSutul ou Suthul doit être une leçon vicieuse: Salluste qui emploie volontiers V pour B (Vacca pour Baga), a bien pu écrire SVTVL. Mais ici c'est le uploads/Geographie/ royaumes-berberes.pdf

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