Mon Stylo Kataroulo: Entretiens avec Aimé Césaire Author(s): Isabelle Constant
Mon Stylo Kataroulo: Entretiens avec Aimé Césaire Author(s): Isabelle Constant and Aimé Césaire Source: Nouvelles Études Francophones, Vol. 21, No. 1 (Printemps 2006), pp. 9-20 Published by: University of Nebraska Press Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25701942 . Accessed: 15/06/2014 09:07 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . University of Nebraska Press is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nouvelles Études Francophones. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.78.113 on Sun, 15 Jun 2014 09:07:24 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Nouvelles Etudes Francophones, Vol. 21, No. 1, Printemps 2006 Mon Stylo Kataroulo: Entretiens avec Aime Cesaire Isabelle Constant On ne presente plus Aime Cesaire tant il est vrai quil demeure le contemporain capital de la Martinique. Ce qui marque ces entre tiens,1 cest qu'Aime Cesaire ne se complait jamais dans lopinion tranchee, mais observe un probleme sous toutes ses facettes avant d'offrir un point de vue tout en contrastes. L'homme politique conserve tout le respect des Francais et l'affection des Martiniquais. Aime Cesaire represente toujours le peuple martiniquais. Son discours revele quil ne parle pas en son pro pre nom car seul le peuple l'interesse. A un moment ou la France s'in terroge sur la colonisation et la memoire de Tesclavage, Cesaire demeure Thomme vers qui les politiques se tournent pour chercher une approba tion. Sa parole et ses actes comptent, comme en temoigne la recente affaire sur l'enseignement de la colonisation a L ecole secondaire. Larticle 4 de la loi du 23 fevrier 2005 disposait que "les programmes scolaires recon naissent [...] le role positif de la presence francaise outre mer" (cite dans "Aime Cesaire"). Toujours au centre de la politique martiniquaise, Cesaire annonce le 5 decembre 2005 dans un communique sa decision de ne pas recevoir le ministre de Linterieur Nicolas Sarkozy lors de sa visite pre vue en Martinique: "Je naccepte pas de recevoir le ministre de Linterieur Nicolas Sarkozy parce que auteur du Discours sur le colonialisme, je reste fidele a ma doctrine et anticolonialiste resolu. Et ne saurais paraitre me 1. Mon premier entretien avec Aime Cesaire a eu lieu le mardi 25 novembre 2003. Le second entretien, pour lequel je remercie chaleureusement mon amie Christine Ayrault et dans lequel j'axe mes questions sur Leopold Sedar Senghor ainsi que sur l'actualite concernant la memoire de l'esclavage et le role de la colonisation, a eu lieu le 21 mars 2006. Les deux entretiens sont retranscrits ici. This content downloaded from 185.44.78.113 on Sun, 15 Jun 2014 09:07:24 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 10 Mon Stylo Kataroulo: Entretiens avec Aime Cesaire rallier a l'esprit et a la lettre de la loi du 23 fevrier 2005" (cite dans "Appel"). Grace a ce refus et aux manifestations de plusieurs organisations politi ques, syndicales et associatives de Martinique, l'abrogation, dabord reje tee par la majorite UMP de l'Assemblee Nationale, a finalement eu lieu, quoique plus discretement. L'article en question a ete supprime par decret par le Conseil Constitutionnel: "Ce n'etait pas a la loi d'ecrire l'histoire," declare Jean-Louis Debre, President de l'Assemblee Nationale (cite dans "La Suppression"). La visite de Sarkozy a Cesaire a done eu lieu le 10 mars 2006, et a cette occasion Aime Cesaire a remis de fa^on tres symbolique au president de l'UMP son Discours sur le colonialisme dedicace. Le gouver nement est ainsi reconcilie avec la Martinique. Neanmoins, Cesaire pre vient dans nos entretiens qu'il s'oppose a 1'utilisation de sa personne a des fins politiques. De meme lors de la visite de Dieudonne en Martinique,2 un rendez-vous televise au bureau d'Aime Cesaire parait cautionner tout ce que le comedien a pu et pourra dire. Mais Aime Cesaire est fatigue des chicanes politiques. Soucieux de ne pas se repeter sans cesse, il declare avec raison: "Ma poesie parle pour moi" (13).3 Si la poesie de Cesaire, notamment le Cahier dun retour au pays nataU est la parole qui a revele l'Afrique francophone a elle-meme et a ses inde pendances, elle ne fut pas tellement comprise ni prise en compte en Mar tinique, puisqu'elle n'y etait pas enseignee. Mais cette situation change, nous apprend Cesaire. On redecouvre le poete et ses oeuvres. Lorsque des lecteurs lui demandent pourquoi il ecrit de maniere parfois si obscure, Cesaire repond en declamant "Atibon-Legba,"4 un poeme de son ami hai tien Rene Depestre. Aime Cesaire, intarissable lorsqu'on l'interroge sur sa relation avec Leopold Sedar Senghor, nous entraine dans ses souvenirs et nous decrit une amitie, qui, meme si elle est devenue legendaire parce quelle s'est nouee entre deux grands hommes, demeure tout d'abord l'ami tie toute simple de deux jeunes gens que leur experience et leur sensibilite ont rapproche. Aime Cesaire me re^oit dans son bureau orne dbbjets d'art africain au premier etage de l'ancienne mairie de Fort de France, en com pagnie de sa secretaire Joelle. 2. Une polemique a eu lieu en France en 2004-05 sur des propos antisemites tenus par Dieudonne, un comedien, qui, venu faire un spectacle et chercher un soutien en Marti nique, a ete a son arrivee physiquement et verbalement agresse par de jeunes juifs. Cette histoire a malheureusement donne lieu a un climat de tension et a des propos antisemites en Martinique. 3. Ces entretiens avec Francoise Verges, historienne, recoupent en bien des endroits les reponses de mon entretien de 2003 et pourront etre consultes avec profit, en particulier pour sa postface sur le postcolonialisme, version historique du postmodernisme. 4. Atibon-Legba dans la religion vaudou est le dieu des carrefours et une figure essentielle du pantheon vaudou puisqu'il met en relation les etres humains et les divinites. This content downloaded from 185.44.78.113 on Sun, 15 Jun 2014 09:07:24 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Nouvelles Etudes Francophones 21.1 11 Q: Qu'est-ce qui vous a marque du temps de votre enfance a la Martinique? R: Lisez Cahier d'un retour au pays natal et vous verrez. L'essentiel y est. Je suis ne dans le nord de la Martinique et j ai ete a 1'ecole communale comme tout le monde. Je suis ne dans un milieu rural, dans un milieu qui est en contact constant, presque journalier, avec le monde paysan du coin. Q: Mes etudiants de University of the West Indies a la Barbade etudient Cahier dun retour au pays natal et Une Tempete. Ils s'interrogent sur le sens du refrain "au bout du petit matin" dans Cahier dun retour au pays natal. Quel en est le sens? R: Je suis sur un bateau et nous arrivons a la Martinique au bout d un petit matin, et en prenant contact avec mon pays, il y a des sentiments qui m'envahissent, dont je rends compte. Si on veut donner un sens a une expression qui est banale, j'arrive dans mon pays, j'ai l'impression dun monde nouveau qui surgit devant moi et qui me donne l'idee dune vie nouvelle a imaginer. Q: On comprend bien pourquoi vous avez ecrit La Tragedie du roi Christo phe ou Une Saison au Congo, mais pourquoi avez-vous choisi d'ecrire Une Tempete, adaptation de La Tempete de Shakespeare? R: En ce temps la, je frequentais Jean-Marie Serreau et il a du me deman der une piece. J'ai choisi l'adaptation de La Tempete de Shakespeare. J'ai dit, La Tempete, certes, mais ce qui serait interessant, celle qui m'inte resse, serait une tempete particuliere: la tempete de la Martinique, ce qui se passe dans mon pays. II m'a semble que ce titre pourrait etre le symbole de cette interrogation que l'on peut se poser sur mon pays. Q: Quelles sont les rencontres qui furent fondatrices pour vous? Les plus importantes de votre vie? R: II y a la rencontre avec Paris, le lycee Louis-le-Grand et surtout - pour moi c'est lie - la rencontre avec Leopold Sedar Senghor. Senghor est un ami tres cher que j'ai connu tres tot C'etait vers les annees 1932-33, Sen ghor saurait ca mieux que moi, car il a une sacree memoire. J'arrive a Paris, je descends dans la banlieue a Cachan Bagneux, le lendemain, je prends le tramway pour arriver au Quartier Latin, et je vais a la rue Saint Jacques au lycee Louis-le-Grand. Je vais m'inscrire dans ce lycee. J'y avais ete envoye par mon professeur d'histoire-geographie, Eugene Revert, qui a ecrit un livre tres important sur la Martinique, sa these de doctorat. Lors qu'il m'a demande: "Cesaire, qu'est-ce que tu vas faire apres le bachot?" J'ai dit: "Comme vous Monsieur le Professeur." II rit et il me dit: "Si tu This content downloaded from 185.44.78.113 on Sun, 15 Jun 2014 09:07:24 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 12 Mon uploads/Geographie/ university-of-nebraska-press.pdf
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- Publié le Jan 01, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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