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1 2 JULIETTE ET LES MOTOCYCLISTES par Lucie RAUZIER-FONTAYNE * LE voyage de Jul

1 2 JULIETTE ET LES MOTOCYCLISTES par Lucie RAUZIER-FONTAYNE * LE voyage de Juliette avait mal commencé : un pneu crevé, même pour une jeune fille dynamique, n'a rien d'agréable. Heureusement, il y a eu Franck, ce garçon souriant qui a surgi sur sa moto tel un chevalier errant sur son destrier. Juliette a été sensible au regard de ses yeux un tantinet moqueurs. Le charme a été rompu par un autre garçon à moto qui l'a apostrophée avec insolence. Maintenant, arrivée au château, Juliette est inquiète et ce n'est pas le vieux domestique énigmatique et silencieux qui la conduit à sa chambre, un candélabre à la main, qui peut la rassurer. Si un drame éclate, Juliette aimerait que Franck vienne de nouveau à son secours. 3 4 LUCIE RAUZIER FONTAYNE JULIETTE ET LES MOTOCYCLISTES ILLUSTRATIONS DE ROBERT BRESSY HACHETTE 5 DU MÊME AUTEUR dans la Bibliothèque Rose LA GRANDE AVENTURE DE BOUBA LA PETITE FILLE A LA GUITARE UNE CHANCE SUR MILLE LA PETITE FILLE AUX MARIONNETTES MOKA, L'OURSON VOYAGEUR LA MAISON DES TROIS GIROUETTES dans l'Idéal-Bibliothèque LES AMIS DE BLANCHE-EPINE LA CHANSON MERVEILLEUSE LA MAISON DU CHEVREFEUILLE LA MISSION DE JEANOU LA TROUPE DE JEROMI L’INVITEE DE CARMARGUE LE SOURIRE DE BRIGITTE LE REVE DE CAROLINE LES AMIS DE BLANCHE EPINE dans la Bibliothèque Verte LE COUSIN DU BRESIL L'INVITEE INATTENDUE JULIETTE ET LES MOTOCYCLISTES © Librairie Hachette, 1966 Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. LIBRAIRIE HACHETTE, 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS VIe 6 TABLE I. Juliette a choisi 8 II. Une petite voiture blanche 11 III. Une lettre intéressante 14 IV. Rencontres sur la route 19 V. Une vision du temps jadis 25 VI. La parure d'émeraudes 30 VII. Frank reparaît 34 VIII. La peur. Un étrange remue-ménage 39 IX. Journée d'attente. Une moto dans le parc 44 X. Est-ce un cauchemar? Le château en émoi 48 XI. Les gendarmes au château. Le soupçon 54 XII. Une présence précieuse 61 XIII. Le secret de la vieille demoiselle 68 XIV. Frank a une idée 72 XV. Un gant sous la table 79 XVI. Les émeraudes n'étaient pas loin! 82 XVII. La nuit du vol 87 XVIII. La fin d'un cauchemar 92 XIX. Après la tempête 99 7 CHAPITRE PREMIER JULIETTE A CHOISI Juliette riait toute seule en marchant «J rapidement sur les quais de la Seine. L'après-midi finissait. Un peu de fraîcheur succédait à la torride chaleur de cette journée de juin. Les Parisiens se pressaient sur les trottoirs, l'intense circulation des voitures encombrait la chaussée. La jeune fille avançait de plus en plus vite. Ses yeux très bleus brillaient, le vent soulevait ses longs cheveux blonds autour de son visage rayonnant de joie. Dans sa hâte, elle se faufilait à travers la foule en jouant des coudes, heurtait un passant, murmurait un vague « excusez-moi », et continuait sa course. Enfin, elle s'arrêta brusquement en face d'une boutique d'antiquaire, un élégant magasin à l'enseigne de La Corbeille d'argent. On ne voyait pas, dans la vitrine, un amas d'objets disparates, mais un sobre ensemble Premier Empire : meubles aux pieds bagués de cuivre, 8 soies aux teintes passées, semées d'abeilles ou de couronnes brodées, fines porcelaines blanches aux filets dorés, admirables bijoux posés sur le marbre noir d'une commode, coupe d'albâtre où des rosés fraîches semblaient venir tout droit de la Malmaison. Juliette n'eut pas un regard pour ces merveilles. Elle poussa la porte et, tandis qu'une sonnette rescapée du temps jadis tintait longuement, elle lança la nouvelle qu'elle était si pressée d'annoncer : « Je suis reçue, je suis reçue... avec mention! » Aussitôt, sortant de l'arrière-boutique, accourut un petit monsieur tout rond, au visage souriant, sous une couronne de cheveux grisonnants, le regard rieur, derrière de grosses lunettes à monture d'écaillé... M. Delaunay, l'oncle de Juliette. Il embrassa sa nièce en disant : « Félicitations pour la mention. Pour ce qui est de l'admission, je n'en ai jamais douté. Allons, bachelière, va vite apprendre ton succès à ta tante. J'ai idée qu'elle ne sera pas tellement surprise! » Juliette gravit l'escalier qui menait à l'appartement qu'occupaient l'antiquaire et sa femme. Sitôt la porte ouverte, elle huma le délicieux fumet qui s'échappait de la cuisine et, lorsqu'elle pénétra dans la salle à manger, elle s'arrêta, tout étonnée, en découvrant la table dressée comme pour une fête : nappe brodée, surtout fleuri, vaisselle et cristaux des grands jours... Elle se hâta de rejoindre sa tante qui s'activait devant la cuisinière. « Y a-t-il des invités ce soir? demanda-t-elle. — Oui et non, ma fille! La seule invitée, c'est toi. — Comment, moi? En quel honneur? — Voyons, Juliette, en l'honneur de ton succès! — De mon... mais vous ne pouviez savoir que je suis reçue! Je rentre à l'instant avec les résultats! — D'accord, je ne le savais pas... officiellement, pourtant, j'étais sûre que tu réussirais. D'ailleurs, si par malheur tu avais échoué, le même repas aurait été servi pour te consoler. » Juliette se mit à rire. « Tu dis la même chose que mon oncle! Vous êtes formidables tous les deux. — Tes parents vont être heureux d'apprendre la bonne nouvelle, reprit Mme Delaunay, écris-leur dès ce soir, n'est-ce pas? » Bien sûr, Juliette allait écrire à son père et à sa mère qui vivaient dans un lointain pays d'Asie et qu'elle avait dû quitter, six ans 9 auparavant, pour venir faire ses études en France. Depuis, elle vivait chez les Delaunay, auprès desquels elle avait trouvé une affection de tous les instants. Une joie paisible régna pendant tout le repas, mais ce fut au dessert seulement que l'on parla de l'avenir. Qu'allait faire la jeune fille, après le lycée? Entrerait-elle à l'université? Y avait-il un domaine qui l'attirait particulièrement? « Mais peut-être n'as-tu encore aucun projet? dit Mme Delaunay. — Oh si! répondit vivement Juliette, je sais fort bien, et cela depuis longtemps, ce que je veux, ce dont je rêve! Quelles études, demandez-vous? Eh bien, je désire suivre des cours d'histoire de l'art, ce qui, je crois, me sera très utile dans mon futur métier. Vous avez deviné lequel, non? — Tu veux dire... — Que je désire être antiquaire comme toi, mon oncle. N'as-tu pas remarqué que je m'intéresse à tout ce qui se passe dans la boutique? A la vie passionnante qu'est la tienne? Pleine d'imprévu, de surprise, d'aventures. La recherche des trésors d'autrefois, la rencontre de gens originaux... — Mon Dieu! Quel lyrisme, Juliette! Je t'interromps pour t'assurer que ton choix me réjouit. Quelle précieuse collaboratrice tu vas devenir pour moi! Je t'initierai aux secrets de ce métier que j'aime! Tu as compris, je vois, qu'il ne consiste pas seulement à acheter et à vendre de vieilles choses, mais qu'il demande aussi beaucoup d'amour pour la beauté et la poésie qu'évoquent ces témoins d'un temps passé. La plupart ont accompagné dans leur existence ceux qui ne sont plus : ils nous les rappellent. — A ton tour, mon oncle, d'être lyrique! Plus tu parles plus je me félicite de ma décision. Alors, on commence tout de suite? -— Bien sûr! Dès demain tu entres comme stagiaire à La Corbeille d'argent. » 10 CHAPITRE II UNE PETITE VOITURE BLANCHE COMME elle le souhaitait, Juliette travailla tout de suite avec son oncle. Les débuts ne furent pas aussi faciles qu'elle se l'était imaginé. Il fallait se familiariser avec les différents styles, apprendre à discerner les faux, ou les copies, des objets authentiques, estimer la valeur de telle ou telle pièce. Il y avait aussi les bijoux, qui intéressaient particulièrement la jeune fille, et dont M. Delaunay était spécialiste. Sa renommée dépassait d'ailleurs le cadre de la France. Juliette apprit facilement à recevoir les clients. Elle savait les accueillir aimablement et leur présenter, avec un enthousiasme communicatif, la pièce rare qu'ils recherchaient. Ce matin-là, elle se trouvait seule dans la boutique. Son oncle était sorti en disant : « Débrouille-toi, j'ai une course à faire. » Pourquoi donc avait-il cet air mystérieux, ce sourire, ce regard 11 malicieux derrière ses grandes lunettes? Juliette était trop discrète pour le lui demander; dès qu'il fut parti, elle se remit au travail. Il s'agissait d'épousseter et de ranger la vitrine où un ensemble 1900 succédait au salon Premier Empire. Des iris bleus et jaunes remplaçaient les rosés de la Malmaison et les lignes « tarabiscotées », chères à la Belle Epoque faisaient oublier la raideur élégante et sobre des meubles Napoléon. Seuls, les bijoux étaient toujours les mêmes, mais posés, cette fois, sur un guéridon, devant un grand vase de Galle. Juliette acheva de mettre en ordre le magasin, vendit une tabatière d'écaille, un pichet d'étain, un bracelet de camées à trois acheteurs... et attendit son oncle. Comme il tardait! Que pouvait-il bien faire? Elle s'était « débrouillée » pour vendre des objets de peu de valeur, mais si quelqu'un venait pour un objet de prix, cette pendule rare, ce collier de rubis, par exemple, quelle responsabilité! Et voilà justement qu'une petite uploads/Geographie/ ib-fontayne-lucie-rauzier-juliette-et-les-motocyclistes-1975.pdf