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Revue ame ,Vol 2, No 3 (Juillet, 2020) 459-479 Page 459 EL JABRI et EL KHIDER /

Revue ame ,Vol 2, No 3 (Juillet, 2020) 459-479 Page 459 EL JABRI et EL KHIDER / Revue AME Vol 2, No 3 (Juillet, 2020) 459-479 L’impact de la corruption sur la croissance et le développement humain : Une étude exploratoire dans le contexte africain EL JABRI, S.1 et EL KHIDER, A.2 1. Doctorante, Laboratoire LRESS, FSJES de Marrakech, saloua.eljabri@gmail.com 2. Professeur de l’enseignement supérieur, Laboratoire LRESS, FSJES de Marrakech, elkhider_99@yahoo.fr Date de soumission : 16/03/2020 Date d’acceptation : 28/07/2020 Résumé : La corruption est perçue comme étant un obstacle majeur entravant le développement dans le monde. Dans le contexte africain, et malgré le large chantier de réformes entreprises depuis les années 1990 dans le cadre de la lutte contre la corruption en particulier et dans la bonne gouvernance en général, les niveaux de corruption enregistrés demeurent élevés dans la majorité des pays. L’objectif de cet article est double. Il s’agit d’abord de dresser le profil de la corruption en Afrique, puis répondre à la question comment la corruption freine la croissance économique et le développement humain ? Pour montrer cet impact, nous avons eu recours à l’économétrie des données de panel pour un échantillon de pays africains pour la période 2000-2017. Les résultats de nos régressions montrent que la corruption exerce un impact significatif et négatif sur la croissance économique ainsi que sur le développement humain. En effet, l'augmentation de l’indice de corruption de 1% réduit le PIB par tête de l’ordre de 0.14 %. En outre, une augmentation d'un point de l'indice de corruption diminue de 0.004 années l’espérance de vie à la naissance, et de 0.03% l'indice de l'éducation. Mots clés : Corruption ; croissance ; développement ; gouvernance ; Afrique. Alternatives Managériales et Economiques E-ISSN : 2665-7511 https://revues.imist.ma/?journal=AME Revue ame ,Vol 2, No 3 (Juillet, 2020) 459-479 Page 460 Corruption: What Impact on Growth and Human Development in Africa? Summary: Corruption is seen as a major obstacle to development around the world. In the African context, and despite the extensive reforms undertaken since the 1990s in the fight against corruption in particular and good governance in general corruption levels remain high in the majority of countries. The purpose of this article is twofold. The first is to show the profile of corruption in Africa, the second is to answer the question of how corruption hinders economic growth and human development. To show this impact, we used panel econometrics for a sample of African countries for the period 2000-2017. The results of our regressions show that corruption has a significant and negative impact on economic growth as well as on human development. Indeed, increasing the corruption index by 1% reduces GDP per capita by about 0.14%. In addition, a one-point increase in the corruption index reduces life expectancy at birth by 0.004 years, and the education index by 0.03%. Keywords: Corruption; economic growth; development; governance; Africa. Revue ame ,Vol 2, No 3 (Juillet, 2020) 459-479 Page 461 Introduction Les nouvelles stratégies de développement ayant pour objectif principal la lutte contre la pauvreté et les inégalités ont accordé une place capitale à la bonne gouvernance, cette dernière constitue désormais le pilier d’un développement durable et inclusif particulièrement dans les pays en voie de développement. Dans cette perspective, la lutte contre la corruption occupe une place importante et ce depuis les années 1990 notamment dans le cadre des réformes dites de seconde génération. En Afrique, malgré l’évolution remarquable par rapport aux autres régions du monde notamment l’Europe de l’Est, Asie centrale et l’Amérique latine et Caraïbes, le continent enregistre des faibles valeurs d’indice de développement humain (IDH). En effet, sur l’ensemble des pays, le rapport du PNUD publié en (2018) révèle que 36 pays africains sont classés parmi les pays à faible développement humain, tandis qu’aucun des pays n’appartient au groupe de développement humain très élevé. 12 pays appartiennent à la catégorie développement humain moyen et seulement 5 pays sont classés comme étant des pays à développement humain élevé. Dans l’ensemble, sur le total des pays du monde, parmi les 20 derniers pays du classement, 19 pays sont africains. La majorité des économies africaines n’ont pas atteint le niveau de développement social qu’ont connu d’autres régions et ces résultats sont enregistrés en dépit d’importants taux de croissance réalisés au niveau de plusieurs pays africains depuis les années 2000. Toutefois, cette croissance est fragile et dépend fortement des exportations des matières premières. Les investissements réalisés sont destinés principalement aux projets à forte intensité en capital au lieu des investissements à forte valeur ajoutée tels que dans les secteurs de santé et d’éducation. La mauvaise gouvernance caractérisée, entre autres, par des niveaux élevés de corruption demeure l’un des principaux facteurs explicatifs des sous-performances africaines. Définie comme tout comportement qui s'écarte des fonctions formelles d'un rôle public (électif ou nominatif) en raison de la richesse ou des gains de statut 1, la corruption sévit de façon endémique et généralisée dans la majorité des pays africains. Ce papier s’inscrit dans le cadre du regain d’intérêt de la recherche en faveur de la qualité des institutions, dans un contexte international caractérisé par une attention particulière à l’égard des politiques de développement notamment celles visant la lutte contre la corruption. Ainsi, c’est dans la perspective de faire ressortir les spécificités africaines et pouvoir montrer l’impact de la corruption sur la croissance et le développement humain en Afrique que s’inscrit ce papier qui tente de répondre à la question 1Nye, J. S. 1967. Corruption and Political Development: A Cost-Beneﬁt Analysis. American Political Science Review, 61 (2),417- 427 Revue ame ,Vol 2, No 3 (Juillet, 2020) 459-479 Page 462 suivante : La corruption a-t-elle un impact statistique significatif sur la croissance économique et le développement humain en Afrique ? Pour répondre à cette question, nous allons présenter dans un premier temps le profil de la corruption dans les pays africains, puis un aperçu des études théoriques et empiriques portant sur le lien entre la corruption, la croissance et le développement humain. Dans un troisième temps, nous allons analyser empiriquement l'impact de la corruption sur la croissance et le développement humain dans un large échantillon de pays africains. En effet, nous testerons trois modèles expliquant respectivement le PIB réel per capita de chaque pays retenu, l’espérance de vie à la naissance et l’indice de l’éducation par un ensemble de variables macro-économiques et institutionnelles . D’ailleurs, le choix de l’échantillon en données de panel va nous permettre de nous prononcer quand à la stabilité de la relation entre la corruption et les variables à expliquer dans sa double dimension spatiale et temporelle. 1. Profil de la corruption en Afrique L’Afrique est l’un des continents les plus touchés par la corruption. D’après le classement fourni par Transparency International en 2017, la majorité des pays africains sont dans le rouge exception faite d’une minorité de pays : Figure n°1 : Indice de contrôle de la corruption dans un échantillon de pays africains en 2017 Source :Etabli à partir de la base de données de Worldwide GovernnaceIndicators, 2017 Nous pouvons constater de la lecture du graphique que la majorité des pays africains enregistrent des scores de corruption dans le rouge exception faite du Botswana, Maurice, Namibie et Rwanda avec des scores respectifs de 78.75 ,62.06, 64.9 et 71.63. Ces résultats sont tributaires à un ensemble de facteurs contextuels et institutionnels. D’ailleurs, bon nombre de pays sont caractérisés par un contexte d’insécurité chronique, des confits récurrents ou sont en situation de post-conflits (il s’agit notamment des pays de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Est, entre autres, la RDC, la République Centrafricaine, le Soudan de Sud, 56,73 30 6,25 78,85 11,06 5,29 26,92 37 20,67 49 62,06 15,38 26 30 53 18,75 64,9 29 13 5,77 71,63 55 3,37 39,42 54 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90Afrique du sudAlgérieAngolaBotswanaCamerounTchadComoresCôte d'IvoireGabonGhanaîle MauriceKenyaLibériaMaliMarocMozambiqueNamibieNigerNigériaRDCRwandaSénegalSudanTanzanieTunisie Revue ame ,Vol 2, No 3 (Juillet, 2020) 459-479 Page 463 Congo, Tchad, Angola, Burundi). De tels pays ont généralement des institutions très faibles et un afflux important de fonds extérieurs. Dans de telles situations, la corruption entrave la consolidation de la paix et le renforcement de l’Etat ce qui complique la reconstruction2. Parmi les facteurs contextuels, figure également la dotation des pays en ressource naturelles. En effet, le secteur le plus vulnérable à la corruption est celui du pétrole dont le contrôle est au centre des rivalités entre divers acteurs tant nationaux qu’étrangers. Comme dans la plupart des pays pétroliers, l’expérience des pays de l’Afrique confirme un lien étroit entre, d’une part, son exploitation et, d’autre part, l’aggravation de la mauvaise gouvernance, l’accroissement de la corruption, l’exacerbation de l’appauvrissement de la population, et la recrudescence des conflits internes visant le contrôle de la manne pétrolière. Il convient également de mentionner que la corruption en Afrique, s’enracine dans un contexte marqué par le passé colonial, la nature néo-patrimoniale des Etat, ainsi qu’avec des milieux caractérisés par une pluralité des normes où les institutions informelles incluant les normes sociales, la culture, les traditions, entre autres, agissent simultanément avec les uploads/Geographie/1-pb 43 .pdf