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17 La certification de l’agriculture durable comme stratégie de développement pour l’Afrique Par René AUDET Institut des sciences de l’environnement Université du Québec à Montréal (Canada – Québec) audet.rene@courrier.uqam.ca L’objectif de cette communication est de montrer comment certains modèles de certification pourraient fortement aider les paysans africains, entre autres, à se diriger vers une agriculture durable. Bien que plusieurs pays en développement aient signifié, par le biais des forums de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qu’ils considèrent les labels comme des obstacles techniques au commerce, cette stratégie de développement recevrait sans doute un accueil favorable des consommateurs du Nord. De plus, l’Afrique recèle plusieurs produits ou initiatives locales ayant un fort potentiel de commercialisation par des filières labellisées. Il faudrait maintenant faire en sorte que des initiatives de certification de l’agriculture durable émergent des pays en développement eux-mêmes. A cet égard, nous aborderons ici trois défis qui devront être relevés. Depuis quelques années, le marché des produits agricoles labellisés est en forte croissance partout dans le monde. Le marché mondial de l’agriculture biologique, par exemple, était estimé à plus de 23 milliards de dollars en 2002 et était en hausse d’environ 20 % par année (IFOAM, 2004). Alors que les outils développés à l’origine par les mouvements de l’agriculture biologique et du commerce équitable, par exemple, constituent une manière innovante d’identifier les produits respectant certains critères de production, les politiques se réapproprient ces outils en affirmant qu’il peut s’agir de mesures efficaces pour s’acheminer vers une agriculture durable. Pourtant, à l’occasion de forums internationaux concernant l’agriculture durable et les initiatives de certification, les ministres du commerce de pays en développement affirment souvent que les labels sont discriminatoires envers leurs pays. Ainsi, plaident les pays en développement, les programmes de certification ne sont pas toujours ouverts aux pays étrangers ; ils sont souvent élaborés avec des critères locaux ou nationaux sans consultation avec les pays du Sud. De plus, ils ne sont pas accessibles et sont trop coûteux pour eux (Croate et al., 2001 : 13). Par ailleurs, les quelques certifications qui proviennent des pays en développement sont rarement reconnues par les pays importateurs. Tout en reconnaissant que les systèmes de certification devraient être élaborés en faveur de la situation des pays en développement, nous soutenons ici que certaines certifications de l’agriculture durable pourraient s’avérer être des outils efficaces pour le développement d’une agriculture durable en Afrique. Suite à une courte description de deux systèmes de certification de l’agriculture durable, nous présenterons certaines opportunités de marché pour des produits africains. Une stratégie de certification de l’agriculture durable devrait passer, selon nous, par l’implication des gouvernements, mais elle devrait aussi reposer sur le dynamisme des organisations non gouvernementales et des différents intervenants des filières agricoles en Afrique. De plus, il serait primordial d’harmoniser une éventuelle norme africaine avec les référents internationaux, et de bien cibler les marchés d’importation ainsi que les produits ayant un fort potentiel d’exportation. 1. Les certifications de l’agriculture durable Le terme « certification » renvoie à la c onformité d’une activité avec une norme donnée. Dans le cas de l’agriculture durable, les normes concernent des méthodes de production. Il s’agit donc de principes, critères et indicateurs qui balisent les pratiques environnementales liées, entre autres, à la fertilisation du sol, au contrôle des insectes et des maladies, à la manutention des denrées ; ainsi qu’aux éléments sociaux de la production ou de la chaîne commerciale comme les conditions de travail, le prix des denrées, etc. Les normes que proposent les certifications sont généralement d’adoption volontaire et, dans la plupart des cas, leur crédibilité est renforcée par un mécanisme de vérification périodique de l’entreprise ou de l’organisation qui se soumet à la dite norme. Afin de communiquer aux consommateurs qu’un produit a été conçu dans le respect d’une norme, les stratégies de certification font le plus souvent appel à un label qui 18 est apposé sur le produit. C’est ce label qui est susceptible de donner un avantage concurrentiel au produit. Selon le CIRIO suisse, « le label donne des indications sur une ou plusieurs caractéristiques du produit lui- même ou sur les méthodes utilisées pour sa fabrication. La présence de ces indications n’est pas une condition de la commercialisation du produit : les indications figurent seulement à bien plaire, pour informer le consommateur de l’existence de certaines caractéristiques (de qualité) d’un produit, garanties par le producteur et qui viennent en sus des exigences requises pour la commercialisation du produit ».(CiRio, 2000 : 10). En résumé, la certification de l’agriculture biologique, par exemple, vient assurer au consommateur que chaque produit labellisé « biologique » provient d’une chaîne de production en conformité avec les normes de l’agriculture biologique. Cette chaîne qui inclut le producteur, le transformateur et le distributeur est régulièrement inspectée par des vérificateurs accrédités par des organisations compétentes. Les certifications et labels de l’agriculture durable se réfèrent donc à une norme élaborée selon une définition de l’agriculture durable. Pour rester fidèle à une définition tripolaire du développement durable qui émancipe les dimensions sociales et environnementales de la dimension économique, nous pourrions affirmer qu’il s’agit d’une hiérarchisation de ces trois pôles où le développement social est envisagé comme un objectif, l’économie comme un moyen et l’intégrité de l’environnement comme une condition (Gendron et Revéret, 2000). Bien que leurs principes soient souvent s emblables, les certifications de l’agriculture durable ne mettent pas toutes l’accent sur les mêmes aspects de cette définition. Nous présenterons ici deux certifications qui donnent priorité à deux aspects différents de cette définition : l’agriculture biologique, qui insiste sur la portée environnementale de l’agriculture, et le commerce équitable, qui constitue plutôt une norme sociale. Cette présentation passera en revue les critères qui caractérisent ces deux certifications ainsi que les acteurs et les intervenants qui y prennent part. a) L’agriculture biologique L'agriculture biologique est un système de gestion holistique de la production qui favorise la santé de l'agro- écosystème, c’est-à-dire le maintien de la biodiversité, le respect des cycles biologiques et de l'activité biologique des sols. La philosophie de l’agriculture biologique est de tenir compte de l’interdépendance entre la vie du sol, des plantes, des animaux et des humains. Il s’agit d’un type d’agriculture qui repose sur des méthodes de culture et d’élevage spécifiques et précises, fondées principalement sur le bannissement de tous les intrants d’origine synthétique dans la culture (tels les pesticides, les engrais chimiques, les antibiotiques, les organismes génétiquement modifiés, etc.) et le respect de procédés comme le traitement des animaux et de l’espace qui leur est réservé. Alors que la certification biologique a d’abord été développée par des organisations non gouvernementales dans les années soixante-dix et quatre-vingt, sa croissance a vite attiré l’attention des grandes entreprises et des gouvernements. Plusieurs acteurs prennent donc part à la production et à la commercialisation des produits biologiques. Les organismes de certification sont ceux qui attribuent la certification aux producteurs ; ils doivent généralement être accrédités par l’International Federation of Organic Agriculture Movement (IFOAM) ou, si une loi encadrant la certification biologique existe, par les organes étatiques compétents. Actuellement, la situation des certificateurs est différente dans chaque pays, selon les lois fixées par les gouvernements. Il existe cependant un référentiel international contenu dans le Codex Alimentarius de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et auquel la plupart des pays se réfèrent afin de définir les critères nationaux de l’agriculture biologique. Les transformateurs des produits ainsi que les distributeurs sont aussi soumis à des normes particulières afin d’assurer que les produits biologiques n’entrent pas en contact avec les produits conventionnels. Il apparaît donc que la certification de l’agriculture biologique est une norme de production à portée principalement environnementale et qui regroupe des organisations privées, telles les agences de certification, et publiques comme les Etats et la FAO. Le commerce équitable, en comparaison, sera plutôt décrit comme une norme sociale qui fait intervenir principalement des acteurs privés, notamment des ONG. b) Le commerce équitable Selon un consensus élaboré entre les grandes organisations de commerce équitable, on peut définir le concept comme « un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect dans le but 19 de parvenir à une plus grande équité dans le commerce international. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions d’échanges et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs salariés, en particulier ceux du Sud. » La certification du commerce équitable garantit le respect de normes qui concernent surtout le commerce des denrées et l’organisation de la production. Ici encore, la certification est attribuée par des agences de certification accréditées par une organisation internationale, le Fair Trade Labelling Organisation (FLO), qui a pour objectif d’harmoniser les critères du commerce équitable et de contrôler l’utilisation du label. Le label est attribué aux produits homologués par l’une des organisations membre de FLO, certifiant qu’ils sont cultivés et importés selon les principes du commerce équitable et qu’ils respectent les critères de FLO. De façon générale, le commerce équitable garantit aux organisations ou coopératives de petits producteurs un prix équitable pour leurs uploads/Geographie/agriculture-durable-au-service-du-developpement-en-afrique.pdf

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