Neptunus, e.revue Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes,
Neptunus, e.revue Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, vol. 21, 2015/2 www.cdmo.univ-nantes.fr Le traitement du rapport de mer par le tribunal de commerce Arnault LESAULNIER Master de droit privé général Titulaire du certificat d’aptitude à la profession de greffier de tribunal de commerce À mi-chemin de la codification de certains des anciens textes de droit maritime au sein du code des transports, le greffier du tribunal de commerce peut raisonnablement s’interroger sur le maintien de certaines des missions historiques de la juridiction dont il est membre. Encore désignés en pratique sous le vocable de juridictions de terre et de mer, les tribunaux de commerce ont en effet un rôle à jouer dans l’appréhension de certains éléments de ce droit spécial. Au nombre de ceux-ci, le rapport de mer, réglementé par un décret de 1969 encore en vigueur à ce jour et n'ayant pas fait l'objet de la codification susmentionnée, est un document probatoire faisant partie des compétences réservées du capitaine du navire et se voit conférer un rôle conséquent et atypique en matière de droit de la preuve, l'ayant fait perdurer en pratique en dépit de la concision et de la confidentialité des textes le réglementant. L'attrait probatoire particulier attaché à ce document aux origines anciennes peut expliquer sa survivance pratique, s'agissant d'un adminicule souvent exigé par les compagnies d'assurance et les juridictions, en cas d'abordage notamment. La force probante attachée au rapport de mer est toutefois conditionnée par une voie procédurale elle aussi inhabituelle : l'affirmation. Intégrant les membres de la juridiction consulaire, son président et son greffier en l'occurrence, à sa chaîne de traitement, le rapport de mer nécessite quelques éclaircissements, quant à sa procédure de réception en particulier, que la présente étude se propose de formuler, s'agissant d'un élément d'un droit en pleine phase de codification et à propos duquel textes anciens, nouveaux et de sources différentes se mêlent. Dans un évident souci de clarté et au vu de l'absence d'étude spécifiquement consacrée au sujet jusqu'alors, on débutera par la définition de ce qu’est le rapport de mer en droit positif des transports et on envisagera ensuite le rôle respectif du président et du greffier du tribunal de commerce. Il sera également dit un mot de la procédure dite d’affirmation du rapport de mer, celle-ci ne connaissant pas d'équivalent en matière de procédure commerciale contemporaine, afin de guider au mieux les praticiens encore saisis, en 2015, de demandes de cette nature. I) Approche actualisée du rapport de mer et de son affirmation On exposera d’abord ce que recouvre le vocable de rapport de mer et à qui incombe la rédaction de ce rapport (A) puis dans quel cas il nécessite « affirmation », cette notion étant, à cette occasion, explicitée (B). A - Le rapport de mer : définition, contenu et rôle du capitaine Sa définition nous est donnée par un texte qui n’a pas encore fait l’objet d’une codification au sein du code des transports, en l’occurrence, l’article 11 du décret n°69-679 du 19 juin 19691, qui le désigne comme le rapport circonstancié que doit faire le capitaine des « événements extraordinaires intéressant le navire, les personnes à bord ou la cargaison » qui se seraient déroulés au cours du voyage. On rappelle que le capitaine s’entend de celui qui est chargé de l’expédition maritime ainsi que de la conduite nautique du navire et qui exerce, en fait, le commandement du navire2, cette définition ne figurant toutefois pas au sein des dispositions du code des transports le concernant3. Pour ce qui concerne la présente étude, l’article L. 5412-7 dispose que le capitaine tient régulièrement le journal de mer et le livre de bord. La capitaine se voit donc confier la rédaction de ce rapport au titre de ses attributions techniques et administratives. La rédaction du rapport de mer éventuel complétant l'obligation qui lui est faite de rédiger le journal de mer (au sein duquel il consigne les événements que l’on qualifiera d’importants là où seuls les incidents extraordinaires nécessitent l’élaboration du rapport de mer) et l’obligation qu’il a de « veiller à la bonne tenue des autres journaux de bord4 ». Dans le même ordre d’idées, il doit faire viser son journal de mer par la direction départementale des territoires et de la mer5 (DDTM) à son arrivée. La rédaction de ce rapport de mer doit intervenir dans les vingt-quatre heures de son arrivée, sa non- réalisation faisant, de surcroît, obstacle au déchargement de la marchandise6. Le rapport de mer fait partie des épreuves écrites de la plupart des concours liés à la navigation7, c’est ainsi que des informations sur son contenu peuvent être trouvées, en sus des courts développements qui lui sont consacrés dans les ouvrages de droit maritime, dans les cours prodigués aux candidats en vue de l’épreuve. On peut s’inspirer notamment des développements faits sur le sujet par monsieur Robert Habault qui définissait en 1973, le rapport de mer comme étant un « compte-rendu rédigé et signé par le capitaine du navire » et précisait qu’il s’agit d’une relation écrite de l’événement concerné mais aussi « des routes suivies, des circonstances de temps et de navigation et, enfin, des mesures et décisions prises en raison de ces circonstances8 ». Les études relatives aux obligations d’un capitaine de navire9 permettent également d’en apprendre plus sur les caractéristiques du rapport de mer ainsi que sur l’événement qui nécessitera sa rédaction. À ce dernier titre, monsieur Chaumette nous donne une définition de ce qu’il faut entendre par « événements extraordinaires », il s’agit selon lui de « tous événements ou faits qui n’ont pas lieu habituellement dans le cadre de la navigation10 ». Il précise également que le rapport de mer relate dans des termes précis et objectifs le déroulement desdits événements11, les dommages éventuels subis ou causés et peut contenir une protestation contre des actes considérés comme la cause des événements. On constate en pratique que l’abordage est, à cet égard, une des causes les plus fréquentes de la rédaction d’un rapport de mer. Il faut préciser que le fait de ne pas rédiger le rapport constitue la contravention prévue à l’article 43, 3° du 1 Décret n°69-679 du 19 juin 1969 relatif à l’armement et aux ventes maritimes, Journal officiel du 22 juin 1969. 2 Pour une illustration : art. L. 5531-12, alinéa 2 du code des transports. 3 Articles L. 5412-2 à L. 5412-8 du code des transports, eux-mêmes issus, en majeure partie, des articles 4 à 10 de la loi n°69-8 du 3 janvier 1969 relative à l’armement et aux ventes maritimes, JO du 5 janvier 1969. 4 Art. 6 du décret préc. 5 « Autorité compétente » au sens de l’alinéa 1er de l’article 11 du décret de 1969 préc., en ce qu’elle intègre, depuis 2010, la direction départementale des affaires maritimes. 6 Art. 11 du décret préc., « sauf nécessité pour le navire ou la cargaison ». 7 Pour des exemples : arrêté du 5 juin 2013 relatif aux modalités de délivrance par équivalence du certificat d'initiation nautique et du brevet de capitaine 200 voile délivrés par le ministre chargé de la mer aux titulaires de certains titres de formation professionnelle délivrés par le ministre chargé des sports, annexe II évoquant l’épreuve écrite de « rapport de mer », JO du 14 juin 2013 ; arrêté du 26 septembre 1990 portant organisation et programme des concours de pilotage, (le pilotage s’entendant de « l'assistance donnée aux capitaines, par un personnel commissionné par l'État, pour la conduite des navires à l'entrée et à la sortie des ports, dans les ports et dans les eaux maritimes des estuaires, cours d'eau et canaux », art. L. 5341-1 du code des transports), articles 6 et annexe 1. a) évoquant une épreuve écrite « rapport de mer » de 3 heures, coefficient 4, JO du 7 novembre 1990. 8 L’auteur remercie à cette occasion madame Patricia GEFFRÉ, du bureau AJET 1 pour lui avoir permis d’accéder à ces développements. 9 V., pour l’une des plus éminentes des études récentes, CHAUMETTE Patrick, DMF 2013. 748, comm. ss CA Rennes, 15 février 2013, n°11-04707, Syndicat professionnel des pilotes maritimes de Lorient c/ M. Franck V. 10 Idem. 11 « […] notamment en mentionnant les indications météorologiques et nautiques d’usage », idem. code disciplinaire et pénal de la marine marchande12 et rend le capitaine passible d’une amende de 1.500 euros13, la tenue quotidienne du journal de mer ne le dispensant pas d’établir un rapport de mer en cas d’événement exceptionnel, dommageable ou mettant en cause la responsabilité des participants à l’expédition maritime14. Le rapport de mer est enfin mentionné à plusieurs reprises au sein du code des transports, on citera à cet égard les dispositions relatives aux modalités d'exercice de l'activité privée de protection des navires15 et à l’enquête nautique consécutive à un événement de mer16. Un rapport de mer particulier doit être élaboré en cas de naufrage17, il est envisagé à l’article 15 du décret du 19 juin 1969 précité. Dans le cas où uploads/Geographie/lesaulnierle-traitement-du-rapport-de-mer-par-le-tribunal-de-commerce-neptunusvol-2015-2doc.pdf
Documents similaires










-
28
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 23, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3122MB