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Tous droits réservés © Faculté de théologie de l'Université de Montréal, 1995 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 10 août 2022 17:48 Théologiques Thème Poétique et imaginaire de la ville contemporaine Laurette Wittner et Daniel Welzer-Lang Volume 3, numéro 1, mars 1995 Symbolique urbaine et foi chrétienne URI : https://id.erudit.org/iderudit/602413ar DOI : https://doi.org/10.7202/602413ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Faculté de théologie de l'Université de Montréal ISSN 1188-7109 (imprimé) 1492-1413 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Wittner, L. & Welzer-Lang, D. (1995). Poétique et imaginaire de la ville contemporaine. Théologiques, 3(1), 27–41. https://doi.org/10.7202/602413ar Résumé de l'article La complexité urbaine questionne notre intelligence des sociétés. La ville secrète un imaginaire dense et vivant fait de son histoire, des espaces et de leurs représentations, dont seul le récit rend partiellement compte. L’espace n’est pas polysémique : il inscrit les valeurs dominantes. L’architecture et l’urbanisme connotent une conception du monde, que l’acte d’habiter travaille, use et parfois modifie, mais cet acte lui-même est appauvri par l’idéologie. La ville est un empilement fractal de territoires dans lesquels les hommes se déplacent et se côtoient sans forcément se trouver. Le social se structure dans ce qui est l’épaisseur des univers urbains, l’imaginaire vécu, l’espace représenté. Certaines formes urbaines sont devenues le bouc émissaire du mal de vivre. Leurs habitants, objets et victimes de la stigmatisation des lieux, dressent pour se (en) sortir des stratégies de départ réel ou symbolique. L’action sur l’espace, entreprise au nom du bien, se révèle une action de domination sur les hommes. L’approche poétique des espaces permet de retrouver l’humanité de l’autre. Lisbonne ma ville mon poème de chaque semaine (chanson portugaise) Théobgiques 3/1 (1995) 27-41. Poétique et imaginaire de la ville contemporaine Laurette W I T T N E R enseignante chercheure au Laboratoire de sciences humaines et sociales de l'École nationale des travaux publics de l'État Daniel WELZER-LANG enseignant chercheur au CREA Université Lumière Lyon II RÉSUMÉ La complexité urbaine questionne notre intelligence des sociétés. La ville secrète un imaginaire dense et vivant fait de son histoire, des espaces et de leurs représentations, dont seul le récit rend partiellement compte. L'espace n'est pas polysémique : il inscrit les valeurs dominantes. L'architecture et Vurbanisme connotent une conception du monde, que l'acte d'habiter travaille, use et parfois modifie, mais cet acte lui-même est appauvri par l'idéologie. La ville est un empilement fractal de territoires dans lesquels les hommes se déplacent et se côtoient sans forcément se trouver. Le social se structure dans ce qui est l'épais- seur des univers urbains, l'imaginaire vécu, l'espace représenté. Certaines formes urbaines sont devenues le bouc émissaire du mal de vivre. Leurs habitants, objets et victimes de la stigmatisation des lieux, dressent pour se (en ) sortir des stratégies de départ réel ou symbolique. L'action sur l'espace, entreprise au nom du bien, se révèle une action de domination sur les hommes. L'approche poétique des espaces permet de retrouver l'humanité de l'autre. Lisbonne ma ville mon poème de chaque semaine ( chanson portugaise ) 28 L. WÎTTNER et D. WELZER-LANG 1 • La mise en récit de la ville Ville : la vivre et la raconter, ou plutôt, dans l'autre sens, la raconter et la vivre parce que l'homme est avant tout autre chose, un être qui raconte, et qui, pour organiser sa pensée ou ses émotions, doit les mettre en parole. Ceux qui se sont attaqués à la description de la ville, en scientifiques et non en poètes, ont utilisé le récit. Récit régi par le modèle de Blanchard^, où les actions s'inscrivent dans l'histoire, où la trame historique donne un caractère inéluctable aux événements et où le héros est le bâti; ou récit à la manière de Levainville 2, plus proche de l'épopée, où la ville apparaît en toile de fond des affaires d'hommes ou de classes, et où le héros est l'homme... récit planificateur, aménagiste ou politique comme le veut la fin du siècle, où le héros est climat ou idéologie, mais en tout cas récit. C'est le récit comme forme littéraire, qui a construit l'expression de la géographie, de l'histoire et des études urbaines. Parce qu'elle a un rythme et des procédés rhétoriques qui lui sont propres, la mise en récit a été rejetée, comme la littérature a pu l'être des champs scientifiques à l'époque où le positivisme connaissait un succès — diffus mais certain — en sciences sociales. Elle a été dévalorisée par le modernisme, qui la méprisait ouvertement et qui l'opposait au savoir, l'accusant de trop de subjectivité et la jugeant insuffisamment explicative. Bannie, la mise en récit a donné place à des tentatives de description, copiées des sciences de la nature. Toute connaissance devait se plier au nouveau modèle qui se voulait garant de l'objectivité scientifique. Seule la philosophie pouvait encore, du haut de ses titres incontestés de noblesse, se permettre la poésie. Mais sans le récit, le discours sur la ville perdait de son pouvoir d'expression. Le récit conférait du sens au discours sur l'homme et la société en ordonnant la réalité; il était le seul à pouvoir rendre compte de la subjectivité sous-jacente aux questions que pose la ville. La ville échappe en effet à tout discours, et reste inexplicable, gouffre des disciplines, toutes insuffisantes à appréhender la complexité de cette création humaine par excellence, de cet abri démesuré, lieu de l'Homme. 1 Nous faisons référence aux monographies de Grenoble et de Annecy par Raoul BLANCHARD : Annecy : Essai de géographie urbaine. Annecy, Société des amis du vieil Annecy, 1958; Grenoble : Étude de géographie urbaine. Paris, A. Colin, 1911. 2 ]. LEVAINVILLE, Rouen pendant la guerre. Paris, PUF, 1926. POÉTIQUE ET IMAGINAIRE DE LA VILLE 29 2. La ville paradoxale Au Moyen Age, la ville était lieu de tous les maux, de tous les dan- gers. Lieu laïque et nouveau, où tout était possible et où le droit chemin n'était encore tracé ni par le temps ni par l'expérience, elle ne pouvait qu'être inquiétante. Elle perdure aujourd'hui en cette voie : lieu trouble, de conflits intimes, de contradictions et paradoxes, de complexité et simpli- cité, d'échanges et indépendance, de permanence et changement, de peur et violence, mais aussi de solidarité et d'appui... La raison première de la ville est que l'homme est incapable de ( sur )vivre seul. Dans ses franges connotatives, « Cité » décline citoyenneté, civilité. Lieu voulu et recherché, symbole de la modernité au point que le mot « paysan » devient péjoratif en tant qu'étape arriérée du monde, revers d'une même médaille qui indiquerait le mauvais choix. Et pourtant la ville, si convoitée soit-elle, est aussi le lieu de propagation de l'épidémie, de l'insécurité, du vandalisme, des drogues, des décharges, car elle est fruit de ce qui existe comme artifice dans la technique, dans le dressage du temps et des choses, dans la force et l'énergie nécessaires pour que la rivière coule sage et potable aux robinets. La ville est l'écran qui protège l'homme de la nature et lui permet de la rêver. Elle est le lieu de la contradiction née du rejet amoureux d'une nécessité : celle de l'inévitable et de l'évident. Lourde comme un rêve, la ville prend, comme les rêves, une source dans les représentations du passé et une autre dans celles du présent immédiat. La ville est humaine, abri fait de travaux et tensions, territoire d'enjeux, luttes, pouvoirs. Création, la ville est surtout créative, carrefour du passé, du présent et du futur. La ville est tourbillon de vie, de travail, de mort. Mais qu'est au juste la ville? 3. La ville illimitée Inutile de chercher ses limites sur la carte : la ville se dépasse elle- même. Le rural est contaminé par l'urbain qui lui infuse ses références. L'espace n'existe plus au naturel, les campagnes sont le fruit du labeur agricole, l'inaccessible se fait paysage. Les seuls espaces sauvages, le seul refuge qui reste à la nature sont les friches de ville. Dans les lieux aban- donnés et laissés pour compte, dans les franges de l'urbain, dans ces espaces dévolus à personne et abandonnés au temps, la nature reprend ses droits et certaines espèces animales et végétales, s'y trouvant à abri de l'homme, survivent à son insu. L'homme n'est absent que de ce qu'il délaisse. 30 L. WITTNER et D. WELZER-LANG Comment cartographier une ville, radiographier ce par quoi l'urbain se métabolise en Cité? Comment établir la frontière, tracer, en dehors de l'administratif, un trait précis de séparation entre centre et banlieue, bon et mauvais? Des frontières existent pourtant, parfois infranchissables. Des hommes gravitent sans jamais se toucher dans des espaces topologiques distincts. Le balayeur de uploads/Geographie/litterature.pdf

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