N° 56 fph Construire la paix Eléments de réflexion à partir des pratiques des o

N° 56 fph Construire la paix Eléments de réflexion à partir des pratiques des organisations non gouvernementales et de quelques instances nationales et internationales Dossier de fiches, coordonné par Bérengère Cornet et Claire Moucharafieh Éditions-Diffusion Charles Léopold Mayer 38, rue Saint Sabin 75011 Paris tel/fax : 01 48 06 48 86 diffusion@eclm.fr www.eclm.fr Les versions électroniques et imprimées des documents sont librement diffusables, à condition de ne pas altérer le contenu et la mise en forme. Il n’y a pas de droit d’usage commercial sans autorisation expresse des ECLM. 1 Contribuer ensemble à l'art de construire la paix Il nous revient à l'esprit cette phrase d'un Negro Spiritual : “ I'm going to study war no more ” : je ne veux plus apprendre la guerre. C'est bien la paix, la construction de la paix, dans toute sa complexité, sans doute dans ses contradictions et ses propres impasses qu'il faut étudier. On ne peut réduire la construction de la paix à l'étude des causes apparentes de la violence et espérer construire la paix en supprimant ces seules causes. Des rivalités d'intérêt et de pouvoir, des appétits de puissance, l'agressivité humaine, la concurrence, la nécessité de cohabiter au sein des sociétés où coexistent des systèmes de valeurs, des cultures et des peuples à l'histoire différente existeront toujours. Vouloir supprimer ces causes dans l'espoir de construire la paix c'est rêver à la solution ultime qui abolit l'Autre. Cette logique folle est à l'oeuvre dans de multiples points du globe. On ne peut contribuer à construire une paix véritable en niant les contradictions et le droit de l'Autre à exister, même s'il est radicalement, irréductiblement, différent de soi. Construire la paix suppose de concevoir des modalités pacifiques de gestion des contradictions et des différences : culture de paix contre culture de guerre. La stratégie est l'art de conduire les armées. Elle remplit des manuels et les bancs des écoles de guerre. Elle s'enseigne dans les entreprises maintenant que la guerre économique prend le pas sur la guerre militaire. Mais qui inventera l'irénagie, l'art de construire et de maintenir la Paix ? Car la Paix n'est pas la non guerre. C'est souvent quand les armes se sont tues que le plus difficile reste à faire. La paix durable se construit à toutes les échelles, de la gestion des conflits entre frères ou voisins au bon usage de l'ingérence internationale. C'est pourquoi, l'art de la paix doit résulter de la mise en commun de l'expérience de tous ceux qui, à toutes ces échelles et sous les formes les plus diverses, ont eu, sans toujours en avoir conscience, à contribuer à la construction d'une paix durable. Il faut pour reprendre le mot magnifique de Pères Esquivel, mettre en mémoire nos histoires pour illuminer le présent. A l'issue de la rencontre des Partenaires de Paix qui s'est tenue à l'Arche de la Fraternité en octobre 1993 se sont exprimés la nécessité et le désir d'un travail collectif, poursuivi dans la durée. Autour de 12 axes définis à cette occasion, l'étape suivante, modeste mais essentielle, est de recueillir patiemment ce que chacun, à son échelle, a acquis d'expérience. Le présent document est un premier pas dans cette direction. Il fait suite à un numéro de la revue « Passerelles » intitulée : « Construire la paix : de la violence à une paix durable ». Fruit de la collaboration du CCFD et de la FPH, il se veut une petite brique de l'édifice à construire. Et si, ici ou là, un artisan de paix y trouve matière à réflexion ou source d'inspiration, s'il lui vient l'envie d'entrer en contact avec les personnes dont l'expérience est ici relatée, résumée avec les inévitables erreurs, ou approximations que cela entraîne, nous aurons pleinement atteint notre but. Pierre Calame, Président de la Fondation pour le Progrès de l'Homme Claude Baehrel, Secrétaire-général du CCFD 3 Sommaire 12 travaux pour la Paix 1. Faire avancer la conscience et la pratique du droit international p. 5 2. Du bon usage de l'ingérence internationale p. 19 3. Echange, dialogue et médiation p. 35 4. La construction et la diffusion d'une culture de Paix : l'éducation à la paix, à la démocratie, aux droits de l'homme et de la femme p. 49 5. De la non-violence en tant que stratégie : la résolution non-violente des conflits p. 71 6. Construire la paix avant la fin de la guerre p. 79 7. Favoriser les conditions d'une transition démocratique et consolider la société civile p. 89 8. Une juste solution au problème des réfugiés : améliorer leur sort et contribuer à leur retour p. 103 9. La protection des civils et la réinsertion des victimes p. 111 10. La réinsertion des combattants dans la vie civile p. 125 11. Les stratégies de réconciliation p. 131 12. La limitation et la reconversion des armements p. 139 5 I. Faire avancer la conscience et la pratique du droit international 7 L'exemple d'un tribunal d'opinion : Le tribunal permanent des peuples Héritier de l'expérience du « Tribunal Russell », le Tribunal permanent des peuples est né officiellement à Bologne en juin 1979, autour d'un postulat : au-delà des lois de tout Etat souverain et des accords internationaux qui régissent les rapports entre Etats, un nouveau code international protégeant les droits des peuples est nécessaire. Pour son initiateur, le sénateur et théoricien italien Lélio Basso, il s'agissait de « réaffirmer, bien haut, le principe selon lequel les peuples, c'est à dire les hommes réels qui les composent, représentent les éléments de la vie collective, et par delà même, la communauté internationale »… Aussi, le Tribunal s'appuie-t-il sur la déclaration universelle des droits des peuples (Alger, 1976) et tous les instruments de droit international et se donne pour mission de dénoncer, sous une forme juridique, les actes ayant porté atteinte aux droits des peuples. Il part d'un constat : dans de nombreuses circonstances, le droit et la justice ne peuvent être confiés à l'Etat et à ses organes, pas plus qu'à des instances internationales où entreraient en jeu des obligations de type diplomatique. Aussi, le Tribunal se compose-t-il de personnes privées, juges et jury venant du monde entier, ce qui garantit son indépendance. Il est compétent, en particulier, pour se prononcer sur tout crime international, sur toute infraction aux droits fondamentaux des peuples et des minorités, sur les violations graves et systématiques des droits et des libertés des individus. Saisi par une ONG ou un groupe d'ONG, le Tribunal, comme tout tribunal d'opinion, n'a par définition aucun mandat formel mais émet une opinion fondée. Il s'adresse à l'opinion notamment, en faisant intervenir des personnalités à la réputation de moralité incontestable, reconnue, qui se font aider par des juristes. Il émet, après avoir entendu toutes les thèses y compris celles des Etats ou institutions accusées, des jugements mais aussi des propositions pratiques pour le retour de situations de droit. Depuis sa naissance, le Tribunal s'est penché sur le Sahara occidental, l'Argentine, l'Erythrée, les Philippines, El Salvador, l'Afghanistan, Timor Est, le Zaïre, le Guatemala, le génocide des Arméniens, l'intervention des Etats-Unis au Nicaragua, l'Amazonie brésilienne, le Tibet etc… Dans certains cas (Amérique centrale, Afghanistan, Pakistan…). Des commissions d'information et d'enquête se sont rendues sur place. Depuis 1988, les thèmes des sessions ne se limitent plus aux violations graves des droits de peuples ou minorités opprimés mais touchent aussi les problèmes posés par la mondialisation, la dette, les risques écologiques majeurs après la catastrophe de Bhopal ou des thématiques régionales telle que l'Impunité en Amérique Latine. Une session sur la guerre en Bosnie est en préparation, session qui ne se limiterait pas au cadre d'un tribunal international pour juger les crimes de guerres. Portée et limites des sessions Par définition, les sentences prononcées ne peuvent prendre effet. Mais le sérieux des avis émis est reconnu. Les jugements sont remis au Parlement européen, à la Cour européenne des droits de l'homme, à toutes les commissions de l'ONU, aux organisations internationales et intergouvernementales et régionales, organisations humanitaires etc… Leur impact dépend ensuite de la couverture médiatique dont ils bénéficient, du travail de diffusion de l'information auprès de l'opinion, mais aussi du travail de lobbing auprès des différentes commissions de l'ONU ou autres. Grâce à son statut consultatif à l'ONU, la Ligue internationale pour les droits des peuples est un des vecteurs de sensibilisation. Les argumentaires juridiques, qui reposent sur une étude rigoureuse des faits, servent aussi très directement aux mouvements qui ont saisi le Tribunal. Par exemple, l'avis consultatif sur le Sahara occidental a servi au Polisario auprès de l'OUA. De même, la session finale sur l'Impunité en Amérique Latine, à l'issue d'un processus qui a duré une année, a contribué à l'avancée du débat sur la question. Les différentes sessions dans les divers pays, très bien couvertes dans les médias, ont aidé les associations en lutte sur le terrain et leur a permis de susciter des débats à tous les niveaux. Le concept même de « l'impunité », le débat sur ses conséquences ont fait leur chemin, repris uploads/Histoire/ 43-construire-la-paix 1 .pdf

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  • Publié le Mar 07, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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