Le développement et les constructions de la ville d'Alger jusqu'en 1960 (premiè
Le développement et les constructions de la ville d'Alger jusqu'en 1960 (première partie) par Georges Mercier Cent trente ans de présence française en Algérie ont profondément marqué le pays, ainsi, la petite cité pirate berbéro-ottomane moyenâgeuse devait sortir de ses enceintes dès 1830 sous l'impulsion des Français. Elle devait s'étendre vers l'est et les hauteurs de la baie, vaste amphithéâtre ouvert au levant et à la mer. Le Second empire allait être l'âge d'or de sa métamorphose en osmose avec l'ère moderne et industrielle européenne. La République ensuite continuera de bâtir, poussée par une démographie sans cesse croissante, nécessitant de réaliser tout ce qu'une ville jeune et moderne du xxe siècle devait comporter. Alger, jouissant d'un doux climat, devint une ville belle et gaie, active, dotée de tous les bienfaits des nouvelles énergies et technologies. Après avoir été au côté de la métropole dans tous les conflits d'Europe et d'Outre-mer, elle fut la « capitale de la France libre » lors de la Seconde Guerre Le développement et les constructions de la ville d'Alger... mondiale. Puis oubliée, meurtrie, humiliée par la lâcheté et la folie des hommes, elle devait être aban- donnée « clés en mains » en 1962 pour un autre destin. Toutefois son domaine bâti et son port resteront les témoignages de l'ceuvre française. De « El Djezaïr à Alger la Blanche » «...Si Alger nous était conté... », Solin le grammairien latin et géographe du Hie siècle raconte que Hercule, célèbre héros de la mythologie grecque qui recherchait « les pommes des Hespérides » (îles imaginaires) longeait la baie avec ses vingt compagnons. Or ces derniers, las de ces recherches sans fin, trouvant le site accueillant décidèrent d'y rester pour y fonder une cité, laissant Hercule poursuivre ses voyages. Ne pouvant s'accorder sur le nom à donner à la cité, ils l'appelèrent Eikusi signifiant « vingt » en grec, que les Romains latinisèrent ensuite en Ikosium, nom de la colonie que Vespasien fonda (Pline)... Selon d'autres sources, Icosium vient du mot phénicien Icos signifiant dans les vieilles langues aryennes « enceinte sur une hauteur ». Plus tard, le professeur Cantineau, spécialiste de langues anciennes examina quelques pièces de monnaies antiques découvertes fin xixe siècle lors de tra- vaux dans le vieux quartier de « La Marine » d'Alger et sur lesquelles il décou- vrit des caractères puniques signifiant Icosim, c'est-à-dire « l'île aux mouettes ». Ce qui peut faire rêver à une cité vieille de 3 000 ans. P (uni()) SITTIO. M. (ARO. F (IT(0). QVIR (INA) PLOCAMIAN (o) ORDO ICOSITANOR (um) M. (ARcus) SITTIVS, P (uBLII) F (Iuus) QVIR (INA) CiECILIANVS PRO FILIO PIENTISSIMO H (0N0RE) R (ECEPTO) I (MPENSAM) R (EmisiT) A Publius Sittius Plocamanius, fils de Marcus de la tribu Quirina le Conseil Municipal d'Icosium. Marcus Sittius Cœcilianos, fils de Publius de la tribu Quirina, au nom de son fils très cher, ayant reçu l'honneur, a assumé la dépense » Pierre d'Icosium (cliché Willy Guedj). D'autre part on découvrit dans les fondations d'un vieil immeuble une ins- cription romaine sur un dé de piedestal (0,65 x 0,32) portant le nom Icositanu s signifiant habitant de Icosium. Cette pierre a été encastrée sur un pilier des arcades de la rue Bab-Azoun à l'angle de la rue du Caftan à Alger (1). La destruction de Carthage par les Romains ayant entraîné le partage de l'Empire carthaginois entre Rome et les rois de Numidie et de Mauritanie, Rome aurait bien entendu latinisé le nom de la cité. La « pax romana » avait alors assuré la prospérité d'Icosium comme le démontre la découverte de l'épigraphe précitée. La cité était dotée de magistrats et de fonctionnaires. Elle s'est aussi trouvée animée par le clergé donatiste (2) dont l'évêque Larentius en 419 et l'évêque Victor en 484 que les Vandales persécutèrent. Le chroniqueur arabe du ixe siècle El-Bekri relève dans la cité les substrats d'une église et d'un théâtre romain. La cité romaine devait être anéantie par les invasions vandales et byzantines. Elle tomba alors dans l'oubli du ve siècle au xe siècle, ne devenant qu'un lieu de rencontres pour les tribus de l'intérieur du pays, les navigateurs et les mar- chands venant d'Hippone et de Carthage. C'est alors que s'y installèrent dès le ixe siècle de l'hégire (xe siècle de l'ère chré- tienne) les Berbères de la tribu des Beni Mezr'anna dont le chef Bologguin donna à la cité le nom d'« El-Djezaïr Beni Mezr'anna » « les îles des enfants de Mezr'anna » en raison des îlots qui protégeaient la baie en formant d'après El- Bekri « un très bon mouillage ». La cité devait se construire à l'intérieur de remparts bâtis à l'aide des matériaux de ruines romaines provenant de la ville de Tamenfus située à l'est. Travaux qui furent achevés par Keir-ed-Din vers 1590. Du xe siècle au xvle siècle El-Djezaïr, cité berbère, changera bien souvent de maître et de fortune selon la « course » qui s'y pratiquait depuis le mie siècle. Fernand Braudel (3) écrit que « la piraterie en Méditerranée est aussi vieille que l'his- toire. Elle est chez Boccace, elle sera chez Cervantès, mais elle était déjà chez Homère ». Vers la fin du xve siècle la chute de Grenade (1492) provoqua l'exode de milliers d'Andalous musulmans, emmenant avec eux leur culture et traditions vers les principales villes du Maghreb. Les récits d'un des plus illustres d'entre eux, Léon l'Africain, feront référence. Ce dernier visita plusieurs fois El-Djezaïr entre 1510 et 1518 lors de ses voyages de Fez à Tunis (4) . Il décrira les monuments et constructions de la ville, ses « souks » et ses « fon- douks », et dénombrera environ quatre mille feux groupés à flanc de colline « à l'intérieur d'une enceinte en grosses pierres ». Des récits encore plus marquants d'anciens captifs racontent leurs mésaven - 1 - Une inscription épigraphique romaine mentionnant le nom d'Icositanus fut découverte en 1844 dans les ruines d'une maison de la Casbah. Lire aussi dans l'algérianiste: n° 51, 93, 94 et 102. 2 - Les « donatistes » étaient des chrétiens (fidèles à l'évêque Donat fondateur de cette croyance du Re siècle) qui se prétendaient seuls héritiers des apôtres. Au y' siècle, saint Augustin devait lutter contre cette « héré- sie ». L'algérianiste n° 82 sur les évêques d'Algérie de Jean Gueydon. 3 - F. Braudel est l'auteur de La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, A. Colin, Paris. L'algérianiste n° 39 de J. de la Hogue sur les captifs de la régence d'Alger, et n° 58 et 59 - articles de Gaston Palisser. 4 - Léon L'Africain fut un géographe et conteur musulman du nom de « Al Hassan Ibn Muhamad Al Fassi >: né à Grenade au pays de l'Al Andalus qui fut chassé par la « reconquista ». Il devint un voyageur de Fez a Constantinople via El-Djezaïr, puis à Rome où Léon X, grand pape de la Renaissance le protégea. En 152 6 il publia sa Description de l'Afrique qui sera une référence essentielle pour tous les historiens pendant quatre siècles. Amin Maalouf fit de ses aventures une histoire romancée parue en juin 1986. Le développement et les constructions de la ville d'Alger.. Alger - vue de La Marine - 1830. tures chez les barbaresques. Citons d'abord Diego de Haedo (5) , abbé de Fromesta, qui fit paraître son ouvrage à Valladolid (Espagne) en 1612. Sa captivité avait duré de 1578 à 1581. Peut-on imaginer qu'il ait connu au bagne Cervantès, le célèbre auteur de Don Quichotte, qui fut lui aussi captif des pirates barbaresques de septembre 1575 au début de 1580 et qui écrivait un autre ouvrage La vie à Alger? L'évêque Jean-Baptiste Grammage, capturé en 1619, écrira deux récits de sa mésaventure, le second portera surtout sur les constructions principales de la cité. Un autre captif, Mascorennas qui y séjournera de 1621 à 1626 décrira la régen- ce turque, ses rues et leur surveillance de jour comme de nuit. Les mémoires du père Pierre Dan, supérieur de l'Ordre de la Trinité et de la Rédemption attaché au rachat des captifs, parues en 1637, seront aussi de bonnes descriptions de la cité sur le plan architectural. D'autres encore complèteront ces témoignages comme le médecin hollandais Olfert Dapper qui publia ses récits en 1668, Jean-André Peyssonnel (1694-1759), l'anglais Thomas Shaw professeur à Oxford en 1710-1732 ou encore René- 5 L'ouvrage de Haedo Topographie et histoire générale d'Alger , traduit de l'espagnol par le docteur Monnereau et Adrien Berbrügger parut dans la Revue africaine n° 14 en 1870 ainsi que par Albert Devoulx dans « Alger, étude archéologique et topographique aux époques romaine, arabe et turque ». Revue africaine n° 112 de 1975. Alger - vue de la villa du raïs Hamidou, futur emplacement de l'ensemble immobilier Diar-el-Mahçoul. Louiche Desfontaines (1750-1833) membre de l'Académie des sciences. Jean-Michel Venture de Paradis (1739-1799) s'attachera particulièrement à décrire les grandes demeures et maisons à patios de la cité. Toutefois il n'existe ni dessin ni peinture uploads/Histoire/ 6-developpement-constructions.pdf
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- Publié le Mai 25, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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