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Les Scemama appartenaient à la communauté juive tunisienne de Tunis, laquelle était installée dans la capitale du royaume depuis des temps immémoriaux. Il se trouve que cette famille a donné à la Tunisie un certain nombre de personnalités, notamment dans le domaine de l’administration des finances et de la justice. Ainsi, on verra depuis au moins la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle, une véritable dynastie de hauts fonctionnaires des finances du Bey de Tunis porter le nom de Scemama ou Samama. De même, plusieurs Scemama seront au XXe siècle avocats et bâtonniers au barreau de Tunis. ONOMASTIQUE DES NOMS SCEMAMA OU SAMAMA Près de 50% des patronymes des juifs d’Afrique du Nord sont d’origine arabo-berbère. Les études d’onomastique d’Eisenbeth effectuées à l’occasion des recensements de mars 1931 en Afrique du Nord lui ont permis de dresser une liste de 4063 patronymes juifs qu’il a classé sous 1146 souches de noms. 44,5% d’entre elles sont d’origine arabo-berbère, 17,19% d’origine romane (en particulier les Juifs originaires de la péninsule ibérique), 12,65% d’origine hébreo-araméenne, 3,57% d’origine germanique etc., et 22% sont inclassables. Dans sa liste des patronymes, Eisenbeth indique que CHEMAMA et ses équivalents portés à l’époque CHIMAMA, SAMAMA, SCEMAMA, SCHEMAMA, SEMAMA correspondent à un nom de tribu : « les Chemama, fraction des Menzel Cherqui, du caïdat Arad, contrôle civil de Gabès (Tunisie) habitent Menzel et Henchir Ouali ». En mars 1931 le patronyme Scemama était porté exclusivement en Tunisie alors que l’on trouvait également des Samama au Maroc et des Schemama dans le département d’Alger. En outre, les Chimama ne vivaient à l’époque que dans le département de Constantine, les Semama dans ce même département et au Maroc, enfin les Chemama résidaient dans les trois 4 départements, les Territoires du Sud algériens et en Tunisie. 1 Par ailleurs, le mot « Chemama » désigne en arabe dialectal une « plante odoriférante ». Sur ce dernier point, Paul Sebag précise que l’arabe shemâma est un substantif féminin désignant une plante odoriférante qui est la Rhapontic acaule ou cucurnis dudaim odorantissimus. Jacques Taïeb propose de rattacher ce patronyme à un nom de lieu, le Djebel Chemama situé dans le sud-ouest tunisien. Il signale également que le mot Chemama signifie en arabe un melon odoriférant, à rapprocher de Chemimoun qui signifie dans la même langue une plante très odoriférante. Son étude des patronymes des Juifs du Maghreb portant sur 1306 souches distingue entre autres, les souches berbères qui ne représentant que 7,8 % du total et les souches arabes atteignant une proportion de 54,5 % . Parmi ces dernières figure Scemama avec ses variantes. Dans une grande ville comme Tunis, la plus grande partie de la population juive portait des patronymes d’origine arabe, exception faite des Juifs livournais. Il s’agit essentiellement de patronymes de vieux citadins, enracinés dans la ville avant le XVIIe siècle. Par ailleurs, l’auteur distingue dans la fréquence des souches quatre catégories : les très fréquentes (15), les fréquentes (26), les courantes (86) et les minoritaires (1179). Les Scemama sont classés dans les souches fréquentes qui réunissaient 16 % de la population juive d’Afrique du Nord en 1948. 2 Concernant la transcription du nom en caractères latins, nous avons vu que plusieurs possibilités existent. C’est pourquoi certains auteurs attribuent indifféremment à un même personnage deux orthographes voire deux phonétiques différentes. Ainsi, La plupart des auteurs qui transcrivent le nom à partir de sources hébraïques, judéo-arabes ou arabes remontant au XIXe siècle, préfèrent l’écrire avec le préfixe « che ». David Cazès dans ses notes bibliographiques sur la littérature juive tunisienne signale en 1893 les différentes façons d’écrire ce patronyme : Schemama, Chemama, Scemama, Samama, etc. Il a adopté dans son travail l’orthographe « Schemama » car elle se rapproche le plus de la prononciation du nom écrit en caractères hébraïques. En effet, les lettres hébraïques chin (son « ch ») et sin (son « s ») ne diffèrent que par la localisation d’une ponctuation. Si cette ponctuation ne figure pas dans les textes, on peut lire les deux. Mais c’est apparemment le chin qui domine car dans les Registres matrimoniaux, Robert Attal transcrit de l’hébreu « SHEMAMA », dont il donne par ailleurs dans son index patronymique un équivalent en « Samama ». De même, dans les documents administratifs du XIXe siècle tirés des archives nationales tunisiennes et rédigés en arabe ou judeo-arabe, les chercheurs transcrivent SHAMMAMA, CHEMMAMA ou CHEMAMA. 3 1 Maurice Eisenbeth, Les Juifs de l’Afrique du Nord : démographie et onomastique, Alger, imprimerie Carbonnel, 1936, p.69. (Réédition par le Cercle de Généalogie Juive et La lettre Sépharade, Paris, Edition Service Gutenberg XXIe siècle, 2000). 2 Paul Sebag, Les noms des Juifs de Tunisie, Origines et significations, Paris, L’Harmattan, 2002, p.123 ; Jacques Taïeb, Juifs du Maghreb, Noms de famille et société, Paris, Cercle de généalogie juive, 2004, p.138,171-183,186-187 .Voir aussi Jacques Taïeb, Les patronymes des juifs du Maghreb, conférence prononcée le 11 janvier 1999 à Paris, sous l’égide du Cercle de Généalogie Juive (document audio) 3 David Cazès, Notes bibliographiques sur la littérature juive tunisienne, Marseille, Jasyber, 1988, p.287. 5 Il y a donc dans la transcription du nom un consensus pour la racine « sh » ou « ch » ; seule la voyelle change. A l’origine, le patronyme devait vraisemblablement se prononcer de cette façon. Il semble que ce soit vers la fin du XIXe siècle, sous l’influence des cultures italienne et française et avec la « latinisation » des noms de famille qu’il y ait eu abandon de la racine « sh » pour « sc ». Lionel Lévy met l’accent sur le rôle des écoles italiennes et des Juifs livournais de Tunis dans le processus d’occidentalisation des noms de famille : « C’est dans les écoles italiennes que les Chemama, Chemla, Cheteboun apprirent à orthographier leurs noms en Scemama, Scemla, Scetbon ». Par ailleurs, on trouve le patronyme SEMAMA, probablement francisé, dès la fin du XVIIIe siècle, parmi des membres de la communauté juive de Marseille, lesquels étaient des marchands juifs tunisiens installés sur place. Concernant l’orthographe « Scemama », nous notons que dès 1875, un Elie Scemama membre du Comité régional de l'Alliance Israélite Universelle de Tunis est inscrit comme tel sur un document rédigé en français des Archives de l’Alliance à Paris. 4 En Tunisie, en France ou en Italie, on transcrira arbitrairement « Scemama », « Semama » ou « Samama », des patronymes qui vont devenir différents mais dont les détenteurs peuvent être issus de la même famille. La différenciation entre les deux noms a commencé un peu avant le protectorat français, comme en témoignent les Registres d’état civil du consulat de France à Tunis sur lesquels des négociants SAMAMA et SEMAMA, fraîchement naturalisés français, ont fait enregistrer les naissances de leurs enfants à partir de 1869.5 Cette différenciation ne s’est peut être achevée qu’en 1909, date de l’établissement de l’état civil obligatoire pour tous les Tunisiens, musulmans et juifs. En France et en Italie, on assiste à une fixation de la graphie avant la fin du XIXe siècle. 6 Réédition de l’ouvrage de 1893 ; Jean Ganiage, Les origines du Protectorat français en Tunisie, 1861- 1881, Paris, Puf, 1959, pp.99, 183,296 ; Robert Attal et Joseph Avivi , Registres Matrimoniaux de la Communauté Juive Portugaise de Tunis aux XVIIIe et XIXe siècles , Oriens Judaïcus, Series IV ,Vol II, Jerusalem , Institut Ben-Zvi ,1989, passim ; Ridha Ben Redjeb, «les Juifs de Tunisie à l’époque précoloniale à travers les fonds des Archives Nationales Tunisiennes », dans Histoire communautaire, Histoire plurielle, la communauté juive de Tunisie, Tunis, Centre de publication Universitaire, 1999, pp.65-81 ; Mustapha Kraïem, La Tunisie précoloniale(I), Tunis, Société Tunisienne de diffusion, 1973, pp. 440-441 ; Abdelhamid Larguèche, Les ombres de Tunis, pauvres, marginaux, et minorités aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Arcantères éditions, 2000, p. 389 ,note 133. 4 Lionel Lévy, La Communauté juive de Livourne, Paris, L’Harmattan, 1996, p.71 ; La Nation Juive Portugaise Livourne Amsterdam Tunis, 1591-1951, Paris, L’Harmattan, 1999, pp. 79, 310, 195, 316. Signalons également la remarque de monsieur Raphaël Scemama petit-fils du caïd Moïse, qui nous a aimablement indiqué que la prononciation en judeo-arabe entraîne un glissement du « sh » au « s ». 5 Communication personnelle de Monsieur Albert Cassuto sur des recherches effectuées par Monsieur Alain Cabanac dans les Archives du Ministère des Affaires étrangères. 6 Ainsi, le caïd Salomon (1827-1899) est anobli en Italie sous le nom Semama mais adoptera définitivement en France la graphie Scemama . Sur son acte de décès à Montpellier en 1899, il est déclaré par son petit-fils Nissim Samama , fils de sa fille Aziza mariée à Moïse Samama. Ce dernier bien que peut-être de la même famille avait adopté le patronyme Samama depuis un séjour en Italie. A noter que dans une note de condoléances parue dans un journal est cité le frère du caïd Salomon Scemama, « Giuseppe Semama de Livourne ». (Documents aimablement fournis par monsieur Jean Sfez, petit-fils 6 Enfin, soulignons l’existence d’une uploads/Histoire/ a-del.pdf

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  • Publié le Aoû 10, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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